LA RUMEUR, ç’en est vraiment une, a mis la puce à l’oreille des limiers de Business et Finances, qui ont décidé d’enquêter sur l’affaire de ce supposé énième détournement de fonds publics. Aujourd’hui, la rédaction de Business et Finances est à même de montrer, pièces à l’appui, qu’il n’y a pas opacité dans la gestion de la ligne de crédit destiné à rembourser les créances des sociétés pétrolières sur l’État. Tout est tracé, tout est transparent, pourrait-on ainsi dire. Mais cela suffirait-il vraiment à convaincre l’opinion à changer d’avis ?
C’est un exercice de haute voltige auquel s’est livrée la rédaction de Business et Finances pour tomber sur les documents officiels. Ceux-ci ont permis de retracer au dollar près les 100 millions de dollars qu’on dénonce prétendument avoir été détournés. Pour la rédaction de Business et Finances, la préoccupation était de faire découvrir dans cette affaire la réalité à travers des éléments factuels, alors qu’on en parlait encore sur base des déclarations anonymes et au conditionnel.
Comme à son habitude, à chaque fois qu’il y a polémique au pays sur un sujet économique majeur, le but de l’enquête de la rédaction de Business et Finances était donc d’apporter une information précise et statistique. Bref, sérieuse, pour que les éléments factuels rapportés puissent permettre de lever tout doute dans l’esprit de ses lecteurs, de manière à faire la part des choses entre ce qui relève de l’insinuation, de la dénonciation anonyme et souvent calomnieuse, de la consultation des documents non référencés et ce qui est la réalité.
Contexte électoral
Nous sommes en 2018, dans un contexte politique marqué par la préparation des élections présidentielle et législatives que le gouvernement a décidé de financer intégralement, sans l’aide de la communauté internationale. La situation des sociétés pétrolières installées en République démocratique du Congo est préoccupante. Elle nécessite donc « une solution rapide afin de leur éviter de se retrouver dans le cas de cessation de paiement qui serait préjudiciable à tous », écrit Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre, le 10 mai 2018, à Joseph Kapika Ndji Kanku wa Mukumadi, le ministre d’État, ministre de l’Économie nationale, en réponse à sa lettre du 19 avril 2018.
Les tensions autour des prix du carburant à la pompe sur fond de crise étaient déjà perceptibles en 2016. Début 2017, pendant plusieurs jours, les automobilistes ont assisté, impuissants, à une distribution du carburant rationnée à Kinshasa. Cela n’avait rien d’étonnant pour le citoyen lambda, car, des années durant, les sociétés distributrices de carburant procèdent ainsi pour mettre la pression sur le gouvernement afin de le contraindre à autoriser la hausse des prix du carburant.
Une délégation de la profession pétrolière (Cohydro, Cobil, Engen et Total) a été même reçue par Samy Badibanga Ntita, désigné 1ER Ministre, à l’issue des négociations politiques de la Cité de l’Union africaine sous la conduite du Togolais Eden Kodjo comme facilitateur. Avec les représentants de la profession pétrolière, Samy Badibanga n’a fait qu’« un tour d’horizon de la situation ». C’est Modeste Bahati Lukwebo, alors ministre d’État, ministre de l’Économie nationale, le même qui avait conduit cette délégation auprès du 1ER Ministre, qui va alors apporter la clarification à la télévision publique (RTNC) : « Une nouvelle structure de la tarification du prix à la pompe va être décidée incessamment ». La dépréciation du franc congolais par rapport au dollar n’est jamais une bonne chose au pays. Les prix (essence et gasoil) du carburant ont tendance à s’aligner automatiquement et les conséquences sur le marché sont très redoutées. En effet, ils entraînent avec eux les prix des denrées alimentaires et les tarifs dans le transport en commun. Ce sont généralement ces effets que le gouvernement redoute et tente d’éviter en subventionnant le carburant depuis plusieurs années. Mais les pétroliers distributeurs ont toujours réclamé la « vérité des prix ». Pourtant, la RDC est l’un des pays d’Afrique où les prix du carburant sont les plus élevés. Le litre coûterait 2 dollars, en fait !
Paix sociale à préserver
Depuis toujours, le gouvernement s’est employé à ne pas en rajouter à la crise politique et sociale devenue endémique dans le pays depuis les années 1980. Entre 2014 et 2016, les prix du carburant n’avaient pas changé pendant plusieurs mois, alors que le franc congolais se délitait sous l’action du dollar. Pour la profession pétrolière, il y avait un manque à gagner sur chaque litre vendu dans « un environnement catastrophique ».
Entre une hausse légère et un assèchement à la pompe, le choix était clair pour Modeste Bahati. Mais la hausse, quoique légère, est « significative ». Dans la mesure où chaque augmentation des prix du carburant a des effets collatéraux, ce qui n’est fait qu’empirer la situation déjà précaire, du fait d’une période d’incertitude en pleine crise politique.