Ministres, publiez vos biens !

La constitution astreint le chef de l’État et les membres du gouvernement à déclarer leurs biens et avoirs au greffe de la Cour constitutionnelle au début et à la fin de l’exercice de leurs fonctions, endéans 30 jours. Le 1ER Ministre s’est acquitté de ce devoir. C’est maintenant le tour des ministres et vice-ministres de le faire. Sous d’autres cieux, le mécanisme vise à empêcher l’enrichissement personnel, les conflits d’intérêts et la corruption.

DANS la pratique, cette disposition constitutionnelle n’est pas respectée. Si, à l’entrée en fonction, la règle paraît respectée, sans doute pour le besoin de l’affichage, car on mobilise les médias, force est de constater, cependant, qu’à la fin du mandat, on ne dépose guère la fameuse déclaration de patrimoine. Alors, pourquoi en faire, si cela est considéré comme un chiffon, c’est-à-dire quelque chose qui a perdu l’aspect qu’il devait avoir. « En République démocratique du Congo, la déclaration de patrimoine est un banal acte politique. Elle n’a pas la valeur d’une déclaration sur l’honneur, fondée sur le sentiment de la dignité morale, estimée plus haut que tous les biens, et qui porte les hommes, notamment les hommes au pouvoir, à des actions loyales et nobles », vitupère Jean Marie Kidinda, politologue et sociologue. Samuel Likuta, historien politique est du même avis, quand il déclare que les fonctions de chef de l’État et/ou de ministre relèvent donc de la dignité morale. « L’honneur de ces fonctions veut que le chef de l’État et/ou les membres du gouvernement aient de la morale, qu’ils soient au-dessus de tout soupçon d’enrichissement personnel et de tout conflit d’intérêts, parce qu’ils sont au service de la nation, et donc du bien commun », souligne-t-il.

La boutade kinoise

Aujourd’hui, poursuit-il, c’est à se demander si la déclaration de patrimoine a encore un sens dans notre pays. « Dans une société en crise de repères et de modèles généralisée pour son avenir, l’honneur n’est plus infiniment plus précieux que la vie. Bref, tout ce que la morale nous enseigne comme vertus est proclamé du bout des lèvres par nos hommes politiques », assène-t-il. Et la boutade est bien kinoise : « On sait comment ils arrivent au gouvernement, et on sait aussi comment ils en sortent ». 

« Dès lors, on comprend pourquoi les uns et les autres ne font pas de déclaration de patrimoine à la fin du mandat qu’ils ont exercé. Pourtant, la justice devait ouvrir une information judiciaire pouvant mener à un procès pour non-respect de la loi. En effet, aucun membre des gouvernements qui se sont succédé, depuis 2006, en est sorti comme il était venu, sur les plans financier et matériel, cela s’entend », explique Jean Marie Kidinda. 

Un homme politique français a dit qu’on reconnaît un État sérieux aussi par les petites choses. Et les mœurs de la vie publique en font partie. En cette matière, la RDC n’est pas logée à la belle enseigne. Enrichissement personnel ou illicite, conflits d’intérêts, corruption, impunité… 

Circulez, il n’y a rien à montrer ! Pourtant, Radio Trottoir, toujours elle, qui émet plus puissamment que les médias classiques dans notre pays, nous gave de ces récits croustillants sur les mœurs politiques sur l’argent public. C’est la rumeur, dira-t-on ! Bien sûr que Radio Trottoir, toujours elle, est le terreau de la rumeur. Mais elle informe souvent mieux que les médias officiels sur les histoires underground pour lesquelles le Tout-Kin a un goût très vif. 

Bizarrement, la population qui devait donner une réelle et intense charge politique, en plus de la charge morale, à la déclaration de patrimoine, est elle-même complice de l’enrichissement sans cause de ses dirigeants. « Laissez-le profiter, à chacun son tour. Il a eu son opportunité », entend-on souvent dire à Kinshasa. Mais de quelle opportunité il s’agit ? Sinon celle de s’enrichir ostentatoirement. 

Aujourd’hui, il est passé dans l’imaginaire du Congolais mais aussi dans la symbolique collective que pour gagner facilement l’argent en RDC, il faut faire la politique, il faut entrer au gouvernement. C’est là toute la problématique de l’exercice du mandat public en RDC.