Mobilisation tous azimuts dans la perspective du sommet de décembre

La Conférence économique africaine 2018 se tiendra du 3 au 5 décembre prochain à Kigali au Rwanda. En attendant, dans les capitales africaines, le débat se corse sur le thème de l’intégration régionale et continentale au service du développement de l’Afrique.

APRÈS l’instauration, en juillet 2016, d’un passeport commun africain, en mars 2018, 44 pays africains se sont engagés à mettre en place un marché commun pour l’Afrique, appelé la « Zone de libre-échange continentale africaine » (ZLECA). Ces initiatives constituent un pas supplémentaire vers l’intégration de l’Afrique, qui permettra aux populations d’améliorer leurs conditions de vie. 

Des experts pensent que l’intégration africaine présente un potentiel considérable, non seulement pour favoriser une croissance économique plus robuste et plus équitable par le biais de marchés, mais également pour atténuer les conflits sur le continent. 

Les chevilles ouvrières

Les premières initiatives africaines d’intégration régionale et continentale remontent à il y a plus de 50 ans avec la constitution de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), prédécesseur de l’Union africaine (UA), qui fut elle-même le fruit d’un compromis entre les groupes de Monrovia et de Casablanca qui défendaient les différents aspects de l’intégration continentale dans les années 1960. Ce premier pas vers l’unité continentale fut suivi d’une étape importante, à savoir l’adoption du Traité d’Abuja (1991) instituant la Communauté économique africaine (CEA). Les communautés économiques régionales (CER) sont considérées comme les chevilles ouvrières de la Communauté économique africaine (CER). Elles sont la source de progrès considérables en matière d’intégration africaine, notamment dans les domaines de la libéralisation et de la facilitation du commerce (Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA] et Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe [COMESA]), de la libre circulation des personnes (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [CEDEAO]), des infrastructures (Communauté de développement de l’Afrique australe [SADC] et Communauté d’Afrique de l’Est [CAE]) et de la paix et de la sécurité (CEDEAO et SADC).

Malgré tout, et en dépit de l’engagement politique fort annoncé par les dirigeants africains, la majorité des Africains estiment depuis ces 50 dernières années que l’intégration continentale reste modeste par rapport aux objectifs fixés. Le manque de volonté politique et l’absence de ressources et de capacités techniques permettant aux dirigeants de respecter leurs engagements figurent parmi les principaux défis à surmonter pour remédier à la lenteur des progrès. 

Les citoyens africains souhaitent néanmoins une intégration plus importante et plus rapide en ce qui concerne les aspects économique, social, culturel et politique du développement. Ils veulent pouvoir vivre et travailler, gérer une entreprise et se déplacer facilement sur tout le continent. Ils aspirent également à être respectés dans le monde entier et à voir leur continent jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale.

Un continent intégré

L’aspiration à faire de l’Afrique un « continent intégré » constitue l’un des piliers fondamentaux de l’Agenda 2063 et le thème de la Conférence économique africaine (CEA) de 2018, qui abordera plus particulièrement « l’intégration régionale et continentale au service du développement de l’Afrique ». Les participants à cette conférence discuteront des résultats de la CEA de 2013 sur « l’intégration régionale en Afrique » et étudieront les solutions pratiques permettant de faire de la zone de libre-échange récemment instaurée une réalité. La Conférence contribuera à garantir que la Zone de libre-échange continentale africaine devienne un instrument de promotion du développement inclusif de l’Afrique en soutenant des institutions et des partenariats qui mènent des activités en faveur de l’intégration africaine sous ses différents aspects économique, social, culturel, environnemental et politique.

Le secteur privé incontournable

Ici et là, on estime que le secteur privé est crucial au succès de la mise en œuvre de la ZLECA. C’est le point de vue partagé des délégués du Forum sur le commerce en Afrique qui vient de se tenir à Lagos, au Nigéria, le 4 novembre. Pour eux, si les gouvernements doivent créer un environnement propice par le biais d’actions collectives et coordonnées permettant une mise en œuvre réussie de la Zone de libre-échange continentale africaine, le secteur privé doit être le principal moteur de la ZLECA.

Ils conviennent également que des interventions complémentaires visant à renforcer la compétitivité et à réduire les coûts élevés des activités sur le continent africain sont essentielles pour garantir des situations de gagnant-gagnant de la ZLECA. Elles nécessiteront des politiques et des programmes proactifs dans les domaines des infrastructures, du financement et du développement des compétences, de la facilitation des échanges et des infrastructures de qualité.

« Lors de la mise en œuvre de la ZLECA, nous devons également veiller à ne pas oublier les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), les femmes commerçantes, les petits exploitants agricoles et les commerçants transfrontaliers informels, qui représentent la majorité de la communauté commerciale africaine et jouent un rôle crucial dans les efforts de réduction de la pauvreté », dit Stephen Karingi, le directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce, à la CEA, en résumant les principaux points à retenir du Forum. Les délégués conviennent que la mise en place de nouveaux modèles commerciaux, notamment de mini-réseaux d’énergie renouvelable, est essentielle pour garantir un accès efficace et durable à l’électricité et contribuer à combler le fossé existant. « La recommandation veut que nous fassions la promotion de nouveaux pools énergétiques sous-régionaux existants sur le continent et renforcions ceux-ci », dit Karingi.

Les délégués conviennent aussi que les données sont essentielles à la mise en œuvre de la ZLECA. Les pays, les Communautés économiques régionales et la Commission de l’Union africaine doivent comprendre la structure des échanges pour déterminer les stratégies appropriées. Les données jouent également un rôle central dans le suivi de la ZLECA. « L’Afrique doit concevoir une stratégie d’économie des données afin de se protéger de la vulnérabilité du fait de l’exposition des données provoquée par le stockage de données dans d’autres régions. La combinaison des données et de la technologie peut permettre de relever les défis liés à la formalisation du commerce », ajoute Karingi dans ses remarques finales.

Pour ce qui est de l’agriculture, les délégués déclarent que la ZLECA, en intégrant les économies africaines, offre au continent la possibilité de réduire ses importations de produits alimentaires en provenance du reste du monde en augmentant le commerce intra-africain de produits agro-alimentaires transformés. Pour y parvenir, la mise en œuvre effective de l’Accord est essentielle, ainsi que l’élimination des obstacles non tarifaires au commerce. Pour cela, il est essentiel de créer un environnement favorable aux petits exploitants agricoles et aux petits producteurs (PME) pour avoir un accès opportun aux marchés, à la fois pour les produits et pour les intrants. Pour ce qui est des étapes suivantes, Karingi indique que la CEA, avec le soutien financier de l’UE, offre une assistance technique pour apporter un appui aux États membres dans l’élaboration de stratégies nationales complètes de mise en œuvre de la ZLECA.