L’offre nationale

La réforme du secteur forestier en RDC a été engagée en 2001, soutenue par la communauté internationale, notamment la Banque mondiale. Cette réforme porte essentiellement sur les régimes de gestion des ressources naturelles, avec en toile de fond l’élaboration d’un code forestier. 

 

Le régime juridique régissant l’organisation des espaces forestiers et leur exploitation (régime forestier) repose sur la loi 011/2002 du 29 août 2002. Ce code classe les forêts en trois catégories (classées, protégées et de production permanente) répondant chacune à une vocation prioritaire : la conservation de la biodiversité, le développement socio-économique des communautés locales, la production durable de bois ou d’autres biens ou services forestiers. À l’exception des forêts classées pour lesquelles est fixé un objectif de couverture de 15 % du territoire national, le code forestier n’établit aucune répartition du domaine entre ces catégories.

Les forêts classées ont pour vocation de conserver la biodiversité. Elles relèvent du domaine public de l’État par un « acte de classement qui limite les droits d’usages à la stricte satisfaction des besoins domestiques des ayants droits coutumiers ». Leur gestion incombe à l’État par le biais de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’Environnement et du Développement durable. Cette gestion peut être déléguée par l’État à des personnes morales de droit public ou à des associations reconnues d’utilité publique.

Par contre, les forêts protégées (zones géographiques désignées, délimitées, réglementées et gérées en vue d’atteindre des objectifs spécifiques de conservation) ont pour objet le développement socio-économique. Elles appartiennent aux communautés locales qui les possèdent en vertu de la coutume selon le code forestier. Elles peuvent être converties à d’autres usages, constituant de ce fait une réserve foncière agricole, par les communautés locales qui sont libres d’en exploiter les ressources (par voie conventionnelle avec des exploitants artisanaux) ou d’y obtenir à leur demande une concession communautaire (en gestion collective directe ou par délégation de gestion). Les forêts de production permanente, quant à elles, sont censées assurer la production durable de bois ou d’autres biens ou services forestiers. Elles sont en fait soustraites au domaine des forêts protégées (les forêts des communautés locales) au terme d’une enquête publique devant les rendre libres et quitte de tous droits pour être mises sur le marché sous un régime concessionnel (signature d’un contrat de concession avec un opérateur privé ou public pour une durée limitée à 25 ans renouvelable).

Quid du code forestier et des acteurs ?

Selon les spécialistes, le code forestier de la RDC est « le plus extensif de la sous-région » dans les usages possibles qu’il donne à la concession forestière. En plus de l’exploitation du bois, il prévoit que la concession forestière puisse servir de cadre pour le tourisme et la chasse, la conservation, la bio-prospection. Le code réaffirme les principes de la propriété de l’État sur le domaine forestier (comme sur les domaines foncier et minier) et de l’emprise des populations locales sur la plus grande partie de ce domaine en vertu des droits coutumiers que leur reconnaît le droit congolais. De ce fait, soulignent les spécialistes, le domaine des forêts protégées est une « catégorie par défaut ».

L’application du code forestier se bute encore à des pesanteurs, notamment administrative (persistance de pratiques anciennes notamment discrétionnaires et de routines de pérennisation du provisoire). En effet, les parties prenantes nationales ne maîtrisent pas véritablement le code forestier et ses textes d’application. À cela il faut ajouter le déficit des spécialistes juridiques nationaux des questions environnementales et forestières, la faible publicité sur ces textes…

Le premier acteur dans ce secteur, c’est l’État. Selon l’article 7 du code forestier, les forêts sont la propriété de l’État. Un principe repris de la loi foncière de 1973 et dans la constitution de 2006. C’est sur cette revendication de propriété que s’appuyait l’administration pour justifier l’attribution discrétionnaire des titres et permis forestiers et que se fonde aujourd’hui le souhait du gouvernement d’obtenir un monopole d’accès aux paiements pour services environnementaux qu’il envisage comme une nouvelle rente. Il demeure que la propriété de l’État n’est véritablement assise en droit que sur le seul domaine public forestier.

C’est en effet par suite d’opérations de classement que les aires protégées sont versées dans ce domaine. Donc en l’absence de constitution en droit du domaine privé par des actes juridiques, expliquent des experts, l’État ne peut invoquer sur celui-ci qu’une présomption de domanialité. C’est pourquoi l’État désire étendre le domaine classé et hésite sur les limites à donner aux concessions communautaires car elles conféreraient aux communautés locales une certaine forme de droit de propriété sur laquelle ils pourraient revendiquer un accès à ces paiements.

Le deuxième acteur, c’est l’administration forestière, longtemps jugée « peu efficace ». Les revenus du Fonds de reconstitution du capital forestier (FRCF) servaient moins à financer ses missions d’aménagement et de reboisement qu’à verser des primes aux agents en charge de la gestion des forêts et de financer leurs missions et déplacements. Depuis la suppression des budgets pour ordre en 2005 par la loi 05/007 du 31 mars 2005, c’est la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD) qui collecte les taxes pour le FRCF. Avec les réformes, malgré les pesanteurs, le ministère de l’Environnement a joui d’une certaine crédibilité auprès des partenaires internationaux.

Surtout à partir de 2007 avec le processus de conversion, l’élaboration des mesures d’application du code et la désignation des points focaux nationaux des différentes conventions (climat notamment) au niveau régional (dans le cadre de la COMIFAC) et international.

Le troisième acteur, ce sont les entités territoriales décentralisées (ETD) qui souhaitent soustraire au gouvernement central la rente des ressources naturelles, comme l’a montré dès 2007 la mobilisation pour obtenir le versement directement sur le compte de la province de la part de la redevance de superficie qui leur était due selon le code forestier.

Ces revendications, relayées par les députés nationaux, ont pesé dans la rédaction de la loi sur la libre administration des provinces qui fait de la redevance de superficie une ressource propre.

Si le code forestier a anticipé d’une certaine manière la décentralisation par la rétrocession, les spécialistes pensent que le fait qu’il soit antérieur à la constitution laisse entrevoir des conflits de compétences, ouvrant le champ à des décisions arbitraires.

Le code forestier donne notamment aux ETD la possibilité de gérer directement des forêts du domaine privé de l’État (les forêts de production permanente). Ce pourrait être un moyen de générer des ressources propres, notamment au niveau des secteurs.

Le quatrième acteur, ce sont les concessionnaires forestiers. Leur légitimité d’accès à la ressource forestière repose sur une base contractuelle. Aussi certains évoquent la possibilité de contester les résiliations consécutives à la revue légale sur la base du code des investissements de 2002. La certification prévue dans la réforme devrait constituer pour eux un levier important dans la mesure où 70 % de leurs exportations ont pour destination le marché européen.

Il faut ici souligner le rôle de la Fédération des industriels du bois (FIB), syndicat professionnel rassemblant les principaux opérateurs. En 2007, la FIB reprochait à la Fédération des entreprises du Congo (FEC), le principal syndicat patronal, « une trop grande proximité avec le pouvoir ».

Bref, le secteur forestier en RDC est un secteur oligopolistique, c’est-à-dire un marché dominé par quelques entreprises. Au terme de la revue légale (et avant examen des recours administratifs), 18 opérateurs, détenteurs de 65 concessions, se partagent ce marché. Cinq d’entre eux (CFT, FORABOLA, SIFORCO, SODEFOR et SOFORMA) détiennent 43 titres qui correspondent à près des trois quarts des surfaces réelles concédées (9,2 millions d’ha sur les 12,6 millions convertibles).

Ces cinq acteurs qui dominent le secteur sont tous des capitaux étrangers : SIFORCO est une filiale du groupe Danzer (capitaux allemands), les quatre autres sont des filiales du groupe Nord Sud Timber (capitaux suisses, gérées par une famille portugaise).

La présence d’acteurs congolais parmi les opérateurs actifs dans le secteur formel est négligeable : seulement 9 titres convertibles couvrant 1,2 million d’ha, soit moins de 10 % des surfaces concédées. Les nationaux sont les principales victimes de la revue légale.

D’autres industriels, notamment chinois (FODECO, SOMIFOR…), ont fait leur apparition dans ce secteur devenu très concurrentiel.