LA FIRME australienne, AVZ Minerals, s’est alliée le plus grand fabricant mondial d’électrolyte de batteries, le chinois Guangzhou Tinci Materials Technology en vue du financement du projet Lithium Manono. Depuis une année, au lendemain d’une paix arrachée au forceps par Kinshasa, entre pygmées et luba-bantous, Manono se bâtit une certaine renommée internationale pour les ressources minières dont regorge son sous-sol, dont le lithium, et les terres rares.
Le Groupe Forrest s’y est déjà pré-positionné. Il a installé, en mars 2018, une impressionnante centrale de production d’énergie solaire qui a pu redonner vie à un vétuste réseau de la Société nationale d’électricité (SNEL). Fin janvier dernier, AVZ Minerals a annoncé la levée de 10 millions de dollars australiens pour faire avancer son projet au Sud-Est de la République démocratique du Congo. La stratégie montée par la firme consiste, en effet, à lever des fonds à travers un plan d’achat d’actions. Les actionnaires éligibles pourront souscrire jusqu’à 15 000 dollars australiens de nouvelles actions de la société.
D’après AVZ Minerals, les fonds collectés serviront à accélérer les activités de pré-développement, comme l’étude de faisabilité définitive, y compris les essais hydrogéologiques, les études environnementales et l’assèchement de la fosse. AVZ Minerals détient, en effet, 60 % du Projet Manono qui couvre quelque 188 km². Selon Nigel Ferguson, le directeur général d’AVZ, le conseil d’administration a naturellement pris acte de la volonté des autres actionnaires de soutenir la progression du projet Lithium Manono ainsi que de la levée de fonds dont la finalité est de récompenser les actionnaires en leur offrant une méthode moins coûteuse pour soutenir AVZ Minerals.
Quant au mémorandum d’entente convenu avec Guangzhou Tinci Materials Technology, le DG d’AVZ estime qu’il offre au partenaire chinois la possibilité de s’approvisionner dans la mine de Manono. Ce n’est pas une révélation, des ONG ont récemment publié des rapports très alarmistes sur l’exploitation du cobalt par des jeunes enfants et des femmes enceintes dans la région du Grand Katanga.
Des firmes comme Ford sont devenues très regardantes sur leur circuit d’approvisionnement en cobalt et lithium. Mais que gagnera Manono, dans l’exploitation de son lithium ? Investisseurs et industriels chinois n’en ont dit aucun mot. Des observateurs croisent les doigts dans l’espoir que Manono n’y gagnerait pas que des regrets comme Tshikapa, Miabi, Djokompunda ou encore Mbuji-Mayi, où les impacts sociaux de plus visibles de l’exploitation du diamant après plus de 100 ans d’exploitation, demeurent les érosions, le désintérêt de la jeunesse pour le stylo et les cahiers au profit de la pioche et du « mutshanga », tamis de fortune des creuseurs des gemmes.
Piles et batteries rechargeables
Le lithium entre dans la production de piles et de batteries rechargeables ou à haute tension, des lubrifiants spéciaux, le traitement de l’air vicié par le gaz carbonique. Il est aussi utilisé dans la métallurgie, l’industrie du caoutchouc et des thermoplastiques, la chimie fine ou encore dans l’industrie du verre et des céramiques. Les réserves mondiales de lithium étaient estimées en janvier 2018 à quelque 16 millions de tonnes et l’ensemble des ressources identifiées à 53,8 millions de tonnes.
Mais ces statistiques pourraient vite évoluer d’autant plus que cinq ans plus tôt, l’on estimait à 13 millions de tonnes seulement le stock mondial dont 58 % pour la seule Bolivie et 27 % pour la Chine. La RDC n’a jamais été citée comme potentiel producteur à l’échelle mondiale par les grandes agences comme l’USGS. Quant à la production, elle s’est chiffrée à 43 000 tonnes en 2017 au monde, hormis les États-Unis qui n’ont guère daigné publier leurs productions pour des raisons stratégiques.
De cette production, la Chine en était à 7 %, l’Argentine a fourni 13 % de la production mondiale, contre 33 % pour le Chili et 43 % pour l’Australie. Sans doute qu’avec le projet Lithium Manono, l’Australie veut maintenir sa position dominante dans le marché de ce minerai qui n’existe pas à l’état natif dans le milieu naturel. Le lithium est, en effet, un métal mou, gris argenté de couleur, se ternit et s’oxyde très rapidement au contact de l’air et de l’eau.
Bataille des industriels
Selon la presse occidentale, Séoul a bombardé Evo Morales, le président bolivien d’un doctorat honoris causa d’une de ses plus prestigieuses universités afin de caresser dans le sens de poils cet ancien gardien de lamas qui a quitté l’école très tôt, et dont le pays regorge suffisamment de lithium pour permettre à quiconque en aura obtenu l’accès de dominer le marché des batteries pour voitures électriques, ordinateurs portables et autres téléphones mobiles. Séoul veut s’assurer que Samsung, Hundai, LG et autres géants industriels sud-coréens pourront poursuivre leurs activités.
La classe politique japonaise, qui se déchire par ailleurs, est unie par un sentiment d’urgence. Le lithium, le tantalium, le germanium, l’indium et les dix-sept terres rares sont indispensables pour fabriquer ce que le Japon fait de mieux: l’électronique grand public, les véhicules à moteur hybride et les pièces de précision. L’essentiel de la production de ces métaux est actuellement contrôlé par la Chine, ce qui commence à préoccuper sérieusement Tokyo. L’offre d’achat hostile de 31 milliards d’euros lancée par le géant minier anglo-australien BHP Billiton sur le numéro un mondial des engrais, le canadien PotashCorp, témoigne du rôle stratégique que joue de nouveau l’agriculture dans l’économie mondiale. Mais, comme le souligne « The Times », « celui qui prendra le contrôle de PotashGorp récupérera aussi 32 % du capital du chilien SQM, le premier producteur mondial de lithium ». L’entrée en production de la mine de Manono devrait probablement modifier la carte mondiale de l’approvisionnement en lithium.