Le FMI va continuer à garder un œil sur la Chine en 2016. Ce pays a délaissé le modèle économique basé sur l’investissement et l’industrie manufacturière au profit de la consommation et des services. Les conséquences mondiales du ralentissement de la croissance chinoise sont bien plus lourdes qu’on ne le pensait.
Le Fonds monétaire international (FMI) s’inquiète des graves obstacles à la restructuration. Une croissance inférieure aux objectifs des dirigeants chinois pourrait à nouveau inquiéter les marchés financiers mondiaux. À la suite de la crise de 2008, la Banque africaine de développement (BAD) avait organisé une conférence des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales à Tunis. Comme en 2009, on s’attend à ce qu’elle invite encore, en collaboration avec la Commission de l’Union africaine, à une autre réflexion. L’objectif est de mobiliser les responsables afin d’organiser la riposte commune à la crise financière internationale. La baisse des cours des matières premières qui perdure, à la suite de la récession en Chine, pourrait sérieusement infléchir la croissance mondiale et conduire à une réduction des exportations. Par ailleurs, les pressions budgétaires engendrées par les plans de sauvetage mis en œuvre par les pays exportateurs de matières premières risquent d’entraîner une contraction du volume de l’aide publique au développement. Le ralentissement de l’activité économique des pays riches, comme le redoutent les experts de la BAD, aura pour effet des licenciements, un durcissement des politiques migratoires et, par conséquent, la réduction drastique des transferts de fonds des travailleurs émigrés.
Un phénomène complexe
Daniel Tusevo, un expert en macroéconomie au ministère des Finances, pense que seule la bonne gouvernance permettra à la République démocratique du Congo de ne pas subir totalement les effets de cette crise qu’il qualifie de « panne systémique ». Il s’agit, explique-t-il, d’une panne qui affecte les institutions intervenant dans les transactions financières internationales. Elle a plusieurs facettes, notamment le manque de liquidités et de taux d’intérêt, le durcissement de l’accès aux crédits accordés aux individus et aux entreprises. Elle peut aussi prendre la forme d’une crise de la couverture des crédits bancaires, d’une crise financière inflationniste en cas de perte de la valeur de la monnaie, ou encore se manifester dans les transactions financières internationales par le truchement des banques, ainsi qu’au niveau de la régulation.
Selon cet expert, les difficultés économiques de la Chine peuvent sérieusement affecter la réalisation des programmes nationaux de développement. Il indique que l’origine de la crise actuelle est lointaine : le laxisme étatique. Pour lui, ce laxisme se caractérise par le retrait du contrôle de l’État sur les activités économiques. Conséquence : l’économique et le financier se permettent tout. Compte tenu de l’importance de l’économie américaine sur les marchés financiers internationaux, toute difficulté que rencontre l’économie américaine se répercutera sur le reste du monde. Or, poursuit Daniel Tusevo, le système financier international étant très dynamique, les effets se font sentir partout.
À première vue, les effets de la crise financière internationale sur les économies africaines, dont celle de la République démocratique du Congo, sont indirects, étant donné que l’Afrique ne participe qu’à moins de 20 % dans les transactions financières internationales. Cela touche plus ceux qui sont les plus actifs sur les marchés financiers. Cependant, en République démocratique du Congo, la crise financière affecte principalement les recettes sur les exportations minières. La Chine est actuellement la destination principale des exportations minières du pays compte tenu des accords passés avec Beijing.
Or, l’économie chinoise est en train de subir cette crise, et, de ce fait, elle réduit ses importations. Les importateurs habituels de minerais n’ont plus les mêmes facilités financières comme avant à cause de la réduction de la demande, en dehors de la Chine.
La Chine en vedette
La croissance de la Chine est passée de 11 à moins de 8 %. Et elle n’intervient pas jusque-là en injectant des montants colossaux dans son économie comme le font les autres économies de son niveau, comme celles la France, de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de l’Allemagne… C’est pourquoi les difficultés économiques de la Chine, toutes choses restant égales par ailleurs, vont se répercuter notamment sur les travaux d’infrastructures réalisés par les entreprises chinoises en République démocratique du Congo. Les priorités peuvent aussi changer, sans oublier que l’année 2016 est une année électorale.
L’autre effet à redouter est le durcissement de l’accès aux crédits. Selon Daniel Tusevo, les conditions requises pour avoir le crédit vont devenir drastiques, si elles ne le sont pas encore, aussi bien pour les individus que pour les entreprises. Cependant, la relance de l’économie devrait être orientée vers les petites et moyennes entreprises (PME). Ce sont elles qui créent les emplois et renforcent la croissance économique. Mais si elles ne peuvent pas avoir de crédits, il n’y aura ni de création d’emplois ni croissance économique. Il en va de même pour les individus, s’il n’y a pas d’accès aux crédits, il n’y aura pas assez de consommation. La réduction du pouvoir d’achat, qui s’en suivra affectera les recettes des entreprises.
Les ménages dans l’œil du cyclone
L’absence de liquidités entraîne l’inflation. Celle-ci, à son tour, entraîne la flambée des prix qui rend la vie difficile aux ménages. Plus la valeur du dollar augmente, plus les paiements en matière de service de la dette extérieure s’envolent. Si ces paiements deviennent difficiles, ils entraîneront des conséquences au niveau de la couverture des crédits bancaires, avec des répercussions sur les transactions bancaires internationales. Pour que la République démocratique du Congo amortisse le choc de la crise financière internationale, il faudrait en minimiser les effets, estime Daniel Tusevo. Le pays devrait, par conséquent, renforcer la gouvernance qui passe par la rigueur dans la gestion de l’État. C’est, par exemple, le respect du budget, l’application stricte des codes minier et des investissements, la fin à l’impunité et la lutte contre la corruption… La crise actuelle offre aux pays africains l’opportunité d’exiger une restructuration du système financier international, comme le souhaitent une opportunité actuellement plusieurs États. Cette restructuration permettrait à l’Afrique d’avoir son mot à dire dans ce domaine. Même si son pourcentage dans les transactions financières internationales reste faible, le continent continue à en subir les effets. Il pourrait réclamer un fonds spécial, comme cela a été fait en faveur de la Hongrie par le Fonds monétaire international (FMI), pour couvrir les effets d’une crise dont il n’est pas responsable. L’Afrique a intérêt à développer des mécanismes pour créer le capital intérieur et réduire la dépendance au système financier international. Il faudra envisager, par exemple, le renforcement de l’épargne intérieure, la création des communautés régionales qui maximiseraient les échanges commerciaux entre les pays africains. L’autre mécanisme à mettre en place est le renforcement de la position des pays du Sud au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans tous les cas, la bonne gouvernance, la responsabilité de l’État et la régulation restent les plus importantes mesures à mettre en œuvre. Dans l’hypothèse où la crise actuelle perdurait, Daniel Tusevo se garde de tout pronostic. Cependant, il croit que les initiatives qui sont prises au niveau international sont autant de signes qui indiquent que les marchés boursiers peuvent se reprendre rapidement. Si la Chine et les pays producteurs de pétrole s’impliquent, l’embellie est possible.