La publication, en mai 2015, du rapport intitulé «Lutter contre l’usage nocif de l’alcool» a remis en cause l’efficacité des mesures appliquées par les États membres de l’OCDE pour lutter contre la consommation abusive de l’alcool.
L’alcoolisation massive concerne de plus en plus de femmes et de jeunes. Ces derniers expérimentent l’ivresse de plus en plus tôt. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est préoccupée par l’augmentation des beuveries express ou «binge drinking» et l’absorption rapide de grandes quantités d’alcool chez les jeunes.
Créée en 1961, l’OCDE regroupe 34 membres : les États-Unis, les pays de l’Union européenne, le Canada, l’Australie, le Japon. La consommation moyenne dans les pays de l’OCDE est l’équivalent de plus de 9 litres d’alcool pur par année, soit l’équivalent d’une pinte de bière à 5° par jour, ou deux verres de vin à 10° par jour. Et cela, sans compter qu’environ une boisson alcoolisée sur dix ne serait même pas comptabilisée dans les statistiques officielles, car ces boissons sont brassées à domicile ou commercialisées de manière illégale. En intégrant ces données, la consommation moyenne d’un habitant de l’OCDE est de plus de 100 bouteilles de vin, ou 200 litres de bière, en une année, révèle l’Organisation.
Selon le rapport, malgré une «légère baisse» au cours des vingt dernières années, la consommation d’alcool dans les pays membres reste bien au-dessus de la moyenne mondiale. L’alcoolisation massive concerne de plus en plus de femmes et de jeunes, ces derniers expérimentant l’ivresse de plus en plus tôt.
Effets néfastes sur les buveurs et la société
Dans ce rapport, les chiffres sont alarmants. En Australie, par exemple, le nombre de jeunes filles de 18 à 24 ans admises à l’hôpital à cause de l’alcool a doublé entre 1996 et 2006. Aux États-Unis, les hospitalisations pour coma éthylique chez les 18-24 ans ont progressé de 25 % entre 1999 et 2008.En moyenne, dans tous les pays de l’OCDE, la proportion de garçons de 15 ans qui n’ont jamais bu d’alcool est passée de 44 % en 2001-2002 à 30 % en 2009-2010. À l’inverse, la proportion de ceux qui, à 15 ans, ont déjà été ivres au moins une fois, est passée de 30 % à 43 % au cours de la même période.
Ces évolutions sont particulièrement inquiétantes, renseigne le rapport, car les méfaits généralement associés à la consommation excessive d’alcool chez les jeunes n’ont pas seulement des effets néfastes sur les buveurs eux-mêmes, mais touchent souvent la société, c’est-à-dire d’autres personnes, par exemple en cas d’accidents de la circulation, actes des violences ou enfants nés avec des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.
En outre, les personnes qui consomment de l’alcool à un jeune âge ont un risque plus élevé de souffrir de maladies aiguës et chroniques. «Notre préoccupation majeure est la consommation d’alcool chez les jeunes» a déclaré Stefano Scarpetta, directeur pour l’emploi, les politiques sociales et la santé à l’OCDE.
Le rapport indique que ce phénomène est favorisé par trois facteurs. D’abord, l’aspect financier car une partie du phénomène «binge drinking» tient au fait que les boissons alcoolisées sont devenues largement abordables à l’achat par les jeunes consommateurs.
Se greffe ensuite la dimension sociale dans la pratique de l’alcoolisme. Actuellement, la consommation excessive d’alcool «est devenue une forme de socialisation» chez les jeunes, une manière pour eux de se mêler aux autres, de s’intégrer à un groupe.
Investir lourdement dans la sensibilisation
En plus, les fêtes sont, aujourd’hui, automatiquement associées à la consommation d’alcool. Le rapport épingle, enfin, les agences publicitaires qui, en assurant la visibilité et la promotion des boissons, encouragent implicitement l’amplification du phénomène «binge drinking».
Cinquième cause de décès et de handicaps dans le monde, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’abus d’alcool tue un plus grand nombre d’individus que le virus du Sida, la violence et la tuberculose. Des analystes de l’OCDE ont démontré, simulation à l’appui, que certaines politiques de lutte contre l’alcoolisme peuvent réduire les taux de consommation excessive, régulière ou épisodique, et la dépendance à l’alcool de 5% à 10%».
L’analyse économique de l’OCDE, concentrée sur le Canada, la République tchèque et l’Allemagne, montre que les médecins de soins de santé primaires peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre la consommation abusive, tandis que l’application par la police des réglementations existantes contre l’alcool au volant est essentielle pour réduire le nombre de victimes d’accidents de la route. L’Organisation préconise aussi d’augmenter les prix de 10 % et d’imposer un tarif minimum pour l’alcool bon marché.
Il convient, en outre, de réglementer les campagnes de publicité et d’investir lourdement dans la sensibilisation pour lutter contre la surconsommation d’alcool dont les pertes de productivité sont estimées à 1 % du PIB dans la plupart des pays. Cette option a été recommandée aux États membres parce que ce stratagème a déjà fait ses preuves au Canada, en République tchèque et en Allemagne, où le taux de personnes dépendantes à l’alcool a diminué de 5 à 10 %.