État de la situation. Les ressources humaines sont les plus affectées par la « crise de la Fonction publique ». La démotivation s’est généralisée dans les rangs des agents et des fonctionnaires à cause notamment des salaires de misère ; de l’absence de sécurité sociale et de couverture médicale ; de mauvaises conditions de travail déplorables ; du délabrement des bâtiments ainsi que de la vétusté des équipements et du matériel… Les textes légaux et réglementaires sur le recrutement et l’avancement en grade n’étaient plus appliqués, tandis que la formation et le perfectionnement du personnel étaient négligés. En outre, il y avait pléthore des effectifs des agents et fonctionnaires de l’État. Sur le plan organisationnel et managérial, la Fonction publique ne se reposait plus sur les modes formels de gestion, ni sur des manuels de procédures ni sur tout document de travail facilitant la formalisation des comportements. Les structures étaient devenues complexes et fortement centralisées. En cas de défaillance, on recourait souvent à des structures ad hoc, lesquelles malheureusement empiétaient sur les attributions des structures fonctionnelles. Par ailleurs, les cadres organiques agréés, quand ils en existaient, n’étaient plus mis à jour et étaient en déphasage avec les missions assignées au service public, lesquelles étaient parfois dépassées et ne s’adaptaient plus aux exigences de la modernisation.
En dehors du système déficient de gestion des ressources humaines et de la carrière, de la lourdeur des procédures et de la lenteur dans la prise de décisions, il y avait d’autres dysfonctionnements, tels que l’absence de régime de protection sociale efficace, de missions clairement définies ; le chevauchement des compétences et des structures dans les ministères; le déficit d’éthique professionnelle. D’autre part, il y avait l’absence de normes de qualité et d’efficacité du système de contrôle, d’évaluation et de sanctions ; la mauvaise qualité des services offerts aux usagers ; un système d’information et de communication interne et externe peu efficace. Grosso modo, la société congolaise se caractérise par un effritement des valeurs citoyennes, comme le respect de la vie humaine, la conscience patriotique, la primauté de l’intérêt général, le respect de la propriété privée, la solidarité et le civisme.
Par ailleurs, les précédentes réformes ont majoritairement échoué. L’État a tenté d’améliorer l’efficacité de son administration, à travers quatre grandes réformes en 1965, 1972, 1981 et 2003.
Aucune d’elles n’a été totalement couronnée de succès. Parmi les raisons de l’échec : l’absence de concertation et d’implication des fonctionnaires, pourtant premiers bénéficiaires des retombées de la réforme ; mais aussi des syndicats et de la société civile ; le manque de consensus entre le gouvernement et les partenaires techniques et financiers (PTF) dans le choix des stratégies de réforme ; la substitution des unités de gestion des projets ou programmes publics à financements extérieurs aux administrations, structures pérennes de gestion et d’implantation de la réforme.
Il y a aussi le manque de mécanisme souple et efficace de pilotage et de coordination des actions de la réforme ; la non implication des acteurs concernés; le non alignement du financement des PTF aux programmes nationaux ; le choix d’une intervention thématique, sectorielle et partielle au lieu d’une réponse globale et inclusive ; le ciblage souvent au mauvais endroit et en dehors de l’administration.
Les principaux défis à relever
Pour gagner le pari de la réforme, il faudra l’unité de commandement et de pilotage, une structure de gestion et de cadrage juridique non fragmentée, un système fort de gestion des ressources humaines, un système de paie adapté et cohérent, et une Fonction publique rajeunie. Initialement régie par un cadre juridique unique, la Fonction publique s’est par la suite subdivisée en plusieurs groupes spéciaux et cadres, au point qu’il existe aujourd’hui une multitude de « nouvelles unités », un personnel sans statut juridique et qui se voit accorder des bénéfices associés à leur emploi de fait. Par ailleurs, les multiples « statuts spécifiques » ont porté un coup de grâce, éloignant ainsi toute tentative d’unification de l’administration publique.
Par conséquent, tout cela rend difficile l’action collective au sein du gouvernement, la coordination et le partage des informations. Il a donc fallu concevoir un nouveau cadre juridique. L’initiative de réforme a été lancée en 2005, avec l’aide de la coopération belge et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Le processus a été relancé en 2012, avec l’adoption d’une nouvelle loi organique de la Fonction publique au Parlement.
Cette loi vise l’instauration d’un statut général et des statuts spécifiques applicables aux agents et fonctionnaires de l’État, à tous les niveaux (central, provincial et local).
Actuellement, les ressources humaines sont gérées par deux institutions. D’un côté, le ministère de la Fonction publique chargé de la gestion de tous les services publics. De l’autre, la direction de la paie sous tutelle du ministère du Budget, qui s’occupe de la masse salariale des agents et fonctionnaires de l’État. Le manque de coordination entre eux engendre des problèmes, notamment de la gestion des données et des abus, tels que les recrutements illégaux, le gonflement de la masse salariale et un système de rémunération opaque et inéquitable.
Voilà pourquoi, de l’avis des experts, il est indispensable de mettre en place un « mécanisme consultatif permanent et régulier » entre les cabinets politiques et les administrations afin d’évaluer les activités définies dans la feuille de route des ministères. En effet, le système d’administration du pays a trois structures parallèles : l’administration générale (vieillissante et mise à l’écart lors du processus général de conception et d’application des politiques au détriment de son efficacité), les cabinets politiques (qui changent au gré des remaniements du gouvernement et ayant pris de fait le contrôle de la conception des politiques gouvernementales avec comme effets, la division, la reproduction et l’incohérence), et un éventail de comités et institutions parallèles (tels que COREF, chargés de suivi de la mise en œuvre des programmes clés de la réforme, comme la GFP et la décentralisation). Pendant de nombreuses années, le gouvernement n’a pas proposé de structure de paie transparente et équitable, ce qui a miné l’esprit d’équipe et de cohésion au sein de la Fonction publique. Et cela a eu aussi un impact négatif sur la coopération professionnelle dans et entre les ministères et directions.
L’absence virtuelle de motivation au travail et le manque total d’évaluation de la performance ont fini par créer une culture de tolérance des contreperformances. Il n’y a aucune politique cohérente de gestion du système de la paie et de résolution du problème des faibles rémunérations. Les salaires représentent actuellement plus de 53 % des dépenses publiques, selon le ministre des Finances.