Suspendu en 2013, réhabilité en juillet dernier, le pays risque, cette fois-ci, d’être écarté de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). En cause : vingt-cinq entreprises minières du Katanga sont en retard pour prouver qu’elles ont payé leurs impôts. Ce qui bloque l’élaboration du rapport 2012.
Le 25 novembre, le comité exécutif national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) aurait dû déjà avoir établi la liste des déclarations fiscales des entreprises des secteurs des hydrocarbures et minier en République démocratique du Congo. Mais, à l’échéance, vingt-cinq entreprises minières de la province du Katanga ont manqué à l’appel.
L’ITIE préfère ne pas dévoiler, pour l’instant, leurs noms. Il est donc impossible, dans ces conditions, d’élaborer le rapport 2012 qui doit être déposé à l’ITIE international au plus tard le 31 décembre. Au comité exécutif national de l’ITIE, c’est la grande agitation. Si le pays ne dépose pas son rapport, il risque une lourde sanction : l’exclusion. C’est pourquoi le coordonnateur national de l’ITIE, Jérémie Mack Dumba, a demandé, le 23 novembre, au Premier ministre Matata Ponyo d’« user de son autorité pour exiger que ces entreprises donnent ces informations au plus tard le 25 novembre à minuit. » Cela n’a pas été fait. Il reste cependant une dernière chance au pays.
Course contre la montre
Le rapport 2012 concerne 93 entreprises du secteur minier et 25 entreprises du secteur des hydrocarbures dont le paiement total déclaré par les régies financières est supérieur à 0,5 millions de dollars.
Le 27 novembre, le ministre des Mines et vice-président du comité exécutif national de l’ITIE, Martin Kabwelulu, s’est rendu à Lubumbashi. Objectif : faire pression sur les entreprises non en règle. Il a rencontré le ministre provincial des Mines dans la capitale cuprifère, en vue de faire activer le processus pour permettre au pays de respecter le délai de publication du rapport. La course contre la montre est engagée.
Ces entreprises sont-elles en retard ou n’avaient-elles pas rempli leurs obligations fiscales en 2012 ? C’est la grande question. Le deuxième scénario scellerait le sort du pays, si l’on ne peut pas produire de rapport convaincant.
Être exclu de l’ITIE aurait des graves conséquences économiques sur les entreprises extractives du pays et, également, sur l’État. Il y a, notamment, le non-accès au financement de certaines banques internationales. En avril 2013, la RDC avait été suspendue de ce processus, pendant une année, pour « défaut d’exhaustivité » et « insuffisance de la qualité des données » dans les rapports transmis. Elle a été réhabilitée en juillet dernier et déclarée « pays conforme ».
Son éventuelle suspension serait, pour beaucoup, une véritable rechute. Mais, quelques observateurs, en juillet déjà, avaient émis des doutes quant à la finalisation à temps du rapport 2012, le cinquième pour le pays. À la base des inquiétudes, certaines nouvelles données à intégrer dans le rapport rendraient difficile la récolte des informations. Le rapport 2012 met plus l’accent sur les informations contextuelles. Ces données concernent, entre autres, le volume de production, les statistiques d’emplois, les preuves d’audit, la structure du capital et la propriété réelle de tous les gisements.
Ce que les vingt-cinq entreprises en retard n’ont pas fourni jusqu’à présent. « Comment peut-on accepter qu’une entreprise fonctionne dans un pays de droit –comme le nôtre – alors qu’il y a deux ans, elle n’a fourni aucune preuve sur la certification de ses comptes par un commissaire aux comptes et nulle preuve d’audits ? Ce sont des choses que nous devons produire. Et comme nous ne l’avons pas fait, ça nous bloque », se désole Jérémie Mack Dumba.
Devant une délégation de l’ONG américaine Revenue Watch Institute, en mission exploratoire dans le cadre d’une étude pour la mise en place de la politique du pays en matière de transparence dans le secteur des industries extractives, le coordonnateur national de l’ITIE s’est, toutefois, montré optimiste : « La RDC est un pays des miracles et extraordinaire. Nous allons publier le rapport 2012 au 31 décembre 2014 ».
Un devoir de transparence
Lancée officiellement à Londres en 2003, l’ITIE est une norme développée à l’échelle internationale qui favorise la transparence des revenus du secteur des industries extractives au niveau local. L’initiative vise une meilleure transparence par la publication des paiements des taxes et impôts des sociétés opérant dans le secteur extractif et la divulgation par les instances gouvernementales des recettes provenant de ces sociétés.
Elle est fondée sur la reconnaissance du fait que « malgré que le pétrole, le gaz et les ressources minérales puissent aider à élever le niveau de vie à travers le monde, cela peut souvent conduire à la corruption et à des conflits ainsi qu’une baisse de la qualité de vie pour beaucoup dans les pays où la gestion de ces ressources est inadéquate ». Elle est basée sur la coopération entre les gouvernements, les entreprises extractives et les groupes de la société civile.
L’ITIE a une méthodologie qui garantit le maintien d’une norme globale dans les différents pays adhérents. Le conseil d’administration de l’ITIE et le secrétariat international sont les garants de cette méthodologie. Cependant, chaque pays doit élaborer son propre modèle de mise en œuvre.
L’ITIE compte actuellement trente-et-un pays conformes, ceux qui ont satisfait à toutes les exigences ; dix-sept pays candidats, ceux qui la mettent en œuvre sans satisfaire à toutes les exigences et un pays suspendu. Les pays concernés par la mise en œuvre de l’ITIE sont les pays producteurs de pétrole, de gaz et de minerais.
L’ambition de l’ITIE en RDC
La République démocratique du Congo a été admise, comme pays candidat, en novembre 2007. À ce jour, elle a déjà publié quatre rapports portant sur les exercices 2007, 2008-2009, 2010 et 2011. L’ambition, pour le comité exécutif national, est de pousser la RDC à se mettre au diapason de tous les pays ITIE. « C’est-à-dire qu’au 30 juin 2015 par exemple, il faudra publier le rapport 2013 et au 31 décembre 2015, le rapport 2014 pour permettre au Parlement de mieux élaborer le budget de l’État », selon Jérémie Mack Dumba.
À en croire son projet publié en septembre, le rapport 2012 concerne 93 entreprises du secteur minier dont le paiement total déclaré par les régies financières est supérieur à 0,5 million de dollar. Par contre, toutes les entreprises étatiques seront sélectionnées, même si les déclarations de certaines d’entre elles pourraient être en dessous de 0,5 million de dollar.
Pour assurer la comparabilité entre les exercices 2011 et 2012 en termes de revenus réconciliés, toutes les entreprises incluses en 2011 seront reprises dans le rapport 2012, quelles que soient leurs déclarations. Dans le secteur des hydrocarbures, 25 entreprises sont concernées dont l’une du portefeuille de l’État, cinq de production, treize d’exploration et six en partenariat.
La Direction générale des impôts (DGI), la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD), le ministère des Mines et le Secrétariat général du ministère des Hydrocarbures et la COHYDRO sont sollicités pour la déclaration des paiements reçus des sociétés pétrolières. Par contre, les revenus miniers vont être déclarés par la DGI, la DGDA, la DGRAD, la direction des recettes du Katanga (DRKAT), le ministère des Mines et huit entreprises du portefeuille de l’État (Gécamines, SOKIMO, SODIMICO, MIBA, SCMK-MN, SCIM, COMINIERE, et SAKIMA).