Des vivres et des médicaments déclarés avariés par l’Office congolais de contrôle et destinés à la destruction se retrouvent, curieusement, dans le commerce.
La polémique enfle. Que des produits avariés destinés à l’incinération se retrouvent sur le marché et soient revendus à des prix défiant toute concurrence n’est pas un fait nouveau à Kinshasa. Mais que des vivres et des médicaments impropres à la consommation destinés à la destruction au site d’enfouissement de Nsele soient systématiquement revendus dans les marchés environnants, cela devient insupportable pour les habitants de cette commune. Ils ont constitué un collectif pour dénoncer cette pratique et saisi des associations de défense des droits des consommateurs. Ils exigent que des sanctions soient prises contre les individus qui alimentent ce commerce de la mort.
L’initiative est partie des habitants du quartier Canada. D’après eux, les produits impropres à la consommation sont acheminés au site d’enfouissement de Nsele dans des camions transportant des immondices et d’autres déchets. Au lieu d’être incinérés, ils disparaissent avant de se retrouver sur les petits marchés où ils sont vendus pour presque rien. Il s’agit généralement de vivres, secs et frais, de produits cosmétiques et pharmaceutiques déclarés impropres à la consommation par l’Office congolais de contrôle (OCC). Le collectif des habitants de Nsele cherche à savoir qui entretient ce réseau de vente illicite de ces produits. En attendant, il accuse l’OCC de ne pas veiller sur la destruction effective des produits qu’il déclare dangereux pour la santé publique. Conscience professionnelle
À l’OCC, on se défend de toute négligence dans le traitement des produits impropres à la consommation. Les responsables de cet établissement public se félicitent, au contraire, de l’esprit d’abnégation des agents, qui, malgré plusieurs mois d’arriérés de salaires, se sont montrés imperméables à la corruption et soucieux de ne pas poser le moindre acte susceptible de porter atteinte à la santé publique. Et d’évoquer les saisies qui ont été faites, fin décembre 2015, au poste frontalier de Lufu Ntoto, dans la province du Kongo-Central. Un containeur frigorifique rempli de poissons communément appelés « makwala » impropres à la consommation et 150 touques de gasoil dissimulées sous des cartons de whisky en sachets en provenance de l’Angola ont été interceptés par des agents de l’OCC. N’eut été la vigilance des inspecteurs de conformité de cet office, des opérateurs économiques véreux auraient réussi à faire entrer au pays cette cargaison de la mort. Concernant ces poissons, l’analyse organoleptique a suffi aux experts de l’OCC pour les déclarer impropres à la consommation, tandis que le whisky, comme les eaux-de-vie et les liqueurs conditionnés en sachets, est frappé d’interdiction de fabrication, d’importation et de commercialisation en République démocratique du Congo. Cette mesure a été renforcée, en 2013, par le ministère de l’Industrie, des Petites et moyennes entreprises. Hormis les produits pharmaceutiques, la vente en sachets de produits, tels que les fruits et divers légumes, l’eau, les liqueurs et autres, est strictement prohibée sur toute l’étendue du territoire national. Mais cela n’est pas respecté.
Toujours à Lufu Ntoto, des agents de l’OCC ont également appréhendé un lot important de produits avariés, composé, notamment, de 2,5 tonnes de poissons « malwa », de 2 tonnes de liqueurs en sachets, de 500 kg de lait concentré importés de Malaisie, ainsi que de produits laitiers en provenance de la Chine. Les produits laitiers et dérivés, y compris les biscuits et les chocolats importés de ce pays sont, depuis 2008, interdits en République démocratique du Congo, conformément à une décision du ministère du Commerce. Une fois encore, cette interdiction est loin d’être respectée.
Les dirigeants de l’OCC déclinent, donc, toute responsabilité sur ce qui se passe au centre d’enfouissement de Nsele. Selon l’intersyndicale de l’office, les agents s’acquitteraient de leur tâche en toute conscience malgré la situation que traverse actuellement l’entreprise. Ils avaient d’ailleurs accepté d’arrêter le mouvement de grève alors qu’ils n’étaient pas payés depuis trois mois, sans compter la gratification ou le treizième mois ainsi que d’autres avantages reconnus par la convention collective dont ils n’ont pas bénéficié. Le directeur général de l’OCC, Hassan Yengula, a été suspendu de ses fonctions et mis à la disposition de la justice par la ministre du Commerce, Néfertiti Ngudianza Kisula. Il lui est reproché le retrait de 21 millions de dollars à la BGFI. Hassan Yengula affirme avoir affecté cet argent au paiement des arriérés de salaires des agents de l’OCC en province. Son prédécesseur, Albert Kasongo, avait été accusé d’entretenir 360 comptes inconnus de l’OCC. Avant son éviction, les agents n’avaient pas perçu leurs salaires pendant plus de cinq mois.