Minerais de RDC : le jeu subtil de Kigali

La capitale du Rwanda est déjà en effervescence dans la perspective du Forum minier régional (Afrique de l’Est et Afrique centrale). Le thème de la conférence et le calibre des participants suscitent quelques interrogations, voire quelques inquiétudes, chez certains compatriotes avisés. Faut-il voir en cela une vraie menace pour la RDC et ses ressources naturelles ? Pourquoi le Rwanda fait-il autant peur à ce point ?

LES RWANDAIS sont des fins calculateurs. Ils sont pragmatiques et savent ce qu’ils cherchent et comment l’obtenir. Et pour ceux qui en doutent encore, la démonstration sera faite lors du Forum minier d’Afrique de l’Est et du Centre qui se tiendra les 28 et 29 octobre à Kigali. Côté cour, c’est l’Office ou Conseil rwandais des mines, du pétrole et du gaz (RMB) qui sera l’hôte de la première édition de cette conférence minière régionale. 

L’événement est organisé par Spintelligent, un producteur d’expositions et de conférences, basé au Cap en Afrique du Sud. Spintelligent assoie sa notoriété grâce à son savoir-faire qui lui a permis de remporter de nombreux prix en Afrique dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie et des mines. Parmi les autres événements bien connus de Spintelligent, on peut citer DRC Mining Week (Semaine minière de la RDC), Nigeria Mining Week, la Semaine africaine des services publics et POWERGEN Africa, Future Energy East Africa et Future Energy Nigeria. 

Il y aura donc un plateau d’excellence à Kigali, les 28 et 29 octobre, à en juger par le nombre et la qualité des personnalités qui ont déjà confirmé leur participation à ce forum minier. Qui sera également honoré de la présence des ministres des Mines de la Tanzanie, de la RDC, du Zimbabwe et du Soudan du Sud. Les opérateurs miniers sont enthousiasmés par ce nouveau forum régional. Seront également présents à Kigali, les pionniers dans la région, tels Ivanhoé Mines, Techmet, Montero Mining et bien d’autres. Officiellement, pour « partager des informations géologiques de la région ». 

Que cache cet engouement ?

Qu’est-ce qui justifie un tel engouement non seulement pour un événement régional qui n’est qu’au stade inaugural, mais aussi pour le Rwanda, un pays qui n’est pas cité comme pays producteur minier en Afrique ou potentiellement riche en ressources naturelles ? Tout l’enjeu est peut-être dans les propos, sans ambages, qui transpirent des déclarations d’avant conférence que l’on entend par ci et par là. 

Tenez : Radoslav Miskiewicz, le directeur général de Luma Holding SA et président du Conseil de surveillance de LuNa Smelter au Rwanda, déclare ceci : « Le Rwanda est toujours considéré comme le pays avec des minéraux potentiels inexplorés. Et je crois qu’il peut offrir plusieurs opportunités intéressantes avec les 3T, les pierres précieuses, l’or et la batterie. Nos projets d’exploration sont notre principale préoccupation, et notre objectif principal est de développer les concessions pour l’exploitation des mines. » 

Sérieux, Radoslav Miskiewicz ajoute: « Le Rwanda est en train de devenir définitivement un acteur incontournable sur la scène minière de l’Afrique orientale. Avec des installations de production récemment mises au point, comme la raffinerie d’or, la fonderie d’étain et très prochainement la raffinerie de tantale, le Rwanda est en train de confirmer sa position de la plaque tournante des ressources naturelles de la région. Je crois qu’il est désormais important que les pays de cette région coopèrent étroitement et  mènent des actions communes tendant vers le développement et la production de la valeur ajoutée en Afrique. » Et Radoslav Miskiewicz d’embrayer : « Le secteur minier de l’Afrique est vraiment sous-estimé par les nouveaux investisseurs, pourtant, il y a un grand potentiel, tant en ressources humaines que naturelles. » Le conseil de surveillance de LuNa Smelter qu’il dirige au Rwanda, est l’un des grands sponsors de la conférence minière régionale et de l’exposition de Kigali.

Tony Giardini, le président d’Ivanhoé Mines, parlera sans doute de son entreprise engagée dans le projet Kamoa-Kakula en République démocratique du Congo.  Kamoa-Kakula est considéré aujourd’hui comme la plus grande découverte de cuivre de haute qualité encore sous-développée du monde. Il représente un quartier jamais connu auparavant mais riche dans le Copperbelt de l’Afrique centrale, géologiquement distincte mais à côté des dépôts de Kolwezi bien connus. « Nous avons une conviction très forte que le Copperbelt détient le potentiel de découvertes supplémentaires à l’échelle mondiale », laisse entendre le président d’Ivanhoé Mines. 

Opportunités régionales

Pendant deux jours, les success story et les opportunités dans le secteur minier en Afrique de l’Est et du Centre seront présentées. « La géologie a tendance à être régionale, explique Francis Gatare, le patron du RMB. Il n’y a pas un seul pays qui ait le monopole de ses propres richesses géologiques. Elles ont tendance à être régionales et similaires à plusieurs égards ». 

Par conséquent, poursuit-il, il est donc important de « partager des informations géologiques dans la région ». Il est également important, souligne Francis Gatare, que « les pays partagent leurs expériences et commencent à voir les ressources minérales comme des projets régionaux, en particulier quand on pense à la transformation qui apporterait des retombées économiques. Par exemple, le projet de graphite Jumbo Lindi en Tanzanie est « la découverte d’une vie ». Le projet est arrivé à un stade très excitant. Le graphite est un produit très spécial méconnu mais pour lequel il existe un marché lucratif. 

Andrew Cunningham, qui est le directeur des ressources chez Walkabout, fera une présentation sur le développement de la haute qualité du projet Jumbo Lindi. « Nous sommes déterminés à faire partie de cet engagement à placer le Rwanda et la région au cœur de la production mondiale pour les matériaux stratégiques, tels que les métaux technologiques qui sont des éléments essentiels de la révolution de l’énergie et la mobilité », déclare Brian Menell, le président directeur général de Techmet Limited du Royaume-Uni. Il sera un des panélistes lors de la session consacrée au financement des projets miniers en Afrique orientale et centrale. 

La société Aldango qui exploite une raffinerie d’or au Rwanda se dit prête à soutenir le gouvernement rwandais à transformer ce pays en « un métal précieux de fabrication » et d’en faire « une plaque tournante commerciale à travers l’Afrique ». Le directeur général d’Aldango parlera à la conférence de l’art du raffinage et prendre part à une table ronde sur le développement des projets de valeur ajoutée dans la région. 

Tony Harwood, le PDG de Montero Mining et ambassadeur officiel du forum, prévient : « Nous sommes à 6 à 12 mois de l’arrivée de la prochaine recrudescence du cycle des matières premières. » Il interviendra comme panéliste lors de la session sur la diversification du potentiel minier de la Tanzanie. 

Darryn Scheepers, directeur pour l’Afrique chez Barron, parlera de son entreprise comme l’un des principaux fournisseurs de l’industrie minière dans la région. Barron a fait son entrée en Afrique orientale et centrale auprès des revendeurs autorisés.

Pour sa part, Matthew Magwede, le directeur pour l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est chez Flowserve, communiquera sur la conservation de l’eau et les solutions d’économie d’énergie autour du traitement des minéraux.

« Notre message est de remettre en question le statu quo au sein de l’industrie minière et d’aider à adopter et à s’adapter à de nouvelles façons de faire les choses, en adoptant de nouvelles solutions technologiques novatrices pour économiser l’eau et de l’énergie », confie-t-il. Et quant à lui, Fabrice Kayihura de Ngali Mining Ltd au Rwanda souligne que sa société possède quatre concessions d’or et d’améthyste. Pour le moment, ils ont un projet d’acquisition de nouvelles concessions pour les 3T et les pierres précieuses.