Bras de fer en l’air. Après plusieurs jours, voire plusieurs mois de confusion et des tergiversations, la dépouille de l’opposant historique, Etienne Tshisekedi, décédé le 1er février à Bruxelles, arrive à Kinshasa le vendredi 12 mai. Sa dépouille sera exposée au palais du peuple pour les derniers hommages avant l’inhumation au siège du parti UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) sur la 10è Rue à Limete. Ainsi ont décidé, de « commun accord », sa famille et la direction politique de l’UDPS. La Majorité présidentielle a donné de la voix, en déclarant que l’UDPS a intérêt à inhumer Etienne Tshisekedi dans la « légalité ». Du côté de l’exécutif urbain, c’est le calme plat. Pourtant, le secrétaire général de l’UDPS, Jean Marc Kabund-A-Kabund, rassure que son parti a remis une feuille de route au gouverneur de la ville, André Kimbuta Yango, concernant l’organisation des funérailles.
On sait que l’Hôtel de ville de Kinshasa a été éconduit au mois de mars par les militants de l’UDPS alors que le gouvernement provincial avait entrepris des travaux de construction d’un caveau dans le vieux cimetière de la Gombe fermé, pourtant. Entre-temps, ça spécule fort dans la capitale.
Un choix cornélien
Le gouvernement et l’Hôtel de ville de Kinshasa vont-ils se laisser démonter par les militants de l’UDPS dont les nerfs sont chauffés à blanc ? Ou vont-ils reprendre l’initiative, au nom de l’ordre public ? Des questions qui sont pour le moment sans réponses. Même au siège de l’UDPS, l’ambiance est de plus habituelle. Agir ou ne pas agir. Les autorités du pays (au niveau national et au niveau provincial) sont devant un choix cornélien : entre le sentiment de l’honneur et la passion militante. Quand la nouvelle de la mort de Tshisekedi était tombée, le gouvernement a vite fait d’annoncer qu’il prenait en charge les frais liés à l’organisation des obsèques officielles. La dépouille de l’opposant historique devrait être transportée le 11 mars, date choisie par sa famille, en RDC. L’inhumation après les obsèques officielles était prévue (en attendant l’érection d’un mausolée) au cimetière de la Gombe, en plein centre-ville. Un accord dans ce sens a finalement été trouvé entre la famille de l’opposant historique et les autorités de la ville de Kinshasa. Les travaux avaient justement démarré au lieu où devait être posé le caveau, avec du marbre et des décorations sur un espace de 14 m de large sur 42 m de long, en retrait du boulevard central de Kinshasa. On connaît la suite. Alors que la direction politique de l’UDPS avait pris « acte » de la décision de la famille de Tshisekedi de rapatrier sa dépouille le 11 mars, selon son porte-parole Augustin Kabuya, au lendemain, devant le siège du parti, des jeunes militants ont brûlé des pneus, scandé des slogans hostiles au président Joseph Kabila et à la famille Tshisekedi qu’ils ont accusée d’être de connivence avec le pouvoir. Les manifestants ont demandé à Félix Tshisekedi, le fils du défunt, d’annuler ce programme de rapatriement de la dépouille avant la conclusion de l’accord politique, en menaçant de perturber les funérailles. « Le rapatriement de la dépouille n’est pas une urgence », ont vociféré des militants radicaux. D’après eux, c’est l’application de l’accord qui allait garantir des obsèques apaisées. Les travaux d’aménagement ont été arrêtés net, suite à la furia francese des « combattants » de l’UDPS, qui ne veulent rien entendre jusqu’à ce jour.
Mais les autorités de la ville semblent vouloir être prêtes pour donner des obsèques nationales dignes au sphinx de Limete, même si le gouvernement dit n’avoir pas encore reçu de notification officielle ni discuté de la suite des détails techniques pour accueillir la dépouille mortelle du plus grand opposant du pays. Etienne Tshisekedi était devenu un élément incontournable de la vie politique en République démocratique du Congo, prônant la non-violence pour chasser la dictature avec plus ou moins de succès. Mais le sphinx de Limete était aussi connu pour son courage. Même mort, il demeure un mystère. Le nom de Tshisekedi restera intimement lié à l’histoire politique de la RDC, surtout à celle de la démocratisation du pays. Même si le personnage a été souvent contesté pour son radicalisme pur et dur dans sa lutte en vue de l’avènement d’un État de droit véritable en RDC, sa constance idéologique est saluée aujourd’hui par tous les Congolais comme une « vertu » qui fait cruellement défaut à la classe politique. En effet, les acteurs de la classe politique s’illustrent par une « transhumance alimentaire », rien que pour assouvir leurs appétits financiers égoïstes. Tshisekedi fut un modèle, jamais cité dans des affaires où se mêlent prévarication et scandales. Il connaissait tous les politiciens (petits et grands)… qui le trouvaient trop critique.