Matches à huis clos : à qui profitent-ils ?

Les installations sportives kinoises semblent se métamorphoser en un champ des tirs. Casses et destructions méchantes  à gauche, huis clos à droite. A qui profite ce quiproquo occasionné lors des rencontres censées être marquées par le fair-play? La question demeure sans réponse.

Des supporters exprimant leur joie lors d’un match de football.
Des supporters exprimant leur joie lors d’un match de football.

Surnommé « Nécropole entre terre et ciel » en référence au nouveau cimetière situé à Nsele, le stade Tata Raphaël de la Kethule ressemble depuis peu à une agora de désordre voire de mort. Dans son essence, le football est compté parmi le sport éminemment collectif et pas de combat. Après de multiples casses et pertes en vies humaines constatées lors des matches des équipes aussi populaires que l’AS V. Club, le DCMP, le FC Renaissance, l’État a été obligé d’imposer le huis clos pour certains matches.

Huis clos entre Renaissance et AC Bandal, et le tout dernier derby kinois opposant l’AS VS club au DCMP s’est joué sans public. Alors que les recettes engendrées dans le cadre de ces rencontres sont estimées en millions de francs, les portes du stade ont été barricadées comme s’il s’agissait de protéger une zone de haute sécurité. L’image du football national est ternie ; les sponsors se méfient ; les dirigeants sportifs multiplient des stratégies. En vain.

Episode noir

Pour un analyste sportif, la faute est partagée. Sont à incriminer, d’un côté, l’État via la police et la Fédération à travers la Ligue nationale de football (Linafoot). De l’autre, les clubs ainsi que leurs supporters. Les deux parties sont à la base de tout ce qu’on déplore dans les stades. Au moment où nous sommes en quête de positionnement au niveau du classement de la Fifa, les fossoyeurs du football congolais veulent le mettre à genoux. Tous ceux qui viennent au stade ne sont pas forcement des sportifs, il y a aussi des brebis galeuses. À la fin, ce sont les clubs qui en pâtissent.

On se souvient de la triste journée du dimanche 11 mai 2014. Le duel opposant l’AS. V Club au TP Mazembe a été émaillé d’incidents. Avant la confrontation, le climat n’était pas au beau fixe. Les supporters de V. Club reprochaient à ceux de Mazembe d’être des fauteurs de trouble dans leur fief de Kamalondo à Lubumbashi. Ils voulaient leur rendre la pareille. Malgré la tension, le match a pu quand même se jouer sous les yeux de la police. Mais l’issue fut plus sanglante que  sportive : 15 morts et 21 blessés, selon le bilan provisoire établi par les autorités de la ville. Juste après ce fait, les voix se sont élevées pour imputer la responsabilité de ce bain de sang à la police de Kinshasa.

Grenades lacrymogènes

« La situation aurait été différente si le bataillon de l’inspection de la police de Kinshasa n’était pas positionné aux alentours du stade. C’est lui qui avait ordonné qu’on lance des grenades lacrymogènes dans un stade plein comme un œuf, un stade qui n’a que deux issues. Une commission d’enquête a été mise en place pour dégager la responsabilité des uns et des autres.

Mais, une année après les faits, aucun verdict n’est tombé. Le dossier dort dans l’un des innombrables tiroirs du parquet de grande instance de Kalamu, au grand dam des familles des victimes. Franck K, frère aîné d’un des supporteurs disparus, affirme avoir touché 2,5 millions de francs de la part du gouverneur de la ville de Kinshasa au titre des frais de funérailles. « La disparition brutale de mon frère est une perte immense pour la famille dans la mesure où il a laissé une veuve et six enfants tous en âge scolaire. Pour l’instant, deux vont à l’école », regrette l’intéressé. Pour les obsèques, un caveau de 1 800 dollars a été réservé à chaque victime, cette fois à la vraie « Nécropole entre terre et ciel ».

En dépit du silence de la commission d’enquête, les familles éplorées demandent que justice soit faite pour servir de leçon aux fauteurs de trouble professionnels et à leurs commanditaires.