En République démocratique du Congo, les marchés publics représentent 60 % du budget national. Plus de 40 % des marchés publics sont des marchés de gré à gré, c’est-à-dire sans être au préalable soumis à l’appel d’offres. Anormal, soutiennent des experts parce que cela favorise la corruption et n’incite pas à attirer les investisseurs. Les déficiences du processus de passation des marchés ont parfois abouti à l’arrêt de plusieurs projets et à des pertes financières. La Banque mondiale note qu’« en plus de causes liées au dysfonctionnement du système budgétaire, le faible taux d’exécution des marchés publics est aussi dû à des problèmes du processus de passation des marchés ». Entre 2008 et 2012, que du gâchis ! Alors même que la réforme de passation des marchés en RDC a été promulguée en 2010 par la loi n°10/10 du 27 avril 2010 accompagnée par plusieurs décrets d’application, dont le décret 10/22 portant manuel des procédures ainsi que le décret 10/33 du 28 janvier 2010 fixant les modalités d’approbation des marchés publics ou encore le décret 10/34 promulguée à la même date portant sur les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics.
« Même lorsque les fonds sont disponibles et alloués, le taux d’exécution des programmes reste faible…et reflète en grande partie des déficiences du processus de passation des marchés », note la Banque mondiale. Qui poursuit que bon nombre de contrats ont été à l’arrêt pendant de longues périodes, et finalement résiliés puis réadjugés avec à la clé un gaspillage important des ressources.
Quatre organes et dix étapes
Quatre organes interviennent, en effet, dans le processus de passation des marchés. D’abord, le régulateur, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) coiffée par la primature. L’ARMP est chargée de la règlementation ainsi que du contrôle a posteriori, c’est-à-dire audits annuels, revue de la performance du système, etc. Ensuite, la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP) qui relève du ministère du Budget et est chargée du contrôle a priori par émission des non-objections aux diverses phases de processus. Puis, les Cellules de gestion des projets et des marchés publics (CGPMP) mises sous l’autorité administrative des autorités contractantes. Elles initient le processus de passation des marchés et préparent des dossiers et assurent la responsabilité d’exécution des contrats. Et enfin, les autorités approbatrices, à savoir le 1ER Ministre pour les appels d’offres internationaux, le ministre en charge du Budget pour les appels d’offres nationaux, ainsi que les ministres de tutelle pour les établissements publics.
Dans la pratique, la CGPMP démarre le processus de passation des marchés par la préparation du plan de passation des marchés en concertation avec les sous-gestionnaires des crédits qui s’assurent des lignes budgétaires et de leur adéquation avec l’objet des contrats programmés. Après la signature des autorités contractantes – il peut s’agir du directeur général de l’Office des Routes ou de l’Office des voiries et drainage (OVD) -, le plan de passation des marchés est soumis à la DGCMP (ministère du Budget) pour non-objection, puis transmis à l’ARMP pour publication sur le portail (site internet). La Banque mondiale déplore que 3 non-objections sont sollicitées à la DGCMP durant le processus. Ce qui fait que la durée moyenne de sélection peut prendre 3 à 4 mois et peut même être rallongée à chaque fois qu’il y a retard pris, soit par la DGCMP (Budget) pour l’émission des non-objections, soit par l’autorité approbatrice ou en cas d’évaluation en deux étapes technique et financière pour le cas des contrats des consultants.
Pour autant, le processus de passation des marchés publics se poursuit encore en dix étapes… laborieuses. Premièrement, la préparation des dossiers d’appels d’offres ; deuxièmement, une publicité de 30 jours ; troisièmement, ouverture des plis avec probabilité de moult reports ; quatrièmement, évaluation des offres. Cinquièmement, décision d’attribution provisoire. Sixièmement, notification aux soumissionnaires des résultats provisoires. Septièmement, publication de la décision d’attribution provisoire. Huitièmement, constitution des garanties pécuniaires et signature de contrats. Neuvièmement, approbation par l’autorité compétente et enfin dixièmement, notification définitive du contrat au titulaire du marché.
Des structures qui ont tout faux
Il arrive bien souvent qu’une passation de marché tire sur trois ans ou plus : cas du marché d’exploitation du gaz du lac Kivu lancé depuis 2006. Le dernier appel d’offre remonte à 2014. La décision d’attribution est à ce jour attaquée en justice. Pour la Banque mondiale, quatre principales raisons justifieraient le désordre dans l’attribution des marchés publics en RDC. D’abord, une préparation insuffisante des dossiers d’appel d’offres qui repose sur des études fragmentaires, de qualité sujette à caution et sans revue critique. Ensuite, des passations des marchés contestables car fondées sur des informations et des références des soumissionnaires non vérifiées. « Des marchés ont été attribués à des soumissionnaires moins disant mais incompétents ou au bord de la faillite ».
Troisième raison de la défaillance du système de passation des marchés, note la Banque mondiale, c’est la déficience des bureaux de contrôle et de surveillance déficients « parce qu’eux aussi, issus d’une passation des marchés contestable pour les mêmes raisons. Enfin, la Banque mondiale crie haro sur « le manque de rigueur ou de réactivité des fonctionnaires responsables de la gestion des contrats entraînant la résiliation tardive des contrats non-performants. Bref, l’État devrait amender le code des marchés publics d’autant plus que cette loi n’a pas intégré les contrats pluriannuels pourtant indispensables pour l’extension des projets routiers.