Contribuer au développement des communautés vivant dans les zones touristiques, telle est, cette année, la préoccupation des responsables du secteur touristique. Rosette Saiba Lwanza, directrice générale de l’Office national du tourisme (ONT), s’est confiée à Business et Finances. Entretien.
Business et Finances : Comment se porte le tourisme en RDC ?
Rosette Saiba Lwanza : Jusque-là, le tourisme en République démocratique du Congo n’arrive pas à sortir de l’ornière, parce qu’il connaît beaucoup de problèmes et de contraintes. Mais les efforts sont en train d’être fournis pour le sortir de la léthargie
Quelle est la politique de l’Office national du tourisme pour qu’il y ait de plus en plus de touristes ?
C’est justement la mission qui nous est confiée : faire en sorte que les touristes viennent nombreux. Nous le faisons à travers des productions et des publications de plusieurs matériaux tels que des brochures, des DVD, des dépliants et notre site web à travers lesquels les touristes peuvent avoir des informations sur ce secteur. Chaque année, nous prévoyons des activités autour du thème de l’année. Cette année, le thème est : « Tourisme et développement communautaire. » Nous avons eu à organiser des journées de sensibilisation pour que les gens comprennent ce que c’est que le tourisme et son apport au développement du pays. Il ne faudrait pas que, quand les communautés voient les touristes venir, qu’elles pensent qu’ils viennent voler nos richesses. Elles doivent comprendre que ces touristes amènent des devises. Ils viennent dépenser leur argent chez nous. Mais encore faut-il que cette richesse profite aux communautés locales afin de susciter leur intérêt pour la préservation des sites.
Avez-vous les moyens de votre politique ?
Le gouvernement accorde un budget au secteur du tourisme à divers niveaux. Nous avons le ministère, le secrétariat général au Tourisme et l’Office national du tourisme. Il y a des lignes budgétaires qui sont prévues par l’état pour subvenir aux besoins de ce secteur. L’Office vit d’une subvention que le Trésor public lui alloue. Pour l’année 2014, l’enveloppe est de 117 millions de francs par mois.
Ce montant est-il suffisant ?
Evidemment, il est insignifiant par rapport aux besoins de l’office, c’est-à-dire le fonctionnement et la promotion du tourisme.
Les sites touristiques du pays répondent-ils aux normes ?
Comme office, nous n’avons pas de sites touristiques à proprement parler. C’est l’affaire des particuliers. Nous osons croire qu’ils sont entretenus et répondent aux standards internationaux. Du côté de l’état, il y a beaucoup de sites naturels qui demandent à être réhabilités, notamment les voies d’accès qui n’existent quasiment plus. Par conséquent, personne ne peut aller vers ces sites inaccessibles.
Comment jugez-vous l’interdiction faite aux chercheurs d’or d’accéder à la réserve d’Epulu, dans la Province-Orientale ?
Nous encourageons de telles décisions parce que si nous n’avons plus d’animaux, qu’est-ce-que les gens viendront voir ? C’est à Epulu que nous avons des okapis. Il y a quelques années, des inciviques étaient passés par là et les avaient massacrés. Sur toute la planète, on ne trouve ces animaux que dans notre pays. Imaginons un seul instant qu’on les extermine, qu’est-ce que la Réserve à faune à okapi (RFO) va représenter ? Rien du tout ! Or, à travers cette réserve, il y a des milliers de dollars qui entrent dans les comptes du Trésor public. Quand les touristes viennent, ils dépensent leur argent chez nous. Ils louent des hôtels et le pays en bénéficie. L’Office, qui ne gère pas de sites tels que les parcs, encourage, dans le cadre de sa politique de promotion, les touristes à venir tout en décourageant le braconnage.
Quelle organisation avez-vous mise en place pour l’accueil des touristes ?
Nous sommes un établissement public. L’état est propriétaire de l’ONT. Quoi de plus normal que l’Office travaille sous sa supervision. Mais nous encourageons ceux des opérateurs privés qui sont en train de se lancer dans la construction d’hôtels de haut standing. Nous encourageons également le gouvernement dans sa politique de réhabilitation des routes et d’autres infrastructures. Cela profite au tourisme parce qu’il y a des touristes qui nous demandent s’il y a des hôpitaux qui peuvent les prendre en charge, en cas de maladie, avant leur retour vers leurs pays d’origine. Dans nos dépliants, nous leur parlons de nouveaux hôpitaux comme celui du Cinquantenaire ou Biamba Marie Mutombo.
Etes-vous confiante dans l’éclosion de ce secteur ?
Je reste optimiste quant à l’essor du tourisme en RDC. Nous avons des richesses que nous n’arrivons pas à valoriser comme il se doit. Mais je garde l’espoir qu’avec la sensibilisation, les gens prendront conscience de l’importance du tourisme et que nous arriverons au niveau des autres pays comme le Kenya ou l’Afrique du Sud. D’ailleurs, nous sommes mieux lotis qu’eux. Nous devons arriver à transformer le potentiel en vraie richesse. Tout Congolais doit y contribuer. Nous devons tous arriver à faire la promotion du tourisme, en commençant par les chauffeurs de taxis qui transportent des touristes dans les aéroports. Ils doivent vendre l’image du pays à travers leurs tenues vestimentaires, leur honnêteté vis-à-vis du touriste. Ils doivent également avoir une bonne connaissance de la ville et être capables de raconter l’histoire du pays. C’est pourquoi nous organisons des sessions de formation avec l’Association des chauffeurs du Congo (ACCO) parce qu’il y a des gens qui peuvent être dans le secteur du tourisme sans le savoir. C’est pourquoi nous éveillons leurs consciences afin qu’ils comprennent cela.
Un potentiel peu exploité
Pays à vocation touristique, la RDC regorge d’énormes potentialités. Sa faune, diverse, comprend 7 parcs nationaux, dont 5 classés par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comme patrimoine de l’humanité; 57 réserves et domaines de chasse abritant toutes sortes d’animaux ainsi que des espèces rares telles que l’okapi, le bonobo, le rhinocéros blanc… La flore est composée d’une végétation riche dans une forêt dense, 3 jardins botaniques et 3 réserves de la biosphère. Le pays possède également une multiplicité de sites historiques et culturels éparpillés dans toutes les provinces. Au Bas-Congo, par exemple, l’on retrouve le Baobab de Stanley sous lequel le célèbre explorateur britannique avait passé deux nuits lors de son séjour à Boma. L’originalité de ces sites naturels ainsi que leur spécificité font de la RDC un des pays qui peuvent attirer le maximum de touristes. Mais les problèmes d’insécurité et d’accès à certains sites sont les principaux obstacles qui empêchent que ce potentiel soit bien exploité et freinent l’éclosion du tourisme. Par
ailleurs, le secteur du transport ne compte que 140 000 km de routes, dont 68 559 d’intérêt général et 1 441 d’intérêt local, dans un pays de 2 345 410 km² de superficie. Il y a aussi 175 aérodromes dont 5 de type international (Kinshasa, Lubumbashi, Goma, Kisangani et Gbadolite). Selon l’ONT, quelques pistes sont aménagées en brousse autour de certaines églises évangéliques et à l’intérieur des parcs nationaux.