Depuis des lustres, le secteur de l’or noir fonctionne dans une grande opcité. Pour y voir clair, le gouvernement a décidé de passer au peigne fin les activités des sociétés concernées.
Trois cabinets vont incessamment mener des audits dans des entreprises pétrolières c’est ce qu’a fait savoir le ministre de l’Économie, Bahati Lukwebo, tout en s’abstenant de les citer nommément. Secret d’État? Le pseudo-mystère entretenu par le gouvernement est plutôt révélateur des difficultés auxquelles vont devoir se heurter les fameux cabinets d’audits. Ce n’est un secret pour personne le monde des hydrocarbures en RDC évolue dans une opacité qui emporte quiconque s’y frotte. C’est depuis mai 2012 que le Premier ministre, Matata Ponyo, a annoncé un audit fonctionnel et financier des sociétés pétrolières installées en RDC. L’État va-t-il, enfin trouver l’énigme d’une production restée statique, et qui n’excède guère les 30 000 barils / jour depuis 1970 ? D’autant plus que, actuellement, il n’y a en réalité qu’une seule entreprise publique, la Congolaise des hydrocarbures (COHYDRO). La Société congolaise des industries de raffinage (SOCIR), a pourtant à fabriquer du goudron à Muanda. Mais, pour le COPIREP, cette société d’économie mixte n’existe plus. Ses actifs ont été repris par X-OIL, qui aurait racheté les 50% des parts des Italiens ENI pour un montant de 2,5 millions de dollars, alors que la valeur assurée de la raffinerie était chiffrée à 91 millions de dollars, selon un expert du secteur, le Professeur José Bafala. La partie raffinerie de la SOCIR (nom repris encore par l’Etat) ne fonctionne plus depuis 1998. L’entreprise vivote grace au transport et au stockage des produits raffinés. S’agissant de COBIL, Bafala indique « qu’elle est placée sous une gestion non encore bien définie… ». Et de poursuivre « À notre connaissance, la RDC reste le seul pays au monde avec deux entreprises nationales et concurrentes en plus». Autre entreprise au statut trouble, SEP (Service aux entreprises pétrolières). Entreprise d’économie mixte dont les racines remontent à l’époque coloniale en 1910. Les parts de l’État congolais dans l’actionnariat de SEP-CONGO sont détenues par la COHYDRO. Le reste de l’actionnariat est partagé entre six autres actionnaires, soit 63,4 % des parts dont l’actionnaire le plus important est ARISTEA. Autre entreprise à problème, FINALOG. Elle existe depuis des années, mais elle reste méconnue du grand public, même des opérateurs économiques du secteur des hydrocarbures. FINALOG est le juste reflet de la gestion du secteur pétrolier congolais. C’est une entreprise mixte qui gère les pipelines qui emmènent du carburant depuis Ango-Ango, au sortir de Matadi, à Kinshasa. LÉtat y détient 40% des parts alors que TOTAL et ENGEN, notamment se partageant le reste. Mais voilà 6 ans -depuis l’assemblée générale ordinaire de cette entreprise qui a eu lieu en novembre 2009- que l’État a oublié de nommer, même à titre intérimaire, un administrateur au sein de FINALOG. Chaque mois, cette société reçoit de SEP, à qui elle fait louer ses pipelines qui sont d’une capacité combinée de 1.4 de m3 par an pour 622,666 dollars. Cela a attiré l’attention des autorités de tutelle, d’après nos sources. D’autant plus que les pipelines sont dans un état fort préoccupant, à tel point que le gouvernement a finalement levé l’option de construire un nouveau pipeline à court terme.
Sur instruction du gouvernement,
le ministre des Hydrocarbures, Crispin Atama, a déjà lancé un avis à manifestation d’intérêts pour le recrutement en vue de l’étude de faisabilité d’un pipeline dont le point de départ est le port maritime de Banana et le point de livraison, le terminal de Kinshasa en passant par Ango-Ango. « Cette infrastructure, selon Crispin Atana, représentera le moyen le plus sûr, le plus fiable et rapide pour transporter des volumes élevés des produits finis, c’est-à-dire l’essence, le gasoil, le kérosène». Les statistiques montrent que les estimations des volumes à transiter annuellement, précise Crispin Atame, seront de 1 million de m3 tous produits confondus dans un premier temps, et de 3 millions de m3 à l’horizon 2020. Il va sans dire qu’une nouvelle entreprise de logistique des produits pétroliers verrait le jour dans moins de cinq ans.
Munga Mesozi, ministre du Portefeuille, évoquant la défectuosité des infrastructures d’acheminement et de stockage des produits pétroliers, juge fallacieuse l’insuffisance des moyens financiers (devant couvrir les différentes charges) avancée par les coactionnaires privés. Cette situation empêche l’Etat, soutient la ministre du portefeuille, de disposer d’un pouvoir de contrôle et de suivi des activités de FINALOG, à l’instar de SEP CONGO. Et pourtant, l’État dispose de 36% des parts dans SEP et de 40% dans FINALOG. L’État actionnaire pourrait demander un audit spécifique de ces entreprises et dont les conclusions permettront au gouvernement de prendre des décisions idoines. La ministre tient à faire comprendre que la solution définitive préconisée pour cette question d’infrastructures de transport et de stockage reste la construction d’un nouveau pipeline. Mais des experts demeurent plutôt sceptiques quant à la détermination du gouvernement à remettre de l’ordre dans les hydrocarbures. L’ONG Global Witness, par exemple, déplore la confusion entretenue par les deux Chambres du Parlement sur la loi portant régime général applicable dans le secteur des hydrocarbures. La commission paritaire Sénat-Assemblée nationale n’est pas arrivée à rédiger un texte unique. Sénateurs et députés ne se sont pas accordés sur le futur régime fiscal dans les hydrocarbures. À ce jour, c’est une loi coloniale mêlant pêle-mêle mines et hydrocarbures qui régit le secteur pétrolier. La dernière fois qu’elle a été amendée c’était en 1981, il y a 34 ans.