Depuis une dizaine de jours, le microcosme politique et les milieux d’affaires congolais sont agités depuis que l’ONG britannique Global Witness a rendu public un rapport dans lequel elle accuse la République Démocratique du Congo d’avoir bradé une partie des richesses pétrolières du pays. Global Witness affirme qu’en 2006, Nessergy, l’une des entités du Groupe Fleurette, a acheté les droits d’exploitation pétrolière sur un bloc situé dans les eaux partagées par le Congo et l’Angola pour 500.000 dollars, droits rétrocédés plus tard pour 150 millions de dollars. En vertu de l’accord Nessergy, les compagnies pétrolières d’État congolaise et angolaise ont acheté Nessergy et, avec elle, les droits qu’elle détient dans des eaux riches en pétrole que se partagent les deux pays, explique l’ONG.
Business et Finances s’est procuré une copie de ce rapport et a contacté les différents protagonistes du dossier pour livrer une meilleure compréhension de cette saga qui fait couler inutilement du reste encre et salive.
Dans l’une de ses précédentes éditions, BEF donnait de précieuses indications sur la démarche à suivre pour l’obtention d’un CPP, le contrat de partage de production en RDCongo, à savoir à l’issue de négociations directes entre la COHYDRO Sarl, la compagnie pétrolière nationale et le futur détenteur du permis. Parmi les obligations contractuelles du demandeur, on cite le bonus de signature dont le montant était fixé à Usd 500.000 (il est de Usd 1,5 million aujourd’hui), l’accès à la banque des données pétrolières, le financement de la formation des cadres et agents congolais opérant dans le secteur des hydrocarbures, l’effort de mise en valeur du bassin sédimentaire de la Cuvette Centrale etc. A en croire une source proche du dossier, très peu d’investisseurs se bousculaient au portillon de la RDC pour négocier ce type de contrat pétrolier. Certains estimaient même que ce montant était exagéré. En 2006, le processus par lequel Nessergy avait obtenu ses droits était le même que pour les autres droits pétroliers octroyés en RDC à l’époque.
Ces droits pétroliers, qui représentent la moitié de la Zone d’intérêt commun (ZIC), se situent dans une zone angolaise, dans les eaux territoriales de la province du Cabinda. On sait aussi que la ZIC se situe dans la même zone que quatre autres blocs angolais. Y opéraient déjà des majors (géants) pétroliers dont Chevron, Exxon, Total, Eni, Galp etc. Il s’agit au départ des blocs angolais sur lesquels ont démarré, depuis 1994, les campagnes de forage. En un mot comme en mille, au moment où Nessergy obtenait son permis, ce bloc pétrolier n’appartenait pas à la RDCongo. En clair, Nessergy avait acheté du vent. Raison pour laquelle, les Angolais vont tout mettre en œuvre pour lui mettre les bâtons dans les roues et l’empêcher de fonctionner. Cette situation va durer plusieurs années, malgré la signature, en 2007, d’un accord pour la création d’une zone d’intérêt commun pour l’exploration-production d’une longueur de 10 km sur 375 sur l’océan.
Cet accord entre les deux Etats devenait ainsi le premier pas dans la résolution du contentieux relatif à l’exploitation des hydrocarbures au large du littoral congolais.
Signé à Luanda, le 30 juillet 2007 entre la République d’Angola et la République Démocratique du Congo, il a été ratifié par la loi n°07/004 du 16 novembre 2007 autorisant la ratification de l’accord sur l’exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d’intérêt commun. La ZIC est donc cette zone d’intérêt située dans la région maritime comprise entre le nord du bloc 1, 15 et 31 et le sud du bloc 14 des concessions angolaises.
A cette même occasion, les deux parties convenaient, concernant les prospects forés existants sur la ZIC, que la RDCongo procédera au remboursement des charges déjà engagées au prorata de ses intérêts et selon les modalités à convenir. Quant aux prospects (structures suffisamment explorées et prospectées qui donnent des indications sur la possibilité d’existence des hydrocarbures) et les gisements à cheval entre la ZIC et les concessions angolaises du nord et du sud, des accords d’unitisation (exploitation commune des ressources transfrontalières) seront signés. Il est enfin prévu que les leads (structures géologiques sur lesquelles on ne dispose pas encore d’assez d’informations) et les gisements à découvrir viendront modifier le tracé de la ZIC. La signature d’un accord sur l’exploration et la production des hydrocarbures va ainsi permettre à l’Etat congolais de bénéficier de manière significative des droits sur la zone d’intérêt commun, à savoir une valeur actuelle nette (Van) oscillant entre 1,3 et 3,6 milliards de dollars américains, une zone où la RDCongo ne détenait aucun droit légal. Ces recettes seront générées par les opérations futures conjointes de Sonangol et de COHYDRO, sans oublier d’autres considérations de trésorerie, notamment des bonus de signature, des pas-de-porte, qui pourraient être payées par les entreprises étrangères opérant sur le bloc. In fine, COHYDRO aura, sur les 50% du bloc, le rôle de concessionnaire, détenant un titre valable et bancaire. La mise en œuvre de cet accord qui va permettre à la RDCongo d’augmenter ses moyens financiers a été rendue possible grâce au rôle déterminant de Nessergy dans la facilitation de la création et le développement de la ZIC.
Ce potentiel est devenu encore plus important après la découverte du domaine de Menongue qui a eu lieu après octobre 2006, un domaine d’un intérêt pétrolier évident. En plus de ces deux événements, le cours du pétrole a aujourd’hui radicalement doublé, allant de 55$/baril en octobre 2006 à 110$/baril, à la date de la confirmation du transfert des droits. La valeur nette actuelle de la zone dans laquelle Nessergy avait eu ces droits se situe entre 1,3 milliard $ et 3,6 milliards $, d’après les estimations.