LA 5G en Chine est désormais une réalité. D’après l’agence Bloomberg, les trois principaux opérateurs mobile du pays ont commencé la commercialisation de leurs premières offres 5G. Le plus grand opérateur de Chine et du monde, China Mobile, affirme couvrir 50 villes, dont Pékin, Shanghai et Shenzhen. Ce mastodonte, qui revendique 942 millions de clients mobiles (dont près de 750 millions en 4G), propose des forfaits à partir de 128 yuans par mois (17 dollars) pour 30 gigaoctets de données. Son forfait le plus cher s’élève à 598 yuans (76 euros) pour 300 gigaoctets de données et une vitesse très supérieure. D’après Bloomberg, China Telecom et China Unicom proposent, de leur côté, des services et des prix comparables.
La Chine n’est pas pourtant le premier pays à lancer la 5G. La Corée du Sud propose depuis le mois d’avril dernier cette technologie auprès du grand public. Surtout, les États-Unis, qui sont engagés dans une course de vitesse avec la Chine pour déployer la 5G, l’ont déjà allumé dans plusieurs grandes métropoles. Si la Chine n’a pas été la première à dégainer, elle dispose désormais « du plus grand réseau commercial 5G au monde », constatent les analystes de Sanford C. Bernstein.
Leadership économique
Pour Washington comme pour Pékin, la 5G est devenu un enjeu de leadership économique. Cette technologie, qui offre de très hauts débits, une latence (le temps de réponse du réseau lorsqu’on le sollicite) très faible et la capacité de connecter des myriades d’objets, promet de révolutionner de nombreux domaines comme les transports, la santé ou l’énergie. Aux yeux des États-Unis comme de la Chine, la 5G sera un important catalyseur économique dans les années à venir. D’où cette bagarre entre les deux superpuissances pour la rendre disponible le plus rapidement possible au plus grand nombre.
Pour beaucoup, c’est une des raisons qui explique la virulence des attaques américaines à l’encontre de Huawei. Le géant chinois des équipements télécoms s’est fait exclure du marché américain de la 5G. Donald Trump a signé un décret lui interdisant de s’approvisionner en technologies américaines. Pour justifier ces mesures, Washington argue que les équipements de Huawei pourraient être détournés de leurs fonctions, et utilisés à des fins d’espionnage pour le compte de Pékin. Ce que Huawei a toujours démenti. Reste que plusieurs analystes estiment qu’en s’attaquant à Huawei, les États-Unis veulent aussi entraver la détermination chinoise à être leader dans la 5G, qu’ils considèrent comme une menace pour leur domination économique.
Au-delà du problème
La Commission européenne a publié son rapport sur la sécurité des réseaux 5G, analysant notamment les activités des fournisseurs chinois Huawei et ZTE sur les réseaux 5G qu’ils déploieront en Europe. C’est la première fois que la préoccupation de sécurité apparaît à un niveau politique à si haut niveau et de manière coordonnée. Avec son rapport sur la sécurité des réseaux 5G, la Commission européenne a mis un baume d’objectivité sur tout ce qu’on entend à propos de Huawei et ZTE et leurs activités sur les réseaux 5G. La Commission s’est basée sur l’analyse de risque que chaque État membre a dû mener sur la base de sa recommandation sur la cybersécurité des réseaux 5G au début 2019.
Les réseaux 5G ont trois concepts innovants mais avec leur part de nouveaux risques : le premier consiste à déployer le réseau 5G avec des équipements multifonctions qui, selon le logiciel qui l’équipe, aura tel ou tel rôle dans le réseau. Le pilotage se fera aussi par logiciel. A priori, c’est une bonne chose puisque les mises à jour et la correction de bugs (de sécurité) se font facilement par voie logicielle. Mais justement, la mise à jour et le déploiement des dernières versions de logiciels à temps, c’est un talon d’Achille de la sécurité informatique dans les grandes organisations.
Cette virtualisation (par voie logicielle) des réseaux va confronter les opérateurs télécom à ce même talon d’Achille mais à une échelle plus grande, sur leur réseau même. Il n’est pas dit, de surcroit, que ce logiciel a été écrit en pensant à la sécurité dès le début. Un acteur perdu dans la chaîne d’intermédiaires peut aussi avoir mis un backdoor qui passera inaperçu et il ne le fera pas forcément sur les ordres d’un État d’ailleurs.
Une autre innovation des réseaux 5G, c’est son compartimentage en sous-réseaux indépendants les uns des autres (network slicing) sur lesquels des services très différents en exigence pourront fonctionner. Il faudra, pour cela, que la 5G se déploie profondément dans le réseau et pas uniquement au niveau de l’accès radio, comme c’est prévu dans une première phase. Enfin, troisième innovation, les services clés du réseau ou sa gestion seront de plus en plus assurés aussi à la périphérie du réseau, par des équipements spécialisés et pas uniquement dans le cœur du réseau comme avant (mobile edge computing). Cela veut dire beaucoup plus de contrôle de sécurité à effectuer à cette même périphérie. Ce sont autant de points d’entrée de criminels ou hackers qui prendront le contrôle de ces parties périphériques du réseau.