On a touché le fond du trou

La décapitalisation des entreprises du fait d’une fiscalité écrasante, et partant leur délocalisation, déjà pourtant en cours depuis plusieurs années, a atteint des proportions inquiétantes. Combien d’industries, combien d’entreprises restent-ils encore dans le pays ? 

De l’avis unanime, la République démocratique du Congo a le potentiel qu’il faut pour être un pays prospère. Mieux, le pays dispose de grandes potentialités pour devenir une « grande nation industrielle », foi du président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), Albert Yuma Mulimbi. Ce n’est pas rien ! Et pourtant, les principales activités industrielles du pays sont actuellement limitées à un nombre réduit de filières des biens de consommation, notamment la production du sucre, des boissons, de la transformation des matières plastiques, des produits cosmétiques, de la panification… Les filières des biens d’équipements, quant à elles, sont sous-exploitées et tournent principalement autour de la production du ciment et de la construction métallique.

Cette photographie instantanée est le reflet des « décennies de mauvaise gestion » qui ont précipité le pays au fond du trou et l’ont conduit au bord de la faillite. Aujourd’hui, pour reprendre l’expression du professeur d’économie, Jean Tsholola, résident en Belgique, la RDC est « un nain économique ». L’économie, dit-il, est un thème de vérité. C’est pourquoi, la plupart du temps, les intellectuels (économistes) et les milieux d’affaires considèrent qu’ils doivent de dire aux politiques ce qu’ils ont à faire. Naturellement, cela agace les politiques et, malheureusement, les conseils leur prodigués par les économistes sont rarement suivis d’effet et, en fin de compte, inutiles.

Une idée simple : avoir un plan stratégique

Ce compatriote septuagénaire a une idée simple mais efficace: mettre les dirigeants du pays face à leurs responsabilités. « Pour cela, il faut l’ordre juste, juste l’ordre… simplement ! », insiste-t-il. En préalable, toutefois, il énumère trois contraintes fondamentales : la taille de l’économie, le système financier, les entreprises. D’après lui, ce sont là les règles et les principes en matière de gouvernance économique qu’on ne peut ajuster à volonté. « Tout doit être en place, c’est-à-dire avoir un plan stratégique de l’économie. Le drame en RDC, c’est justement cette question de plan stratégique qui manque… Que veut-on faire de notre économie et quel est le rôle que l’on veut lui faire jouer dans le développement du pays ? C’est le gros problème ! », déplore ce professeur à la retraite.

Et plus tranchant, il déclare: « Tant que la RDC ne se dotera pas d’un plan stratégique de l’économie, l’État ne sera pas fiable ». Lorsque l’on veut développer quelque chose, explique Jean Tsholola, ça doit être quelque chose de volontaire et non quelque chose que l’on subit. Pour illustrer son propos, à sens d’ailleurs, il cite quelques pays africains qui montent en puissance. Comme le Rwanda, le Kenya et la Tanzanie. « C’est le fait de leur volonté de faire quelque chose, de manière particulière, en faveur d’une communauté particulière, avec des résultats particuliers », souligne-t-il. Ce n’est pas encore le cas en RDC, pense Tsholola.

Quant à lui, Noël Tshiani, économiste, fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI) et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle, expose un plan de long terme pour sortir le pays du marasme. D’après lui, « il faudra 15 ans pour que le pays renoue avec une économie solide ». En fait, Noël Tshiani a la vision d’un plan, genre plan Marshall pour la RDC. Sa proposition, dit-il, est plus que d’actualité parce que la situation économique s’empire davantage depuis deux ans déjà. Selon son analyse, 88 % de la population active est en chômage faute d’industries, les infrastructures de base (routes, eau, électricité, aéroports…) sont complètement dégradées, en plus de l’insécurité généralisée.

La caractéristique de l’économie nationale

« Je propose donc un plan Marshall pour le Congo afin de faire face à ces défis de développement qui sont de nature qu’on ne peut pas régler le problème avec de petites réformes cosmétiques », a récemment déclaré Noël Tshiani sur les antennes de la Radio France International (RFI). D’après lui, un plan Marshall, c’est un plan de plusieurs années. « Pour cela, il faut mettre rapidement en place de grandes mesures, en mettant l’accent sur la bonne gouvernance, l’utilisation efficiente des ressources publiques car le Congo génère beaucoup de revenus en interne », pose-t-il. « Le problème, pense-t-il, est que ces revenus disparaissent dans les poches des particuliers. »  Par exemple, explique-t-il, le potentiel géologique de la RDC est énorme. Le pays regorge d’environ 1 100 minerais et métaux précieux différents répertoriés, estimés à environ 38 mille milliards de dollars. Ces matières premières, dit-il, sont exportées à l’état brut, laissant le chômage en RDC et créant des entreprises, donc des emplois, à l’étranger. « Ce qu’il faut faire, c’est de renverser la tendance, en transformant ces matières premières en produits semi-finis et finis dans l’intérêt de la RDC, à travers une politique d’industrialisation accélérée », argumente-t-il. Convaincu que « cela a l’avantage de créer des emplois au Congo pour les Congolais ». Mais aussi pour la communauté internationale parce que la transformation des matières premières en produits semi-finis et finis au pays va nécessiter « un déploiement de la technologie de pointe que nous ne pouvons obtenir que des pays européens, américains ou asiatiques… Bref, du monde industrialisé ».