En matière d’exploitation des ressources naturelles de l’Afrique, le temps des monopoles semble révolu. On voit plutôt les Américains qui essayent de rattraper leur retard sur les Chinois, de plus en plus présents sur le terrain.
Pour les dix prochaines années, les États-Unis et l’Afrique veulent instaurer un partenariat véritablement « gagnant-gagnant » selon le secrétaire d’État américain, John Kerry. À ce jour, les échanges avec les États-Unis ne représentent qu’un petit pour cent. Cette réalité sautait aux yeux à Libreville, au Gabon, lors du 14e Forum de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), du 24 au 27 août. Comment faire pour que les pays africains tirent pleinement profit de l’AGOA ? La rencontre de Libreville avait pour but de permettre aux gouvernements du continent de développer de nouvelles stratégies afin de saisir les opportunités offertes depuis quinze ans par les États-Unis, dans le cadre de l’AGOA. Les participants ont préconisé le renforcement des liens économiques interafricains et le développement des infrastructures pour booster l’intégration et le commerce régional. Ils ont également recommandé le renforcement des capacités pour la conformité aux normes sanitaires et phytosanitaires internationales, pour plus de sécurité alimentaire et d’investissements dans le secteur agro-industriel et des exportations sous régime AGOA.
Accroissement des échanges
Concrètement, ils ont mis l’accent sur la nécessité d’un accroissement des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique, ainsi que de l’aide aux PME locales. Ils ont aussi recommandé l’accroissement de la production énergétique sur le continent et le transfert de technologies pour les dix prochaines années. À l’heure actuelle, les pays africains ont exporté pour près de 480 milliards de dollars aux États-Unis depuis la mise en place de l’AGOA en 2000. Cette loi a permis la création de plus de 300 000 emplois en Afrique subsaharienne contre 120 000 aux États-Unis, selon le département d’État américain. Mais tous les pays africains n’ont pas profité de l’AGOA. De 2001 à 2014, les échanges entre l’Afrique et les États-Unis ont quadruplé. Les Américains affirment qu’ils ne s’intéressent pas uniquement aux matières premières du continent africain. En 2014, par exemple, les échanges non pétroliers ont représenté 4,4 milliards de dollars, soit une hausse de 250 % par rapport à 2001. Les exportations africaines vers le marché américain souffrent encore de contingences.
Promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance
L’AGOA est une initiative du gouvernement américain en vue de raffermir les liens commerciaux avec l’Afrique et de promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance sur ce continent. Malgré un taux de croissance prévu par le Fonds monétaire international (FMI) à plus de 5 % en 2015, l’Afrique souffre encore de la méfiance de beaucoup d’investisseurs étrangers. Elle est pourtant devenue un enjeu géostratégique pour les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Chine. Dans la lutte acharnée pour tirer profit des matières premières africaines, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial de l’Afrique et le premier fournisseur devant la France et l’Allemagne.
L’extraordinaire avancée chinoise
Le volume des échanges entre la Chine et l’Afrique progresse de manière exponentielle, la diaspora chinoise devenant de plus en plus importante que celle des autres pays, y compris les États-Unis. Les Américains rivalisent avec les Chinois dans l’achat des matières premières des pays africains, qui peuvent ainsi améliorer leurs taux de croissance en proposant leurs produits aux meilleurs prix.
Cette course aux matières premières a été provoquée par la diminution des réserves de pétrole aux États-Unis et la nationalisation du pétrole vénézuélien. Les Américains se sont alors tournés vers les pays africains producteurs de pétrole pour satisfaire leurs besoins énergétiques, en privilégiant la bonne gouvernance comme au Ghana. C’est ainsi que, après Madagascar, la Guinée et le Niger, la République démocratique du Congo ne bénéficie plus des droits de douane préférentiels à destination des États-Unis depuis 2011 pour son « mauvais bilan » sur les droits de l’homme. Le respect de ces droits est un critère essentiel de l’aide américaine.
La RDC hors AGOA
Mais cette suspension de la RDC de l’AGOA n’est pas une sanction définitive. Elle peut réintégrer l’AGOA à tout moment si la situation des droits de l’homme s’améliore. Donatien Ngoy Ntambwe, membre de las chambre de commerce États-Unis-RDC, où il est chargé de la politique et des programmes, plaide pour le retour rapide du pays à l’AGOA. Si, dans l’absolu, le principe de l’extension de l’AGOA est quasiment un acquis, comme le constate Ngoy Ntambwe, la question de l’importation des matières premières reste épineuse. Autre point de satisfaction selon, lui, c’est la possibilité d’aider les pays africains à renforcer leurs structures dans le domaine de l’export (Capacity Building).
Il s’agit notamment d’aider les exportateurs à mieux comprendre les procédures et les critères phytosanitaires que les États-Unis imposent dans le domaine agricole. Ngoy affirme qu’à sa connaissance l’AGOA « est le programme de développement le plus performant que les États-Unis aient mené en faveur de l’Afrique ».
L’Agence américaine pour le développement international (USAID) a pris plusieurs mesures relatives à la mise en place de l’infrastructure nécessaire dans le secteur agricole. «L’Afrique est en marche. L’économie de ses différents pays est en expansion et les pouvoirs publics adoptent la gouvernance démocratique et l’État de droit. De tels changements sont favorables à l’économie de marché grâce à laquelle des entreprises du secteur privé naissent, grandissent et prospèrent », déclare Ngoy Ntambwe, qui est convaincu que la croissance des exportations africaines conduira à la création d’emplois et à une plus grande prospérité en Afrique. «Une heureuse situation que l’on peut en partie attribuer à la formation de réseaux d’hommes d’affaires, du fait de l’adoption de l’AGOA, visant à privilégier le commerce plutôt que l’assistance en tant que moteur de la croissance économique sur le continent», note-t-il.
Gagnant-gagnant, peu importe le régime
De leur côté, les Chinois mettent en avant le principe gagnant-gagnant, ne s’occupant pas de la gouvernance des pays africains. Peu importe les régimes (démocratiques ou dictatoriaux) en place. Le pétrole devient l’objet principal des échanges commerciaux entre les États-Unis, la Chine et l’Afrique avec plus de 12% de la production mondiale depuis 2008. Américains et Chinois sont en concurrence dans presque tous les pays du Golfe de Guinée. Le premier forum Chine-Afrique, organisé en 2000, a favorisé l’arrivée massive de commerçants chinois en Afrique, menaçant par ricochet la position privilégiée des Occidentaux, notamment en RDC, un pays riche en ressources minières avec lequel les Chinois ont signé de gros contrats à hauteur de 9 milliards de dollars. De la rivalité pour les ressources énergétiques de l’Afrique, Américains et Chinois s’affrontent aussi politiquement. Dans le conflit au Soudan, par exemple, la Chine, exploitant le pétrole dans ce pays, s’est opposée contre l’envoi d’une force de maintien de paix au Darfour, préconisée par les Américains au Conseil de sécurité.
Chercher de nouvelles niches
Pour tempérer les ardeurs des Chinois en Afrique, les Américains préconisent d’aider les Africains dans le domaine agricole et dans le secteur bancaire où les Chinois ne sont pas encore très présents. Les lobbies évangéliques apparaissent aussi comme un atout pour eux, afin de ralentir l’implantation des Chinois en Afrique. Les États-Unis mettent en exergue l’importance de la prière par rapport à la politique et profitent des réseaux religieux pour s’attirer la sympathie des gouvernants et des populations. Rien d’étonnant qu’on assiste à une prolifération d’œuvres caritatives au service des plus démunis moralement et matériellement en prenant comme prétexte la religion dans des pays où le prosélytisme est très actif.
La Chine ne dort pas
Même sur le plan religieux, la Chine ne s’avoue pas vaincue. Elle s’est lancée dans la construction d’églises à des prix défiant toute concurrence et imprime les bibles qui sont actuellement utilisées en Afrique. Les autres pays émergents, comme l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil, imitent la Chine dans sa politique économique en Afrique. Ces derniers manifestent la volonté de coopérer économiquement avec les pays africains. Si la Chine s’appuie sur l’idéologie et les entreprises publiques avec importation de sa main-d’œuvre. Les autres pays BRIC, par contre, privilégient les entreprises privées.