Matadi : le vieux port, un lointain souvenir

Créé en 1885, le port de Matadi a besoin aujourd’hui de retrouver une seconde jeunesse. Le matériel de levage et de manutention demande à être renouvelé et modernisé pour que l’infrastructure confirme bien sa vocation internationale de la province du Kongo-Central.

IL Y A 30 ans déjà ! Une visite à Matadi, le chef-lieu de la province du Kongo-Central, nous amenés au vieux port. Du haut du pont route-rail Maréchal, Matadi, la ville de pierres, est suspendue au bord du fleuve et entourée de montagnes serties d’éclats de rocher. Au pied de la ville, le fleuve Congo majestueux coule lentement, dans un bruissement qui fait penser que l’embouchure, à 200 km de l’océan, n’est pas loin d’être un bras de mer.

Matadi évoque un gros bourg à l’allure de vieille cité coloniale. Ses édifices, vestige de l’époque des Belges, ses rues fissurées qui montent et descendent, ses immeubles modernes aux devantures négligées, ses milliers d’habitants qui savent prendre leur temps, voilà autant de choses qui font que cette ville n’est ni simple ni ordinaire.

Un lointain souvenir

Le style de l’hôtel en pierres, Le Métropole, avec son patio et son architecture, traduisait si bien le pittoresque de la ville. Et aussi, tout simplement, le vieux port et son activité, jadis débordante, qui était si attachant. Un port qui était le maillon essentiel de l’ouverture du pays vers l’extérieur. Rien ne correspond mieux que le port de Matadi à la vocation internationale de la province du Kongo-Central. Le port de Matadi est un point stratégique pour l’économie du pays. 

À côté de Matadi, un second port fluvial, le port de Boma, spécialisé dans le trafic du bois et des véhicules, lui a pratiquement ravi la vedette. Aujourd’hui, le port de Matadi est méconnaissable. Le matériel ressemble à une pièce de musée, l’ambiance débordante a laissé la place aux grèves des agents de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), ex-ONATRA (Office national des transports). Aujourd’hui, tout ce que nous avons vu, il y a 30 ans, n’est que lointain souvenir. 

Quand on descendait vers le vieux port, on se laissait happer par la foule débordante qui, grouillante d’activité, donnait au lieu le bourdonnement d’une ruche. Le parc automobile était la première chose qui s’offrait aux visiteurs. Lorsqu’on se dirigeait au fond, à droite, vers ce que les agents de l’ex-ONATRA appelaient « La Venise », on se retrouvait du côté des ateliers de maintenance. Ici, tout rappelait que le port est né à la fin du XIXe siècle. Le sol était devenu noirâtre à force de recevoir les nombreux engins qui venaient s’y refaire une santé.

La maintenance était quotidienne, aussi bien pour les pannes légères que pour les grosses pannes. En général, les problèmes de réparation étaient liés au fait que le matériel était déjà amorti. Mais il y avait aussi un problème de pièces de rechange. Le port dépend encore de Kinshasa. Où il y a une direction technique auprès de laquelle est établie une réquisition en cas de besoin de pièces de rechange. Les grues et les autogrues tombaient régulièrement en panne. 

Un port dépassé

L’atelier assurait également la fabrication de certaines pièces. Il y avait ainsi une forge qui intervenait pour les opérations qui ne nécessitaient pas l’achat de pièces et pour lesquelles elles pouvaient être redressées ou même entièrement refaites. Mais il y avait également une menuiserie où étaient montés des attelages pour les barges. Le bois est justement l’un des produits qui occupent une place importante dans l’économie du port. En effet, l’ex-ONATRA gérait toutes les opérations de manutention sur le port. Cependant, il avait confié à une société privée, la SICOTRAL, le droit de transporter une partie des produits forestiers. Les produits miniers et les grumes arrivaient en train au même moment et étaient traités sur le quai de la même façon. Ce qui était loin de faciliter les opérations de manutention. Avec les conseils de la Banque mondiale, la zone a été spécialisée pour le traitement des grumes. Et les produits miniers IMPC ont été transférés plus loin. Il était aussi prévu d’aménager et spécialiser entièrement une zone pour les produits forestiers (grumes, sciages, placages et autres).

Pour transporter ces produits de l’arrière vers les avant-quais, il fallait faire un détour pour éviter les bâtiments qui font face aux navires. Les magasins devaient être détruits pour dégager l’espace et pour permettre une plus grande mobilité aux appareils de manutention. À l’époque, le port était dépassé sur de nombreux plans et il faisait l’objet de plusieurs projets d’aménagement dont certains avaient trouvé leur financement. 

C’est le cas, par exemple, de l’utilisation de grues antiques pour décharger les wagons de grumes. C’est une opération qui se fait dans la plupart des ports à l’aide d’autogrues, plus souples, plus maniables et plus rapides. Grâce au projet de la Banque mondiale, de nouveaux moyens, parmi lesquels ces autogrues appropriées, devaient être acquis.

Lorsqu’on s’éloignait de cette partie du port et qu’on avançait le long du quai dans le sens de la mer, on traversait les entrepôts qui stockent les marchandises « dites à convoitise ». En fait, il s’agit des produits correspondant aux biens de première nécessité tels le riz, la farine, les engrais… Les engrains sont devenus marchandises à convoitise avec la politique d’incitation au développement agricole. 

L’ex-ONATRA était encore tributaire d’un problème de manutention excessivement manuelle. À Matadi, l’entreposage est manuel contrairement au mode palettisé qui fait gagner énormément un temps appréciable. L’entrepôt qui a une capacité de 5 000 tonnes, connaissait, comme les autres parties du port, une animation particulière. Pendant que nous poursuivions notre visite du port au pas de charge, les immenses grues faisaient entendre leurs crissements et tournaient dans tous les sens pour charger les navires avides de cargaison. 

La grue qui aidait à la manutention des produits lourds qui pèsent plus de 10 tonnes, est une grue fixe qu’on appelait « la grue Derrick ». Elle permettait le déchargement de certains navires qui apportaient des containers. L’inconvénient : il fallait que les navires s’adaptent à cette structure fixe, et bien souvent, l’ex-ONATRA était amené à bloquer une partie du quai pour pouvoir l’utiliser. Car le navire était obligé de bouger jusqu’aux avant-quais. 

Terminal containers

Plus loin, on découvrait le terminal containers du port. Ce terminal a une capacité de 2 800 containers. Avec le bétonnage de l’autre partie de l’arrière-quai, il pouvait accueillir 3 200 containers. Le parc a été réparti en trois parties pour en faciliter la gestion. Une quatrième partie devait être ajoutée avec une fonction parallèle. La première partie se trouvant en avant-quais, comprenait les containers à préparer pour être embarqués dans un navire.

Il y avait ensuite les containers qui venaient de l’intérieur du pays et qui correspondaient à ce qu’on appelait le « plein-export ». Ils arrivaient généralement par wagons et étaient transportés à l’aide d’un portique. Il y avait également les containers qui sortaient des bateaux. Les containers classés à l’export et ceux classés à l’import constituaient les deux plus importantes séries. Ces deux rangées étaient traitées par des portiques qui pouvaient à la fois stocker et décharger. Ici pouvaient aussi intervenir les autogrues. Elles opéraient généralement là où les portiques ne pouvaient pas intervenir.

Derrière ces différentes rangées, on stockait les containers vides, lesquels étaient transférés après l’opération de dépotage, c’est-à-dire celle qui consiste à vider les containers. Pour ce genre de travail, on utilisait des élévateurs de faible puissance. 

C

ependant, les capacités de stockage du terminal containers étaient saturées. Ce n’est pas par hasard que l’ex-ONATRA avait adopté le système des portiques. Un système très lourd et qui demande beaucoup de tri. Mais grâce auquel le port arrivait quand même à s’en sortir. En effet, les containers s’éternisaient sur le port, qui subissait l’afflux de produits qui étaient liés à une demande évidente.

Durée de stockage

La surface du parc de containers permettait malgré tout d’absorber le trafic, mais le problème crucial était celui de la durée du stockage. À l’import, il y avait la possibilité de lever directement les cargaisons et de les charger. Mais les transitaires ne passaient plus les commandes en temps utile. Le navire qui était à quai devait attendre parfois deux semaines. Plus le séjour des marchandises était long, plus la capacité de stockage était réduite.

De même à l’export, si le chargement des navires ne suivait pas, si le client ne passait pas à temps les instructions, cela réduisait la capacité d’accueil. La réglementation incitait les divers opérateurs à faire évacuer les marchandises du port le plus rapidement possible. D’autre part, l’exécution des opérations intermédiaires, comme le dépotage ou l’empotage des containers, pouvait jouer, elle aussi, sur la capacité d’accueil. Il fallait donc renforcer la capacité de dépoter et à empoter en amont de Matadi, en l’occurrence au port de Kinshasa, pour permettre un désengorgement à Matadi. L’ONATRA avait mis en place dans la capitale un terminal containers pour faire traiter directement au port de Kinshasa l’opération d’empotage des produits miniers. Dès qu’ils arrivent à Matadi, on les faisait immédiatement embarquer sur les navires.

Plus loin encore, on trouvait la partie réservée au traitement des produits miniers. Il y avait d’abord des opérations de nettoyage et de reconditionnement des paquets de produits miniers qui arrivaient. On traitait ici essentiellement le cuivre. La Gécamines avait installé sur le port des bascules pour toutes les opérations de pesage. Une autre bascule effectuait les opérations de pesage pour les tracteurs. Ici, on recourait aux élévateurs qui soulèvent les paquets de produits sur le pont-bascule. 

Grâce à la plate-forme, ces opérations devaient se faire plus rapidement. Les produits miniers IMPC (variété de cuivre) étaient traités plus loin. Ils arrivaient en lingots. Mais pour faciliter la manutention, ils étaient empaquetés à raison de 11 unités par paquet. Ces derniers étaient immédiatement emportés dans les containers et prêts, dès lors, à être embarqués.

La section Kala-Kala du port de Matadi est celle qui comprend des magasins à étage. Il y avait ici des grues très puissantes, des appareils avec une très grande portée. Ils prenaient la marchandise directement dans les cales des navires pour les entreposer sur les chalands qui se trouvaient du côté babord. La distance bord-quai était d’environ 40 m, contre 29 pour la première section. 

Outre les installations de Matadi, le port comprend celles d’Ango-Ango, non loin de la ville. Ce petit port est spécialisé dans le traitement des produits inflammables et des explosifs. Les 1 610 m de quai de Matadi, auxquels il faut ajouter les 150 m d’Ango-Ango, permettaient l’accostage simultané de 10 grands navires de mer. Il faut encore compter une rive accostable de 500 m, comprenant un quai de baletage de 118 m pour le chargement des chalands. La superficie des magasins est de 52 000 m².