Lors de son premier discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 19 septembre, le président français, Emmanuel Macron, a défendu la liberté de la presse, notamment à travers une demande spécifique, portée depuis deux ans par Reporters sans frontières (RSF) et une coalition dans le cadre de la campagne #ProtectJournalists : « J’appelle à la désignation d’un représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies sur la protection des journalistes dans le monde car en aucun cas la lutte contre le terrorisme, le durcissement du monde dans lequel nous vivons ne saurait justifier la réduction de cette liberté. » Suite à sa demande, RSF a remercié Emmanuel Macron pour « son soutien au sein même de l’ONU sur l’un des sujets les plus cruciaux de la liberté de la presse, à savoir la protection des journalistes dans une période où ils font l’objet de tant de violences », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Il est temps de mettre fin à ces violations qui portent gravement atteinte au droit à l’information de millions de citoyens dans le monde.
Au moins 35 journalistes tués en 2017
De nombreux États ont déjà manifesté leur volonté que cette fonction de protecteur des journalistes soit créée auprès du secrétaire général de l’ONU. Le moment est venu qu’une décision concrète soit prise, estime Christophe Deloire.
Malgré les nombreuses résolutions adoptées depuis une décennie par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, au moins 780 journalistes et collaborateurs de médias ont été tués en raison de leurs fonctions au cours des 10 dernières années. Pour la seule année 2016, le chiffre est de 78 journalistes tués dans le monde. À ce jour, au moins 35 journalistes et collaborateurs de médias ont été tués depuis le début de l’année 2017. Le cadre légal adopté au sein des Nations Unies resterait lettre morte sans la mise en place d’un mécanisme concret d’application du droit international. Seul un représentant spécial travaillant directement auprès du secrétaire général de l’ONU pourra renforcer la mise en œuvre concrète du Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes et la question de l’impunité et avoir le poids politique suffisant, aura la capacité d’agir rapidement, et la légitimité pour coordonner tous les efforts des Nations Unies afin de d’amorcer un véritable changement sur le terrain.
Après que RSF, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (WAN-IFRA) ont rencontré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en février, il a décidé de créer un canal de communication privilégié avec les organisations de défense de la liberté de la presse. Cet outil, dédié à la sécurité des journalistes, doit permettre une communication directe et permanente avec l’ONU en cas d’urgence. En août, Guterres a nommé Ana-Maria Menendez, sa conseillère politique, comme « point focal » destiné à suivre des cas urgents à travers ce canal de communication.
Liberté de la presse en danger
Sur le continent africain, la tendance est clairement au régime autocratique, voire à la dictature brutale, selon RSF. Pour rappel, le 3 mai, la communauté internationale a célébré la Journée mondiale de la liberté de presse. Elle a été instaurée par les Nations Unies en décembre 1993, après la tenue du séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste. Ce séminaire qui s’est déroulé à Windhoek (Namibie) en 1991, a conduit à l’adoption, le 3 mai 1991, de la Déclaration de Windhoek sur la promotion de médias indépendants et pluralistes. Cette Déclaration exige l’établissement, le maintien et la promotion d’une presse pluraliste, libre et indépendante et met l’accent sur l’importance d’une presse libre pour le développement et la préservation de la démocratie au sein d’un État, ainsi que pour le développement économique.
Même si la Journée mondiale de la liberté de la presse n’est célébrée qu’à partir de 1993, il faut dire que son histoire est intimement liée à celle des droits de l’homme. En effet, il est stipulé, dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » Aujourd’hui, dans le monde entier, la date du 3 mai est devenue l’occasion d’informer le public à propos des violations du droit à la liberté d’expression et le moment de se rappeler que plusieurs journalistes risquent la mort ou la prison en transmettant la nouvelle aux gens.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), qui coordonne chaque année les activités qui soulignent le 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de presse, c’est d’abord « une journée d’action », qui favorise et permet de mettre sur pied des initiatives visant la défense de la liberté de la presse. C’est aussi une journée d’évaluation, afin de dresser le portrait de la liberté de la presse à travers le monde. C’est également une journée pour alerter le public et accroître la sensibilisation à la cause de la liberté de la presse… La liberté de la presse est considérée comme la « pierre angulaire des droits de la personne » et comme « une assurance que les autres droits seront respectés. » Elle favorise la transparence et la bonne gouvernance. La presse est pour la société la garantie que régnera une véritable justice. Vu sous cet angle, la liberté de la presse est « le pont qui relie la compréhension et le savoir. » Elle est essentielle à l’échange d’idées entre les nations et les cultures, qui est lui-même une condition menant à une compréhension et à une coopération durables.