ALORS QUE la Chine a affirmé sa position sur le continent africain, la nouvelle dynamique continentale amènera-t-elle le géant asiatique à changer de stratégie d’investissement ou son portefeuille africain ? Les intentions de la Russie sur le continent devenant de plus en plus claires, le premier sommet Russie-Afrique de cette année se traduira-t-il par des accords plus concrets pour la Russie sur le continent ?
Dans le même temps, l’initiative américaine « Prosper Africa » lancée en décembre 2018 pourra-t-elle faire face à la fois à la concurrence internationale grandissante et à la baisse de l’influence américaine sur le continent ?
Production africaine
Constituée d’une majorité de membres issus de nations africaines depuis l’adhésion de la République du Congo en juin 2018, l’évolution des relations entre l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et le continent nécessitera une ingéniosité diplomatique habile pour l’Organisation qui s’efforce sans relâche de gérer la surabondance de l’offre mondiale.
D’un côté, les principaux producteurs africains et membres de l’OPEP (Algérie, Libye, Nigeria, Angola et Congo) s’efforcent d’accroître leur production nationale, ce qui est de plus en plus difficile pour l’Organisation de négocier ses coupes de production.
De l’autre côté, le continent abrite également une multitude de producteurs de pétrole en devenir, comme le Sénégal, le Kenya ou l’Ouganda, ou d’anciens producteurs faisant un retour comme le Soudan du Sud, dont certains font partie de la Déclaration de coopération de l’OPEP, et dont la production future ajoute une autre couche de complexité dans la formulation de la stratégie globale de gestion des prix du pétrole de l’OPEP.
L’augmentation de la production africaine des pays membres et non-membres de l’OPEP ne fait que compliquer les capacités de manœuvre de l’organisation et alourdir son dilemme de créer un environnement des prix stable et propice aux investissements tout en évitant une aggravation de la surabondance d’approvisionnement qui ferait baisser davantage les prix.
Carte mondiale
Le retour de l’Afrique sur la carte mondiale du pétrole et du gaz n’est pas seulement dû aux vastes ressources naturelles de ses sols et de ses eaux, mais également au fait que le continent abrite de très grands projets énergétiques destinés à transformer le futur de l’industrie. En amont, le récent accord de coopération inter-gouvernementale entre le Sénégal et la Mauritanie, ainsi que la FID de BP concernant son développement transfrontalier Grand Tortue Ahmeyim, sont de bon augure pour l’avenir de l’industrie des hydrocarbures en Afrique de l’Ouest.
Le projet vise à extraire les 15 milliards de pieds cubes de gaz qui devraient être contenus dans le champ de gaz Tortue, situé à une profondeur de 2,850 mètres. Cependant, la capacité du Sénégal et de la Mauritanie à résoudre leurs différends pour assurer un développement plus durable de leurs réserves et de leurs installations en mer situées autour du bassin de MSGBC est un facteur à surveiller.
Les méga projets de gaz africains ne sont pas la propriété exclusive de la côte ouest du continent. Le Mozambique a lancé deux projets phares qui ont placé la nation de l’Afrique australe sur la carte du GNL.
Suite au lancement du projet Coral South FLNG par ENI en juin 2017, une FID est maintenant prévue dans les prochains mois pour le projet onshore Mozambique LNG, dirigé par Anardarko, et initialement composé de deux trains de GNL totalisant 12,88 MTPA destinés à l’exportation.
Élections au Nigeria
Le Nigeria, le plus gros producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, a également lancé d’importants projets de développement pétrolier en 2019.
L’année dernière, déjà, le FPSO Egina de Total, d’une valeur de 3,3 milliards de dollars, a été lancé au Nigeria, où la production a officiellement démarré aux premiers jours de 2019, et devrait culminer à 200 000 barils par jour (b/j). La FID est maintenant attendue sur le champ offshore de Shell à BongaSouthwest au début de cette année, un développement de plusieurs milliards de dollars dont la production devrait atteindre 180 000 b/j.
Parmi la série d’élections qui se dérouleront cette année sur le continent, du Sénégal au Mozambique, aucune ne sera plus importante pour le secteur pétrolier africain que celle du Nigéria en février. L’élection présidentielle nigériane façonnera l’avenir du secteur, non seulement parce que le Nigéria est le plus grand producteur de pétrole et de gaz d’Afrique, mais aussi parce que ce qui se passe au Nigéria a une incidence sur le reste du sous-continent d’une manière ou d’une autre. Alors que MuhammaduBuhari, candidat à la réélection, et son allié devenu rival, AtikuAbubakar, se sont engagés à signer le projet de loi nigérian sur l’industrie pétrolière (PIB), la capacité du futur président de le faire adopter rapidement aura une grande influence sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures au Nigéria pour les années à venir.
Au nord, l’Algérie et la Libye entrent elles aussi dans une année électorale, les élections générales libyennes de 2019 étant fixées pour le premier semestre de l’année et celles d’Algérie pour le mois d’avril. Les deux pays sont en voie de transformation.
Les autorités libyennes prévoient de plus que doubler la production du pays, qui devrait atteindre 2,1 millions de b/j d’ici 2021, à condition que la politique n’altère pas la gouvernance des hydrocarbures et le travail de sa compagnie nationale. Le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi, devrait se présenter aux élections alors que le pays demeure divisé entre l’Ouest et l’Est, rendant le maintien de la stabilité requise par les investisseurs difficile à prévoir.
En Algérie, où une vague de réformes secoue tout le secteur des hydrocarbures, les élections devraient maintenir un statu quo relatif, du moins sur le plan politique. La compagnie pétrolière nationale du pays, la Sonatrach, a lancé une stratégie de transformation ambitieuse qui lui permettra d’investir 56 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années et d’internationaliser ses opérations sur les principaux marchés mondiaux de l’énergie.
2019 pourrait même voir le géant étatique et plus grande entreprise d’Afrique s’étendre au sud du Sahara.