LES THÈMES sur lesquels a porté la mission d’évaluation 2019 des experts du Fonds monétaire international (FMI) étaient clairement libellés : le maintien de la stabilité macroéconomique, l’amélioration de la gouvernance conforme au nouveau cadre du FMI, l’assurance de la viabilité de la dette publique dans un contexte d’accroissement des investissements publics et la promotion de la compétitivité de l’économie, l’amélioration du climat des affaires ainsi que l’inclusivité de la croissance.
Cela avait été convenu, le 5 avril, lors du passage de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo (Fatshi), le président de la République, au siège du Fonds à Washington D.C., où il avait été reçu par Christine Lagarde, la directrice générale. Il était question au cours de cet entretien de la reprise de la coopération entre la République démocratique du Congo et cette institution financière internationale.
Note de satisfaction
Le rapport de fin de mission des experts devra être présenté au conseil d’administration du FMI, fin août, et suivant les recommandations dudit conseil, des négociations pourraient être engagées, fin septembre, pour la conclusion d’un nouveau programme, fin 2019 ou début 2020. Classique. Les appuis budgétaires extérieurs sont, pour le moment, indispensables à l’économie nationale, ne serait-ce que pour la réalisation des projets d’infrastructures.
Il ressort donc de ce rapport que « la stabilité macroéconomique a continué de se consolider en 2018 grâce aux politiques macroéconomiques prudentes mises en place depuis mi-2017 dans un contexte de forte détérioration des termes de l’échange et de chocs politiques et de retrait du soutien des donateurs ».
Satisfait ? Henri Yav Mulang, le ministre des Finances, est un homme extrêmement prudent, qui ne se satisfait pas de ce qu’il a fait de bien mais vise toujours le mieux. Serein, en tout cas, il l’est, aussi discret qu’efficace dans tout ce qu’il entreprend. Il va laisser à son successeur au ministère des Finances le cadre macroéconomique dans un état de stabilité. Les experts du Fonds qui viennent de boucler les consultations au titre de l’article IV des statuts du FMI, ont reconnu à leur juste valeur les efforts entrepris depuis juillet 2017.
Nous venons de loin
La situation économique et financière du pays était catastrophique. D’aucuns pronostiquaient le chaos. L’horizon des élections, surtout présidentielle et législatives, prévues initialement en décembre 2016, s’éloignait davantage. Les commentaires allaient dans tous les sens… Bref, le pays tout entier touchait du bois. En juin et juillet 2017, en effet, la situation économique et financière dérapait. Le gouvernement était désemparé, la population affolée. Les prévisions des institutions financières internationales étaient aussi pessimistes qu’alarmistes pour la suite. Personne ne s’attendait vraiment à un retournement de la situation.
En bon capitaine, le ministre des Finances a su ramener le navire dans les eaux tranquilles. L’histoire politique de notre pays retiendra qu’Henri Yav Mulang est l’un des meilleurs ministres des Finances depuis 2001, pour avoir réussi à redresser, en temps de crise majeure, la situation économique et financière. On s’en souvient, le 24 mars 2018, à la réunion interinstitutionnelle, présidée par .Joseph Kabila Kabange, alors président de la République, il avait présenté la situation économique et financière du pays arrêtée au 20 mars (cfr, les éditions n°163 et n°168 de Business et Finances datées de février et mars 2018).
Insistant surtout sur la nécessité pour le gouvernement d’« éviter toute euphorie » au regard des évolutions positives, en homme avisé, il a préconisé qu’elles doivent être consolidées. Son message de tout temps : « Ensemble, nous devons faire en sorte que l’offre en économie accroisse pour soutenir finalement le pouvoir d’achat. »
La reprise des cours des matières premières (cuivre, cobalt, or et pétrole) a été comme une providence divine pour la RDC. Le pays était déjà dos au mur, malgré « les 28 mesures économiques urgentes » prises par le gouvernement, en guise de riposte efficace à la crise financière due à la chute des cours des matières premières. Déjà, à l’époque, au plus fort de cette crise, le recours aux appuis budgétaires extérieurs et à la balance des paiements, était présenté comme la planche de salut. Et on évoquait avec insistance la reprise de la coopération, suspendue en 2015, avec cette institution.
Une feuille de route cohérente
Le ministre des Finances avait une feuille de route cohérente pour l’avenir. Il y recommandait que les recettes ne servent pas qu’aux dépenses de consommation et de fonctionnement, mais amènent à poursuivre l’investissement dans les secteurs sociaux (santé et éducation). Il y proposait aussi de diversifier l’économie, financer des projets novateurs et volontaristes dans l’agriculture, l’agro-industrie, le tourisme… D’après lui, ces projets ont l’avantage d’accroître l’offre de biens (en l’occurrence, de biens alimentaires) et de services, ainsi que de soutenir le pouvoir d’achat de la population, au lieu de continuer à procéder simplement à des augmentations des salaires…
Sa capacité d’agir en situation de crise lui a valu l’admiration et la reconnaissance des milieux politiques, voire diplomatiques, mais surtout des milieux d’affaires. En juillet 2017, plusieurs indicateurs macroéconomiques avaient connu de fortes perturbations, au point que les équilibres étaient rompus. Depuis la fin de l’exercice 2017 et le début de l’année 2018, leur comportement était globalement bon. Qu’il s’agisse du taux de croissance, du taux d’inflation, du taux de change du franc congolais, des finances publiques que du niveau des réserves de change.
Il fallait poursuivre avec la même rigueur sur le plan budgétaire, nous expliquait Henri Yav Mulang. Pour ce qui est de la situation des finances publiques, elle s’est caractérisée, depuis fin décembre 2017, par des soldes mensuels de trésorerie excédentaires, résultat d’« une mobilisation plus accrue des recettes et d’une discipline budgétaire permanente dans l’exécution des dépenses ».
En ce qui concerne les réserves internationales, les efforts déployés au niveau de la gestion des finances publiques, tant pour augmenter les recettes en devises, grâce notamment à la mesure autorisant les miniers et pétroliers à payer les impôts, droits et taxes dus à l’État en devises que pour veiller à la qualité des dépenses en devises, ont permis de reconstituer significativement leur niveau qui a atteint plus d’un milliard de dollars, soit l’équivalent de 4,2 semaines d’importations des biens et services en mars 2018, contre 845,44 millions de dollars à fin janvier 2016.
Reste à maintenir les efforts de gestion interne, et grâce à la poursuite de l’embellie des cours de nos produits d’exportation, pour atteindre la moyenne de couverture de trois mois d’importations, considérée comme le standard des pays de la SADC. « En effet, estime le ministre des Finances, pour capitaliser les tendances favorables de tous ces indicateurs macroéconomiques, nous devons maintenir le cap clairement indiqué depuis juillet 2017 avec rigueur jusqu’à ce jour ». Et de conclure : « Concrètement, la discipline budgétaire appliquée jusqu’à ce jour, dont les effets ont permis d’assurer progressivement la stabilité du cadre macroéconomique, doit continuer, en visant tant la maximisation des recettes publiques que la maîtrise et l’amélioration de la qualité de la dépense. »