DANS son dernier rapport publié le jeudi 9 avril, l’organisme humanitaire dresse un tableau très sombre de la situation à venir si les États ne mettent pas en œuvre rapidement une riposte adaptée à cette crise planétaire. Pour beaucoup d’observateurs, le manque de coopération internationale pourrait aggraver la crise sanitaire et sociale dans les mois à venir.
La crise économique pourrait amplifier les phénomènes de pauvreté sur toute la planète. Oxfam, l’ONG britannique, s’appuie notamment sur des estimations de l’Institut mondial de recherche sur l’économie du développement de l’université des Nations Unies.
Dans leurs travaux, les économistes ont établi plusieurs simulations avec différents seuils de pauvreté (1,9 dollar, 3,2 dollars et 5,5 dollars par jour) et différentes pertes de revenus par tête (-5 %, -10 % et -20 %).
Quel que soit le scénario envisagé, « la pauvreté dans le monde pourrait repartir à la hausse pour la première fois depuis 1990. Selon le seuil de pauvreté considéré, cette hausse pourrait représenter un recul d’une dizaine d’années sur les progrès réalisés pour réduire la pauvreté ». Dans le scénario le plus pessimiste, (-20 % des revenus) le nombre de personnes vivant dans la pauvreté pourrait augmenter de 420 à 580 millions par rapport au dernier chiffre officiel enregistré en 2018.
L’Afrique en tête
Sans surprise, les régions mondiales les plus exposées sont l’Afrique, l’Asie de l’Est et le Pacifique et l’Asie du Sud. Dans certaines régions, le manque d’établissements de santé et l’absence de tout système de protection sociale font craindre le pire. Le poids de l’économie informelle dans ces pays peut atteindre des niveaux très importants.
Selon une récente note de l’Organisation internationale du travail (OIT) publiée le 7 avril dernier, « deux milliards de personnes travaillent dans l’économie informelle (la plupart dans les économies émergentes et en développement) et sont particulièrement menacées ». L’institution internationale basée à Genève prévoit en outre des destructions d’emplois abyssales dans certaines régions. En Asie et dans la région Pacifique, les experts anticipent une chute de 7,2 % d’heures de travail, soit 125 millions d’équivalents temps plein, par exemple.
Les pays riches sont loin d’être épargnés par la crise. Après l’Europe, les États-Unis sont devenus l’épicentre de cette crise sanitaire. Désormais, l’administration Trump doit faire face à l’avancée du virus dans la ville de New-York, poumon économique de la puissance américaine, et de nombreux autres États où les inégalités sociales sont parfois criantes.
Avec le déclin de l’économie étasunienne, les inscriptions au chômage ont flambé ces dernières semaines. Si Donald Trump a annoncé la mise en place de filets de sécurité pour limiter la casse et un plan de sauvetage massif, de nombreux travailleurs déjà pauvres pourraient se retrouver sur le carreau. S’il est encore difficile d’avoir des chiffres fiables sur les conséquences du coronavirus sur l’économie mondiale, plusieurs indicateurs avancés illustrent l’ampleur du choc économique.
En Chine, les indices PMI des directeurs d’achat pour le premier trimestre signalent un effondrement de l’activité. Les usines redémarrent doucement alors que les autorités redoutent un nouveau départ de la pandémie. Les pays asiatiques voisins fortement dépendants du géant chinois devraient également enregistrer des pertes économiques catastrophiques.
Du côté de l’économie européenne, les premières estimations sont alarmantes. La Banque de France a indiqué la semaine dernière que l’économie tricolore avait enregistré sa pire performance trimestrielle depuis 1945 (-6 %) tandis qu’en Allemagne, ses instituts tablent sur un recul de près de 10 % au deuxième trimestre après une baisse limitée à un peu moins de 2 % sur les trois premiers mois.
La situation est encore pire en Italie et en Espagne où les victimes du virus se multiplient malgré un ralentissement de la propagation. Là encore, les niveaux de pauvreté pourraient bondir si les membres de la zone euro n’arrivent pas à se coordonner rapidement pour trouver une solution à la crise.
La dernière réunion de l’Eurogroupe, qui s’est soldée par un échec dans la nuit de mardi 7 avril à mercredi 8 avril, montre une nouvelle fois les fragilités de l’union monétaire face à l’urgence sanitaire et économique.