Les membres du comité professionnel de l’Hôtellerie, de la restauration et des cafés sont tiraillés, face aux tracasseries, entre l’instinct de survie et la tentation de plonger dans l’informel. Le vice-président national de ce comité, à la Fédération des entreprises du Congo (FEC), est un homme qui porte plus d’une casquette. Depuis près de vingt ans, il a réussi, non sans peine, à imposer son enseigne, L’Orangeraie, sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa. Il est loin de pratiquer la langue de bois.
Business et Finances : Comment appréciez-vous le bilan de votre corporation en mai 2015 ?
Paul Mido Onfere : C’est depuis mai 2009 que j’exerce en qualité de vice-président national du comité professionnel de l’Hôtellerie, de la Restauration et des Cafés. Combien y a-t-il de membres ? Sur 3 538 hôtels recensés au pays par l’Office national du tourisme, la Fédération des entreprises du Congo n’a enregistré que 57. Nous estimons que, sur l’ensemble du pays, 20% des entreprises seulement sont affiliées. La majeure partie opère dans l’informel. Quant à l’apport de notre secteur au budget de l’État, les statistiques ne sont pas disponibles, chaque entreprise déclarant directement son chiffre d’affaires à la Direction générale des impôts (DGI). Pour parler de notre situation financière, je dois préciser que les bonnes affaires dans notre secteur sont tributaires des retombées croisées de l’activité économique au pays. Ceci dit, le bilan est globalement mi-figue, mi-raisin. Néanmoins, aucun opérateur n’est disposé à rendre volontairement le tablier. Nous avons, par idéal, choisi cette filière. Nous continuerons donc à affronter tous les défis pour rendre service et, aussi, survivre. C’est pour cela que nous en appelons constamment à l’appui du gouvernement qui, chaque fois, nous abreuve malheureusement de promesses.
Auriez-vous des acquis dont votre corporation pourrait, aujourd’hui, être fière ?
Je dois être franc. Des mémos déposés au ministère de l’Économie au lendemain de chaque remaniement ministériel, ainsi que toutes les rencontres tant officielles qu’informelles initiées par la profession en direction des autorités, toutes ces démarches se sont invariablement terminées par des promesses. Sans plus.
Sur quels points portent justement vos griefs ?
Les opérateurs du secteur connaissent tellement de difficultés qu’ils se demandent, parfois, pourquoi continuer à travailler. Un cas très banal : de Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, en passant par Laurent-Désiré Kabila, chaque régime politique laisse non apurées nos créances. Celles-ci s’accumulant, ont déjà conduit à la faillite de plus d’un établissement. Y compris certains qui avaient pignon sur rue. Pis, les opérateurs ne bénéficient d’aucune mesure incitative de la part du gouvernement. Et, pourtant, l’État connaît le bénéfice qu’il tire de nos activités.
N’avez-vous pas gagné quelque avantage depuis que l’actuel gouvernement a réduit la longueur de la liste des taxes qui empoisonnaient le climat des affaires ?
C’est vrai que nous saluons le gouvernement pour avoir obtenu du président de la République la promulgation de l’ordonnance-loi du 23 février 2013 fixant la nomenclature des impôts, droits, taxes et redevances des provinces et des entités territoriales décentralisées, ainsi que leur modalité de répartition. La loi, non seulement réduit les taxes, mais répartit aussi les compétences et les faits générateurs. Malheureusement, sur le terrain, il se passe autre chose. Nous constatons qu’elle confère aux provinces la possibilité de créer d’autres impôts, voire d’entretenir la confusion. Conséquence : l’opérateur économique ne sait plus combien de taxes il doit payer, ni à quelle hauteur, ni à quelle administration. Un exemple : la taxe dénommée FPT (Fonds de promotion du tourisme) a été supprimée et remplacée par la TVA qui représente 16%. D’après nos informations, la taxe FPT serait en voie d’être restaurée à hauteur de 5%. Dans le cas où l’autorité décidait de faire un passage en force sur ce point, la taxe FPT viendrait pénaliser les opérateurs qui seraient contraints de payer 21% au lieu de 16% actuels (TVA).
L’entrepreneur congolais bénéficie-t-il de conditions particulières pour exploiter un hôtel ou un café-restaurant ?
Que l’on soit Congolais ou expatrié, il n’existe pas de conditions particulières pour obtenir des autorisations d’exploitation d’un hôtel, d’un restaurant ou d’un café. Résultat : on voit pousser de terre, comme des champignons, des hôtels, des flats, des auberges, des restaurants. Tout Kinshasa, pour ne citer que la capitale, est envahi. Mais, demandons-nous : quel est le taux d’occupation de ces hôtels ? Quelle est la qualité des services offerts ? Moi, je dirais zéro. Il faut craindre l’intrusion d’une forme de concurrence déloyale, qui s’annonce déjà au regard de gros moyens financiers dont disposent les investisseurs étrangers. Il n’empêche que les tracasseries classiques sont récurrentes.
Le Guichet unique a-t-il été utile à votre secteur ?
Personnellement, je ne suis pas satisfait. Le Guichet unique n’a pas tenu ses promesses. Nous avions chaleureusement applaudi son instauration avec l’espoir que, dorénavant, un opérateur économique s’acquitterait une seule fois de ses impôts et taxes et que, de cette façon, il serait protégé contre la multiplicité des taxes et les contrôles intempestifs des fonctionnaires véreux. Est-ce que ces objectifs sont atteints ? Pas encore. Il appartient au gouvernement de réajuster le tir sans tergiverser.
Que pensez-vous de l’adhésion du pays à l’OHADA ?
L’OHADA est une matière tout à fait nouvelle. Heureusement que, pour ses affiliés, la FEC avait mené une grande campagne de sensibilisation. Campagne, du reste, réussie. Les entreprises ont facilement basculé du Nouveau registre de commerce (NRC) au Registre de commerce et de crédit mobilier (RCCM). La FEC a même obtenu un délai supplémentaire au profit des entreprises établies en province, qui éprouvaient des difficultés pour acquérir des formulaires ad hoc. Le plus dur reste, pour nous, la maîtrise des arcanes comptables et juridiques du système.