On reconnaît un État sérieux aussi par les petites choses. Les mœurs de la vie publique en font partie. Et en cette matière, la République démocratique du Congo n’est pas logée à la belle enseigne. Enrichissement personnel ou illicite, conflits d’intérêts, corruption, impunité… Circulez, il n’y a rien à montrer ! Pourtant, la Radio Trottoir, toujours elle, qui émet plus puissamment que les médias classiques dans notre pays, nous gave de ces récits croustillants sur les mœurs politiques sur l’argent public.
C’est la rumeur, dira-t-on ! Bien sûr que la Radio Trottoir, toujours elle, est le terreau de la rumeur. Mais elle informe souvent mieux que les médias officiels sur les histoires underground pour lesquelles le Tout-Kin a un goût très vif.
Comme ce vieil adage : mentez, mentez, il restera toujours quelque chose, il y a toujours aussi un brin de vérité dans la rumeur qui se répand dans la ville. Aujourd’hui, il est passé dans l’imaginaire du Congolais mais aussi dans la symbolique collective que pour gagner facilement l’argent en RDC, il faut faire la politique. C’est là toute la problématique de l’exercice du mandat public en RDC.
La déclaration de patrimoine est un devoir constitutionnel et une exigence de transparence. Selon l’article 99 de la constitution, le chef de l’État et les membres du gouvernement sont tenus de déposer endéans 30 jours leur déclaration de patrimoine devant la Cour constitutionnelle, à l’entrée en fonction.
La constitution fixe le cadre
La Cour constitutionnelle qui n’a pas le pouvoir d’ouvrir les plis, les communique directement à l’administration fiscale, en l’occurrence la Direction générale des impôts (DGI). Les contrevenants à cette disposition, à l’entrée en fonction, seront réputés démissionnaires. Ils doivent faire le même exercice dans les 30 jours à dater de la fin de leur mandat.
La première procédure est purement administrative : la DGI fait ouvrir les plis pour regarder le niveau de revenus acquis par le chef de l’État et les membres du gouvernement. La seconde procédure est par contre judiciaire : l’article 99 prévoit le suivi (contrôle et poursuites éventuelles) en cas de constat d’enrichissement personnel ou illicite.
Tous les membres des gouvernements Matata et Badibanga ont déposé leur déclaration de patrimoine au greffe de la Cour constitutionnelle.
Mais on ne sait pas le dire dans le cas du gouvernement Tshibala, sauf erreur de notre part. Ce n’est pas d’ailleurs une première, car dans le gouvernement de Matata, certains ministres ne s’y étaient pas conformés et n’avaient pas pour autant démissionné.
Toutefois, rien n’est si sûr que tous les ministres des gouvernements Matata et Badibanga aient fait la déclaration de patrimoine à la fin de l’exercice du mandat ministériel. De sorte que ceux qui sont présumés coupables d’enrichissement illicite, puissent être poursuivis conformément aux lois et aux règlements en vigueur en RDC.
En effet, le code pénal prévoit plusieurs sanctions en cas de détournement de l’argent public, notamment la saisine des biens acquis illicitement et la privation du droit d’exercer les fonctions publiques pendant au moins dix ans, soit deux mandats électoraux.
Samy Badibanga Ntita, le prédécesseur de l’actuel 1ER Ministre, avait déclaré : « Cet acte marque un pas dans la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux. D’où, la nécessité de prêcher par l’exemple en respectant la constitution en cette matière précise ».
Mais ce que l’on voit au quotidien, c’est tout le contraire de ce qui est prêché. « Ceux qui ont un mandat public ne renvoient sur le miroir l’image qu’ils servent la République. Au contraire, ils se servent, au propre comme au figuré. », déplorent des concitoyens. La Radio Trottoir, toujours elle, et les réseaux sociaux nous gratifient de buzz sur l’ostentation des hommes au pouvoir. Dans la ville, la rumeur attribue tel chantier ou telle villa à tel ministre ou à tel autre général ou directeur général d’entreprise… Passons et de meilleur ! « Dès lors, on est en droit de dire que la déclaration de patrimoine n’est en soi qu’une simple formalité, car il n’y a pas de volonté d’un réel contrôle. », fait remarquer un professeur d’université.
À travers une motion, le député MLC, Fidèle Babala avait demandé en mai 2012, la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour le suivi (contrôle) justement de la déclaration de patrimoine du chef de l’État et des membres du gouvernement. L’ONG La Voix des sans voix avait aussi embrayé, en invitant les membres du gouvernement (Matata) entrant à déposer devant la Cour constitutionnelle la déclaration de leur patrimoine familial « pour éviter que le revenu national profite seulement à une poignée de personnes ». Contre toute attente, les députés se sont prononcés contre la vérification du patrimoine des membres du gouvernement (Muzito) sortant, renvoyant l’initiative au fisc du fait de la nature secrète de la déclaration de patrimoine. En plus, les députés ont évoqué l’absence des dispositions réglementaires pour la mise en place d’une telle commission.
Les loups ne se mangent pas
Dans l’opinion, la position des députés était ni moins ni plus un « acte de complicité ». « Un adage français dit : les loups ne se mangent pas entre eux… », trouve à dire Vincent Matima, membre d’Anticor, une association française qui lutte contre la corruption et pour l’éthique en politique. Pourtant, jour et nuit, les Congolais dénoncent les cas d’enrichissement personnel et de mauvaise gestion de l’argent public. D’ailleurs, la société civile, avec en tête les évêques catholiques, toujours eux, en a fait son cheval de bataille.
Pour sa part, le conseiller spécial du chef de l’État en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, Emmanuel Luzolo Bambi, rappelle constamment l’article 99 de la constitution, en soulignant que les contrevenants à cette disposition s’exposent à des poursuites judiciaires, s’il s’avérait qu’ils ont bénéficié d’un enrichissement illicite en rapport avec l’exercice des charges publiques qui leur ont été confiées. « Mais où est passée l’opération Tolérance zéro ? », se demande Vincent Matima.
Le Parti national pour la démocratie et le développement (PND) a préconisé que les biens et les émoluments de ceux qui nous gouvernent soient régulièrement publiés. Ce parti estime que dans le cadre de la nouvelle citoyenneté, l’État doit imposer la traçabilité des avoirs des gouvernants pour éviter l’enrichissement illicite.
L’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, lui, a émis l’idée d’une table ronde pour amener les hauts commis de l’État à s’expliquer sur l’origine de leurs patrimoines. Ailleurs, ce que touche un chef de l’État, un 1ER Ministre, un ministre, un député, un magistrat, un professeur, un PDG… est connu, parce que c’est l’argent public.
En France dont nous nous inspirons du jeu politique, la déclaration de patrimoine, c’est tout comme un bilan patrimonial avec ses actifs et son passif, dans sa rédaction.
Le cas de la France
Elle englobe l’ensemble de vos biens que vous devez déclarer. D’abord, l’actif qui comprend le patrimoine immobilier (propriétés bâties et non bâties), le patrimoine financier (valeurs mobilières, assurance vie, comptes bancaires ou d’épargne, livrets, espèces, comptes-courants de société), le patrimoine professionnel (fonds de commerce, clientèle, charge et office), et autres (les meubles, les collections et objets d’art, bijoux, pierres précieuses, l’or, les véhicules, bateaux, avions, cheval de course, mais aussi les parts de copropriété d’un navire, les biens immobiliers et comptes détenus à l’étranger, les stocks options. Ensuite, le passif qui est représenté par les dettes et les sommes restant à rembourser.
La déclaration de patrimoine en France concerne plus particulièrement les élus et les dirigeants, car, dans un souci de transparence, la commission pour la transparence financière de la vie politique est en charge d’apprécier l’évolution de la situation patrimoniale des élus et dirigeants d’organismes publics. Cela permet de savoir si ces derniers n’ont pas bénéficié d’enrichissement anormal dû à leur fonction.
Les élus ont donc deux mois qui suivent la date de leur entrée en fonction pour déposer leur déclaration de patrimoine. Pour les dirigeants, la déclaration doit être déposée dans le mois qui suit leur entrée en fonction. Cette déclaration sera adressée au président de la commission de transparence financière de la vie politique.
Cependant, la déclaration de patrimoine est utile pour la transmission de votre patrimoine, lors d’un divorce et s’il y a demande de prestation compensatoire. Dans ce cas, les époux doivent fournir une attestation de leur patrimoine pour permettre au juge d’appréhender la situation financière de chacun. Toutefois, c’est souvent une déclaration sur l’honneur de ses revenus, de ses charges et de son patrimoine personnel qui sera établie. La déclaration de patrimoine peut être complétée des justificatifs suivants : des actes notariés, des attestations bancaires…