Seulement moins de 10 % des Unités de production informelles (UPI) sont enregistrées. La plupart des patrons d’UPI prétendent ne pas connaître la réglementation, soit qu’ils considèrent que l’inscription n’est pas obligatoire, soit qu’ils déclarent ne pas savoir auprès de quelle institution il faudrait le faire.
Peu d’UPI ont été captées par l’État, et les sommes déboursées paraissent assez négligeables. Interrogés, nombre de patrons des micro-entreprises se disent prêts à enregistrer leur établissement auprès de l’administration. Les Kinois sont deux fois moins enclins à s’enregistrer que leurs homologues des autres centres urbains. À l’heure actuelle, le secteur informel échappe largement à l’impôt. Des spécialistes sont d’avis que, compte tenu de la spécificité des activités informelles, il serait de bonne cause que la fiscalisation de ce secteur doive passer par une « simplification radicale » du système d’imposition auquel il est soumis.
D’après eux, le secteur informel semble avoir parfaitement intégré les fondements de l’économie de marché. En effet, la concurrence tous azimuts que se livrent les producteurs informels est non seulement une réalité objective, mais elle est même revendiquée par la majorité d’entre eux. Ainsi, lorsqu’on les interroge sur la meilleure façon de déterminer les prix dans leur secteur, ils sont nombreux à mettre en avant les mécanismes de l’offre et de la demande. On estime aujourd’hui à plus de 5 millions d’unités de production informelles. Celles-ci génèrent environ 7 millions d’emplois. Le secteur informel est atomisé et massivement constitué de micro-unités appartenant à des personnes travaillant à compte propre.
Traits caractéristiques
Les UPI se caractérisent par une forte concentration dans les secteurs dits de circulation, notamment commerciaux. Elles sont d’autant plus faciles à créer qu’elles ne demandent pas ou peu de qualifications spécifiques. Selon le découpage des activités en secteurs, le commerce se taille par la part du lion (environ 49 %) des UPI ; les activités agricoles, 22 % ; l’industrie, 17 % et les services, 12 % dans les agglomérations urbaines. À Kinshasa, la répartition des UPI par grands secteurs donne 60,1 % pour les activités commerciales au détriment des activités agricoles (8,5 %). Le secteur informel se caractérise également par une grande précarité des conditions d’activité. Dans la plupart des cas, les UPI en RDC fonctionnent sans local professionnel spécifique et le tiers est constitué des UPI exerçant leur activité à domicile. Plus de 80 % des UPI sont réduites à une seule personne. D’après les analystes économiques, cette forte polarisation sur l’auto-emploi est un indicateur de la faible capacité d’accumulation d’un secteur informel qui semble surtout se développer par un processus de croissance extensive, caractérisé par la multiplication des unités de production. Par ailleurs, l’absence de protection sociale, de sécurité et de garanties est la caractéristique principale des emplois proposés à la main-d’oeuvre du secteur informel. Plus de 90 % des travailleurs dans ce secteur ne disposent d’aucun contrat écrit, ce qui constitue un indice de l’informalité des relations de travail entre employeur et employés dans le secteur informel.
La moitié des emplois de l’informel sont occupés par des femmes. Les emplois féminins sont à plus d’un titre, plus précaires que ceux des hommes. On trouve les femmes principalement parmi les travailleurs à leur propre compte (63 %) ; en revanche, il n’y a quasiment aucune femme salariée du secteur informel (5,6 %). Les normes légales régissant la durée du travail n’ont pas cours dans le secteur informel. La durée légale du travail en RDC est de 45 heures par semaine, mais les actifs du secteur informel travaillent en moyenne 48 heures par semaine. La durée hebdomadaire moyenne de travail dépasse les 50 heures à Kinshasa et est en-dessous de 47 heures pour les autres centres urbains. La rémunération mensuelle moyenne, calculée sur l’ensemble des actifs du secteur informel, est d’environ 30 dollars. En termes de revenu horaire, on obtient moins de 1 dollar en moyenne dans le secteur informel. Les travailleurs informels de Kinshasa s’en tirent légèrement mieux avec un revenu moyen égal à 50 dollars, mais le coût de la vie est plus élevé dans la capitale. Les rémunérations des travailleurs à leur propre compte sont difficiles à calculer, du fait donc de très fortes disparités entre hauts et bas revenus.
Le capital constitue un facteur déterminant de la fonction de production des unités économiques. Le montant total du capital du secteur informel, estimé au coût de remplacement, atteindrait environ 5 milliards de dollars en RDC. Dans une large majorité, le capital du secteur informel urbain est constitué de biens achetés neufs (73,8 %); Mais une partie non négligeable du capital existant (20 %) a été acquis d’occasion, particulièrement pour les véhicules professionnels (34 %), les locaux (30 %). Cette notion de qualité ne concerne pas les terrains. Le capital autoproduit par l’UPI ne se rencontre que dans le cas des locaux (10 % sont construits par l’UPI pour l’UPI) et l’outillage (8 %).
Près de 91,3 % du capital sont la propriété des UPI qui les utilisent, et seulement 4,8 % sont en location, 3,9 % utilisés en prêts ou partage. En fait, seuls les locaux et les machines sont les biens durables les plus souvent prêtés ou partagés (respectivement 9,8 % pour les terrains et locaux et 6,4 % pour les machines). Un peu plus de la moitié du capital provient directement du cercle familial ou amical, avec un maximum de 64,2 % à Kinshasa et un minimum de 49 % dans les autres centres urbains. Les fournisseurs constituent un second pourvoyeur de capital pour les UPI, à raison de 30,5 %. Banques et clients sont des pourvoyeurs secondaires.
L’épargne individuelle représente le principal mode de financement du capital des unités de production informelles avec près de 90 % de la valeur totale du capital. Ce résultat montre l’importance de l’autofinancement dans la dynamique d’accumulation du secteur informel. Il met aussi en lumière le faible degré d’organisation du système financier informel, puisque même les prêts d’origine familiale (3,5 %) ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’obtention des fonds nécessaires à l’investissement, sauf dans l’industrie (10,4 %). La structure des investissements (ou flux de capital) est assez peu différente de celle du capital détenu dans l’informel. Ces investissements sont réalisés notamment dans le commerce, l’industrie et l’agriculture.
Très nombreuses au sein du secteur informel urbain, les activités commerciales contribuent aux trois-quarts du chiffre d’affaires, à plus de la moitié de la production et à plus de deux tiers de la valeur ajoutée totale du secteur informel. Le reste de la valeur ajoutée est réparti entre l’industrie et les services avec moins de 10 %, contribution équivalente de la branche agricole. L’analyse des principaux agrégats moyens par unité de production montre le caractère réduit de l’échelle de l’activité dans le secteur informel. Quel que soit l’indicateur retenu, les UPI commerciales sont celles qui brassent le plus gros volume d’activité.
Le principal fournisseur des UPI est de loin le secteur informel lui-même, et plus particulièrement le secteur informel commercial. La plupart des chefs d’UPI déclarent acheter leurs matières premières chez d’autres informels, et auprès de petits commerces informels. Lorsqu’elles se fournissent auprès du secteur formel, ce sont les grands commerces plus que les grandes entreprises de production qui sont sollicités. En pourcentage d’UPI, le poids des importations directes est quasi nul. Enfin, seulement 2,7 % des UPI font appel au secteur public concernant l’approvisionnement.
La difficulté d’accès au crédit est le premier obstacle que rencontrent les promoteurs. Ceci met en lumière le peu d’intérêt qu’accorde le système financier congolais à l’égard des micro-entreprises. Les chefs d’UPI sont également confrontés au problème d’écoulement de la production, contraint plus du côté de l’offre (excès de concurrence) que du côté de la demande (manque de clientèle). Presque la moitié des unités informelles souffrent d’une concurrence excessive et un tiers a des problèmes de débouchés. Malgré la situation économique difficile, les producteurs informels restent optimistes, puisque près des trois-quarts d’entre eux considèrent qu’il existe un avenir pour leur propre unité de production.