Les recherches montrent que les pays ayant des institutions faibles sont capables de réaliser une croissance rapide mais ne peuvent pas maintenir cette croissance de manière soutenue à long terme.
Après avoir été qualifiée de continent perdu, l’Afrique a eu une bonne presse ces derniers temps. Certes, les revenus sont en hausse et donc le niveau de vie est en amélioration. Mais, le continent peut-il avancer sur la voie de la prospérité ? D’évidence, cela dépendra en grande partie de l’évolution des institutions africaines. La croissance à long terme nécessite le bon fonctionnement de l’état de droit qui assure, de manière rapide et fiable, la sécurité des personnes et de leurs biens. Malheureusement, l’Afrique a encore un problème avec l’État de droit.
Le nouveau millénaire a été particulièrement bon pour l’Afrique. Alimentée par une progression de la liberté économique et une forte demande mondiale de ressources naturelles, l’économie africaine a connu une croissance d’environ 5% par an en moyenne. Entre 2000 et 2013, le revenu par habitant corrigé de l’inflation a progressé de 1469 $ à 2002 $, soit une croissance de 36%.
Suite à cette hausse des revenus, plusieurs autres indicateurs importants du bien-être humain se sont améliorés. Le score de l’Afrique dans l’indice de développement humain des Nations unies est passé de 0,43 en 2000 à 0,49 en 2012. Il est cependant beaucoup trop tôt pour parler d’un véritable décollage africain, encore moins du siècle de l’Afrique. L’un des principaux problèmes de l’Afrique reste la faiblesse de ses institutions, qui sont, à leur tour, une condition sine qua non pour une croissance robuste à long terme, et une hausse soutenue du niveau de vie.
L’État de droit en Afrique s’est dégradé
Les recherches universitaires montrent que les pays ayant des institutions faibles sont capables de réaliser une croissance rapide mais ne peuvent pas maintenir cette croissance de manière soutenue à long terme. En d’autres termes, les périodes occasionnelles de forte croissance sont généralement suivies par d’autres périodes de stagnation économique ou pire de périodes de récession.
Les pays avec des institutions solides, au contraire, sont beaucoup plus susceptibles de maintenir des taux de croissance élevés au cours de périodes plus longues. C’est l’existence d’une économie relativement libre qui constitue la clé de la réussite du Botswana où, entre 1960 et 2013, le revenu par habitant a augmenté de 1 751%. Ailleurs, en Afrique, il n’a augmenté que de 150%.
Le problème est que l’État de droit en Afrique s’est dégradé au cours des dernières années. Ces forts taux de croissance n’ont pas empêché son érosion, accompagnée d’une aggravation de la corruption. Prenez l’Afrique du Sud, qui possède la plus sophistiquée et la deuxième plus grande économie du continent. Le président Jacob Zuma a fait face à 783 chefs d’accusation de corruption liés à un contrat d’armement. Son conseiller financier et intermédiaire est allé en prison. Zuma a cependant été disculpé de toutes les accusations de corruption seulement trois jours avant qu’il soit de nouveau intronisé président.
Depuis lors, de nouvelles allégations de corruption ont proliféré. La plus flagrante est sûrement celle liée aux dépenses de grosses sommes d’argent, aux frais du contribuable, dans l’aménagement de sa résidence privée. Zuma aura-t-il un jour à répondre de ses actes ? Probablement pas, car l’un de ses premiers actes, une fois en fonction, a été de supprimer les « Scorpions », l’agence de lutte contre la corruption de l’Afrique du Sud.
Difficile de voir se développer les entreprises productives
On peut prendre aussi le cas de la Zambie, que le magazine The Economist a qualifiée de l’un des «meilleurs élèves» de l’Afrique au cours de la dernière décennie. En 2012, Rajan Mahtani, un homme d’affaires politiquement connecté, aurait utilisé de faux certificats d’actionnariat afin de prendre le contrôle du Zambeze Portland Cement Company, d’une valeur de 160 millions de dollars, au détriment d’investisseurs italiens, qui ont ensuite été étrangement déportés de Zambie pour « une menace à la sécurité nationale ».
Les propriétaires d’entreprises Antonio et Manuela Ventriglia ont finalement réussi à revenir en Zambie après une grande décision de justice et ont repris le contrôle de l’usine. Antonio Ventriglia dit : « Pendant des années, nous avons subi des pertes de plus de 100 millions de dollars en raison de la corruption, mais maintenant, heureusement, il semble que l’État de droit soit de retour. Je plains les petits hommes d’affaires qui ont à faire face à l’intimidation et le vol sans avoir recours à une justice rapide et efficace ».
La connivence entre les hommes d’affaires et les politiciens corrompus d’une part, et l’État de droit faible, d’autre part, posent de sérieux défis à l’avenir de l’Afrique. Il est difficile de voir comment les entreprises productives peuvent se développer et comment l’économie africaine peut croître en taille et en sophistication, en l’absence de règles claires, prévisibles et applicables.
(*) Analyste pour le Cato Institute – Traduction de la Libre Afrique, juin 2015.