Ce n’est pas encore une communauté considérable en termes de membres pour qu’on la qualifie de diaspora, mais la poignée de compatriotes congolais que j’ai eu la surprise et le bonheur de rencontrer à Melbourne, en Australie, méritent qu’on s’intéresse quelques instants à eux. Moi j’y étais de passage dans le cadre d’un symposium des gens de lettres. « Qu’est-ce qu’ils sont venus chercher ici ? Et comment ont-ils pu entrer en Australie, un pays réputé pour sa politique restrictive et répressive en matière d’immigration ? »
Voilà les questions qui me turlupinent pendant que nous nous dirigeons vers la salle où je suis convié à une mémorable réception. Certains sont installés là avec leurs familles, d’autres attendent d’accueillir les leurs dès que les longues et difficiles démarches administratives auront abouti.
Quel culot tout de même que de s’aventurer jusqu’à Melbourne ! Mais, me rétorqueriez-vous, dans quel coin de la planète Terre ne trouve-t-on pas de Congolais aujourd’hui ? J’en étais là à me poser mille et une questions lorsque je découvre sur la longue table chargée de mets un plat de … kwanga, autrement dit pain de manioc. En provenance du pays, m’assure-t-on avec cette précision : « Du plateau des Bateke ». Bonté divine : le miracle congolais ! Je n’en crois pas mes oreilles et mes yeux. Et pour être rassuré, je fais donc appel à mon palais et à mes pupilles gustatives. Bingo : c’est du vrai, de l’authentique kwanga made in DRC ! Mais comment font-ils ?
À Kinshasa, il m’est arrivé plus d’une fois de me faire gruger par des vendeuses de rue ou des marchands dans les petits marchés dits wenze qui vous proposent du pain de manioc soi-disant en provenance du plateau des Bateke. C’est une fois effeuillé dans l’assiette que le pain s’avère être une regrettable contrefaçon…
Pourquoi les Bateke, puisqu’ils existent, laissent-ils pirater, contrefaire leur produit fétiche et surtout hypothéquer sa réputation ? Il en est des Bateke comme d’autres groupes ethniques qui ont su développer à travers les âges des savoir-faire remarquables dans plusieurs domaines, savoir-faire qu’ils peinent à perpétuer, à transmettre aux nouvelles générations, et surtout à en tirer des bénéfices conséquents.
Sans doute que la responsabilité première incomberait à nos pouvoirs publics, à travers les ministères ayant des prérogatives sur les activités industrielles et les Petites et moyennes entreprises (PME). Sous d’autres cieux, on promeut les Appellations d’origine contrôlée (AOC). Mais pour que cette politique puisse être productive, c’est-à-dire profitable et au Trésor public et aux communautés détentrices de ces savoir-faire, il est indispensable de favoriser les projets qui visent à transformer, pour les conserver durablement en vue de leur commercialisation, les nombreux produits de nos terroirs.
On donnerait ainsi des opportunités d’embauche à ces milliers de jeunes que nos instituts supérieurs et nos universités diplôment chaque année et qui ne peuvent pas mettre en pratique les notions de chimie, de biologie et de physique dont leurs têtes sont bourrées. En attendant, qui leur jettera la pierre s’ils prennent la route en direction de Valparaiso, Chicoutimi ou Melbourne ?