PALUKU MIVIMBA METHUSALEM, leader paysan : « L’agriculture familiale, fer de lance de l’économie de la RDC »

Pour cet acteur du terrain, avec les coopératives agricoles et les organisations paysannes, les petits producteurs méritent toute l’attention du gouvernement. Il témoigne du dynamisme économique dans l’Est du pays, notamment en région Butembo-Beni. Suivez.

Au Kivu, la FOPAC compte plus de 70 000 adhérents.

LONGTEMPS marginalisée et négligée dans les programmes de développement national en République démocratique du Congo, l’agriculture familiale a été accompagnée par l’image d’archaïsme, très traditionnelle, moins productive sur le marché national et international. Cette image négative développée par certains intellectuels n’a pas favorisé la promotion de ce type d’agriculture dans les instances politiques.

Renouveau économique

Le dynamisme économique de l’Est de la RDC est indéniable, largement entraîné par la dynamique du réseau d’opérateurs Nande de la région Butembo-Beni (le Grand Nord). En témoigne le catalogue du groupement des artisans de Butembo qui présente un large assortiment des machines agricoles fabriquées au Congo.  

Une large dynamique des acteurs et d’autres réseaux comme celui des organisations paysannes – la Fédération des producteurs agricoles du Nord et du Sud-Kivu (FOPAC SK et NK), les coopératives et aussi d’autres structures d’appui, des ONG locales voire internationales (RIKOLTO, WCS, WWF, Agriterra, Fondation Virunga), sont à la base de ce renouveau économique. 

« La filière café arabica des provinces du Sud et du Nord-Kivu est en émergence (qualité et quantité) et donc plus prometteuse pour le paysannat et sa structuration. Le label bio est déjà internationalement reconnu. Des Congolais dynamiques ont su créer des coopératives performantes, travaillent sur la qualité, encadrent des paysans de façon professionnelle. »

On note aussi la présence de nombreux bailleurs de fonds et de leur(s) agence(s) d’exécution, dont la Banque mondiale (PICAGEL), le FIDA (PASA NK), la coopération allemande (autour du parc de Kahozi Biega), la coopération de l’Union européenne (parc des Virunga et projet d’hydroélectricité qui soutient l’entreprenariat local et jusqu’à Goma), les coopérations bilatérales de la France, de la Belgique et des États-Unis. 

Ce dynamisme s’explique aussi par la proximité des pays voisins comme l’Ouganda, le Rwanda ou la Tanzanie et des ports de l’océan Indien. Ces pays facilitent le transit, ils peuvent aussi être opérateurs ou clients des produits congolais. Ce dynamisme de l’Est de la RDC et des provinces de l’Ituri, du Nord et du Sud-Kivu, est d’abord agricole, avec partout des acteurs et parties prenantes impliquées constituant des opportunités et des synergies avec d’autres. Les labels régionaux et de qualité bio sont désormais reconnus. C’est particulièrement vrai pour le café.

Les acheteurs internationaux sont bien présents et les prix des produits sont à la hausse. Le café, le cacao, le palmier à huile et la pomme de terre constituent les filières les plus dynamiques du Nord-Kivu et offrent des opportunités d’investissement, sans négliger les filières vivrières comme le manioc, le riz, le maïs. 

Les cinq filières top par territoire au Nord-Kivu, hormis le café et le cacao, sont les suivants par ordre d’importance : palmier à huile, le riz, la banane, le manioc et l’arachide à Walikale ; la pomme de terre, la banane, le manioc, le maïs et le haricot à Masisi ; le maïs, le haricot, le soja, le manioc et la banane à Rutshuru ; le riz, le manioc, le palmier à huile, le haricot et le maïs à Beni ; le riz, le haricot, la pomme de terre, les maraîchers et le maïs à Lubero ; et la pomme de terre, le haricot, le maïs, les maraîchers et la banane à Nyiragongo.

Le dynamisme des coopératives paysannes et des structures représentatives du monde paysan supporte des filières dynamiques, telle la FOPAC Nord-Kivu et Sud-Kivu (70 000 adhérents) et leur motivation en support des filières agricoles sédentarisées. L’expertise RIKOLTO dans de nombreux projets agricoles et leur facilitation dans les achats de cacao bio à meilleur prix chez les planteurs. 

Renaissance de l’arabica 

La production du café arabica en République démocratique du Congo fait face à de sérieuses difficultés et dépend des intermédiaires qui (souvent) vendent leur café sans offrir des services en retour. Beaucoup d’agriculteurs de café sont exploités par ces intermédiaires qui offrent des crédits pour la récolte de café la plus récente à des tarifs extrêmement bas. Comme résultat, les agriculteurs de café sont en train de se battre pour survivre.

La filière café arabica des provinces du Sud et du Nord-Kivu est en émergence (qualité et quantité) et donc des plus prometteuses pour le paysannat et sa structuration. Le label bio est déjà internationalement reconnu. Des Congolais dynamiques ont su créer des coopératives performantes, travaillent sur la qualité, encadrent des paysans de façon professionnelle. Ces coopératives comptent de 2 000 à 6 000 membres (superficie moyenne par ferme de 1 ha jusqu’à 3 ha dans le Ruwenzori). Elles ont implanté des stations de lavage pour dépulper les cerises collectées localement (2 à 3 stations par coopérative).

Avec 1 200 pieds de caféiers à l’hectare et 2,5 kg de baies rouges collectées par pied dans le Ruwenzori, la valeur de la production annuelle pour un demi-hectare sera alors en moyenne de 600 x 2,5 x 0.4= 600 dollars. La hausse s’explique par la combinaison d’une capacité financière accrue pour les fonds de roulement de la coopérative, le démarchage de nouveaux clients internationaux augmentant sensiblement le volume des ventes ainsi qu’une meilleure gestion et planification des activités au sein des coopératives. La qualité et le goût sont très reconnus, le prix se négocie de 4,5 à 6 dollars le café export (6,5 dollars par NESPRESSO). Néanmoins, ces coopératives ont des problèmes pour conclure des contrats de vente de leur café. Il y a aussi insuffisance de capacité des usines, ce qui limite l’accès à l’usinage pour certaines coopératives. World Conservation Society (WCS) travaille avec ces coopératives au Sud-Kivu sur le littoral du lac, tout proche du PNKB. Elles enrichissent des champs avec des arbres (ce qui fertilise le sol, rend les caféiers moins vulnérables aux maladies, permet de produire plus de bois énergie et moins de pression sur le parc de Kahozi Biega). La dynamique communautaire induite par ces coopératives renouvelle une ambiance de vie plus décente dans le milieu…

Les fondamentaux sur les coopératives agricoles

DAVID. LUYEYE.

Pourquoi une coopérative agricole existe-t-elle ? En quoi est-elle différente des autres organisations agricoles ? Quelles sont les principes de fonctionnement d’une coopérative ? Qu’est-ce qui poussent les agriculteurs à adhérer à une coopérative ? Les réponses à toutes ces questions peuvent se résumer à ceci : certaines caractéristiques sont propres aux coopératives agricoles ainsi qu’à leur
mode de gestion. 

On retiendra utilement qu’une coopérative agricole est une organisation d’action collective. Souvent, la faible position de négociation des petits exploitants vis-à-vis des grands fournisseurs, commerçants et transformateurs est l’une des principales raisons, qui motivent les producteurs agricoles à s’organiser et agir collectivement. Ces derniers mutualisent leurs efforts sur une base volontaire pour répondre aux besoins économiques, sociaux et culturels communs. Par exemple, l’acquisition commune d’intrants, la réponse collective aux défis environnementaux et la vente conjointe de produits agricoles permettent aux agriculteurs d’améliorer considérablement leur productivité, leur viabilité et le pouvoir de négociation.

Les experts expliquent qu’une coopérative agricole doit promouvoir les intérêts de ses membres agriculteurs. Mais en tant qu’entreprise opérant dans un environnement concurrentiel, elle se doit également de satisfaire la clientèle qui achète les produits ou services à la coopérative. Cette dernière est, d’une part, une association de personnes réunies dans le but de répondre à leurs aspirations et besoins communs, et, d’autre part, une entreprise affichant des valeurs et principes distincts, au service de ses membres tout en tenant compte des intérêts de ses clients ainsi que de la collectivité.