Au Kenya, le service M-Pesa de Safaricom compte aujourd’hui plus de 15 millions d’utilisateurs. En Afrique francophone, ce sont Orange Money, MTN Mobile Money et Airtel Money lancés par des opérateurs téléphoniques qui contrôlent ce secteur. Airtel a ainsi déployé son offre dans 12 pays, MTN dans 11 pays et Orange dans 9 pays. Depuis 2010, Safaricom a également inventé M-Kesho, un service subsidiaire à M-Pesa, qui permet d’avoir un compte bancaire (épargne) dans une banque traditionnelle à travers son téléphone portable. C’est avec Equity Bank, une grande banque commerciale – qui a racheté ProCrédit en RDC – offrant des services de micro finance, que M-Kesho est devenu opérationnel. Moins de deux ans après, 700 000 comptes ont été ouverts pour un total de quelques 8 millions de dollars de dépôts.
La succes story kenyane a fait rêver les opérateurs mobiles en République démocratique du Congo. Avec une superficie de 2 345 409 km², avec un taux de bancarisation de 5 % et un taux de pénétration des télécoms avoisinant les 25 %, le marché congolais avait tout de la poule aux œufs d’or. M-Pesa, Airtel Money et Tigo Cash tentent depuis près de 5 ans de familiariser la population à l’utilisation de la monnaie électronique. Cependant, ce nouveau service ne décolle toujours pas selon le rythme souhaité, malgré les campagnes de communication massives et la démarche de payer les fonctionnaires et les agents de l’État se trouvant dans les zones rurales via leurs mobiles.
Le transfert d’argent à la mode
Si la monnaie virtuelle n’est pas encore entrée dans les mœurs des Congolais, le transfert d’argent via le mobile est cependant à la mode. En effet, même si les opérateurs n’en communiquent pas le montant, la masse d’argent qui transite sur leurs plateformes est surtout liée à l’activité de transfert. Aujourd’hui, les banques sont présentes dans le mobile banking, essentiellement en partenariat avec des opérateurs de téléphonie mobile. Ainsi, toute la masse monétaire qui transite à travers les plateformes de mobile money et qui est associée aux utilisateurs, a une contrepartie bancaire. Le mobile banking ne créant pas en soi de monnaie, il utilise le système bancaire habituel.
En ayant été précurseur sur ce marché, ce sont les télécoms qui mènent la danse. Les banques, jusqu’ici réduites bien souvent au rôle de partenaires techniques, tentent désormais de refaire leur retard. Elles ont donc de plus en plus tendance à signer des accords avec ces opérateurs techniques pour le lancement de leurs produits mobile money. Le groupe bancaire panafricain Ecobank et Orange ont ainsi lancé un service de transfert d’argent. Déjà opérationnel au Mali, ce service permet aux clients d’Orange Money détenteurs de comptes bancaires Ecobank de transférer de l’argent entre leurs comptes. Ce service devait s’étendre au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Niger, au Sénégal et en RDC à fin 2015. Dans ce dernier pays, seul Ecobank a jusque là manifesté son intérêt sur ce marché. Un accord avec Airtel a déjà permis en 2012 l’utilisation d’Ecobank Mobile Banking. Il permet à tout abonné d’Airtel de disposer d’un compte bancaire dans son téléphone portable, d’effectuer des transactions (transfert d’argent, paiement de factures, achat) et de bénéficier d’autres services financiers.
La Trade and Merchant Bank (TMB), déjà présente dans le transfert d’argent avec son produit Pepele, envisageait Pepele Mobile. Un service de transfert d’argent lié à son compte et interconnecté avec M-Pesa, Airtel Money et Tigo Cash. Forte de sa présence dans toutes les provinces de la RDC et de son expérience dans la paie des fonctionnaires et agents de l’État en milieux ruraux, cette banque que personne n’attendait à ce stade, prend à contre pied ses principaux concurrents en matière de paiements électroniques (Rawbank, BIAC et ProCrédit Bank).
Faire sauter les barrières
Grâce au mobile banking, les banques pourront supprimer les barrières dans les échanges entre les personnes bancarisées et celles qui ne le sont pas. Elles pourront surtout accélérer la bancarisation de la population jusque là trop liée à la culture du cash. Pour gagner ce pari, les banques devront avoir une position de leadership convaincue, une offre de services accessibles via tous les opérateurs mobiles, un enregistrement simplifié, une communication claire et constante et un réseau de distribution décentralisé leur permettant d’être présentes partout. Le partenariat est-il la seule solution face aux opérateurs télécoms qui ont déjà pris une sacrée longueur d’avance? Au Kenya, Equity Bank avait très vite compris l’enjeu du mobile banking. Elle a été la première banque à devenir partenaire de Safaricom. À défaut de la combattre, elle est devenue son partenaire en permettant à ses clients des opérations entre M-Pesa et leurs comptes. Un succès ! Les services mobiles n’ont ensuite jamais cessé d’évoluer.
Et pourtant, la banque a décidé de contre-attaquer. En effet, Equity Bank a acquis une licence d’opérateur de réseau mobile virtuel ou le MVNO (Mobile Virtual Network Operator) devenant ainsi la première institution financière capable de challenger les opérateurs de télécoms sur leur propre terrain. Grâce à cette licence et son partenariat avec Taisys Technologies Co, Equity Bank compte fournir à ses clients des Smart SIM capables de s’adosser à une puce existante, permettant ainsi à son utilisateur d’être connecté à deux opérateurs au moyen d’un seul téléphone. La Smart Sim adossée peut alors émettre et recevoir des appels indépendants. Celle-ci est bien entendu fournie avec le service mobile banking de la banque. Les titulaires de comptes Equity Bank auront accès à leurs comptes via des téléphones mobiles. Ils pourront transférer de l’argent aux clients abonnés à d’autres services tels que M-Pesa, Airtel Money et Orange Money. Ils pourront également transférer tout montant de leurs comptes Equity Bank vers d’autres comptes bancaires, payer des factures ou acheter des biens et services. Les banques en RDC n’ont quasiment plus le choix. Elles doivent se lancer dans la bataille car si elles restent dans la logique actuelle, les millions d’abonnées que comptent les opérateurs de télécoms ne seront jamais leurs clients.