Faute d’emplois, des jeunes, pour la plupart des pratiquants d’arts martiaux, se font recruter par des sociétés de gardiennage qui essaiment dans le pays ou par des particuliers comme portiers d’immeubles, de résidences, de surfaces commerciales, de boîtes de nuit… Mais la profession de portier est encore considérée comme un sot métier par la majorité des Kinois car il ne nourrit pas son homme. Pourtant, dans une ville comme New-York, c’est une spécialité au même titre que l’Empire State Building ou les taxis jaunes. Aucune ville au monde n’a une telle concentration de portiers d’immeuble. Pour les touristes qui débarquent pour la première fois à New-York, ils sont impressionnés par ces personnages en casquette et uniforme, qui servent à ouvrir les portes des penthouses de Park Avenue ou des grands ensembles du Queens.
On compte environ 15 000 portiers à New York, en majorité des hommes.
C’est, historiquement, une profession d’immigrés : des Irlandais d’abord, des Européens de l’Est et puis, maintenant, de plus en plus des Latinos. Mais les New-Yorkais, à les entendre, seraient perdus sans eux. Ils font fonctionner les ascenseurs dans les vieux immeubles, distribuent le courrier, réceptionnent les livraisons, annoncent les visiteurs, aident à transporter les sacs de supermarché, assurent la sécurité et offrent toutes sortes de petits services : ils changent les ampoules, sortent le chien, vérifient que les enfants prennent le bus scolaire…
Métier des moins que rien ?
« Notre boulot consiste à apprendre les habitudes des occupants pour leur faciliter la vie. J’ai un locataire qui, tous les matins, me fait un signe avec le pouce pour me dire d’appeler son chauffeur », explique Xavier Luzolo, 41 ans, qui officie depuis trois ans dans un immeuble chic de Kinshasa. Et il ne fait pas cela pour les pourboires selon une idée reçue. « On nous considère comme des moins que rien, comme des gens qui n’ont pas de formation scolaire. Bref, comme des mendiants.
Ce n’est pas comme dans les films, où le portier tend la main en tournant la tête. L’immeuble, pour moi, est une grande famille, raconte-t-il, sanglé dans un costume qui, mis à part le galon doré, fait plus banquier que portier. Adrien Panzu, 56 ans, portier de boîte de nuit raconte : « L’autre jour, un habitué médecin a vu que mon rhume n’allait pas mieux. Il a sorti de l’argent de sa poche et m’a prescrit un médicament ». « Dans mon immeuble, les gens me donne à manger, des cadeaux… », ajoute Roy Matingu, 44 ans, qui travaille dans un supermarché.
Si à New-York, il s’agit d’un boulot plutôt bien payé : 40 000 dollars annuels, plus toutes sortes d’avantages, comme l’assurance-santé, sans parler des pourboires – du coup, les portiers ont tendance à rester en poste à vie -, il est vrai que chez nous c’est encore une profession pour laissés-pour-compte. Les portiers ne gagnent pas grand-chose : « Autour de 100 dollars par mois sans compter les pourboires. Pas de quoi s’organiser socialement ou attirer des belles filles. Pourtant ils rendent d’énormes services », explique Timothée Angbengba qui a en vue la création d’un syndicat des portiers.
D’après lui, c’est une profession puissante : « À New-York, quand les portiers ont menacé de faire grève en avril 2016 pour une augmentation de salaire, les New-Yorkais ont tremblé. Lors de la dernière grève, en 1991, la ville avait été paralysée, car les éboueurs, les livreurs, les réparateurs refusaient, par solidarité, d’entrer dans les immeubles ». À la différence des concierges parisiens, les portiers ne vivent pas sur place. Mais cela ne les empêche pas, même s’ils restent discrets, de connaître tous les secrets de l’immeuble, les mauvais payeurs, les ménages qui s’engueulent, les alcooliques, les hystériques…