Pourquoi Kabila est l’homme de l’année 2016

« Cher Directeur de la Rédaction de Business et Finances, en tant que lecteur assidu de votre journal, j’ai lu avec intérêt la Une de l’édition n° 107 et je partage votre choix de l’homme de l’année porté sur le Président de la République. Voici les raisons qui militent en faveur de mon choix qui est aussi le vôtre.

Notre article « Kabila l’homme de l’année 2016 » paru à La Une de notre édition n°107 datée du 6 au 13 janvier suscite des commentaires auprès des lecteurs, qui nous les font parvenir. Ci-après, le courrier de Bonaventure Mundele, résident à Kinshasa.

« Ce Joseph Kabila est un miracle pour le Congo », s’était écrié Louis Michel, alors commissaire européen au Développement, avant de rejoindre quelques années plus tard le cercle de ceux qui cherchent des poux sur la tête du président congolais, 46 ans le 4 juin prochain. Mystérieux, le chef de l’État congolais le demeure au point de prendre souvent à contre-pied ses collaborateurs et tous ceux qui, sous le label d’expert de la RDC, prophétisaient un durcissement du régime allergique à toute alternance politique. Il a préféré la paix à l’épée, gage de la stabilité socio-économique et de l’émergence de la RDC.

Un Nobel de la paix, pourquoi pas !

Un Nobel de la paix à Joseph Kabila. Pourquoi pas ! Faire et laisser braire, le chef de l’État s’y est employé pour rassurer les Congolais sur la tenue des élections générales dont la présidentielle, alors même qu’il continue d’essuyer la tempête des critiques de la classe politique, de la société civile en interne, ainsi que des vagues de préjugés du genre Mobutu light de la part des chancelleries occidentales et des ONGDH internationales. Je suis persuadé que d’ici 2018, Kabila mènera la RDC à son  troisième cycle électoral démocratique tout en tenant au principe sacro-saint, pas plus de deux mandats de suite. Reste à l’autre camp, le Rassemblement qui reprend la primature, de trouver un quidam, en tant que chef du gouvernement, à même de trouver les moyens nécessaires pour permettre à la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) d’organiser les élections.

Contre l’avis de sa famille politique, Kabila va d’ouverture en ouverture, admettant que les délégués du pouvoir concèdent même aux petits détails redondants du Rassemblement… au nom de la paix et de la stabilité économique

Joseph Kabila fait peur. Mais pourquoi ? On se souvient que devant les notables du Katanga, Kabila s’est demandé pourquoi il fait tant peur. Il a dû recourir à des passages bibliques pour faire montre de sa bonne foi quant au respect de la constitution. Et il y a eu cette sortie médiatique de l’ancien Gouv de l’ex-Katanga, Moïse Katumbi, avec sa métaphore de l’arbitre qui accorde trois penalties dans un match de football. Il y a peu, dans son discours sur l’état de la Nation, Joseph Kabila a fait comprendre que la constitution était claire sur son sort. Mais les propos du chef de l’État ont été « nkuruzizés » – pour reprendre l’expression d’une gazette satirique de la place faisant allusion au président burundais prêt à tout pour conserver le pouvoir – par les leaders d’opinion dont la toute puissante Église catholique… dont on dit hostile au pouvoir. En témoigne l’homélie de la Noël de l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Monsengwo.

La main tendue à la CENCO réputée proche de l’Opposition

Et pourtant, c’est à la même Église, en fait à la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), qui a, par ailleurs, quitté les assises du Dialogue de la Cité de l’UA, que le président Kabila a tendu la main pour ramener le Rassemblement des forces politiques et de la société civile acquises au changement aux bons sentiments. Après qu’on a déploré plus de 50 morts, des commerces pillés et incendiés à la suite de l’appel à mobilisation du Rassemblement à partir du mois de septembre pour faire partir Kabila du pouvoir le 19 décembre 2016. De retour du Vatican, où quelques mois plutôt le chef de l’État avait effectué un voyage peu convivial, les évêques médiateurs ont haussé le ton en déclarant haut et fort avoir un plan B, synonyme d’un coup de force, si jamais, avant la Sainte Nativité, puis avant la Saint Sylvestre, aucun accord n’était obtenu au Centre interdiocésain.

C’est là où se tiennent encore les négociations entre la Majorité et le Rassemblement et alliés. Contre l’avis de sa famille politique, Kabila va d’ouverture en ouverture, admettant que les délégués du pouvoir concèdent même aux petits détails redondants du Rassemblement… au nom de la paix et de la stabilité économique. L’accord obtenu sous la médiation de la CENCO reconnaît expressis verbis que le chef de l’État ne se représentera pas à la prochaine présidentielle. Ce qui est pourtant une évidence constitutionnelle. Dans la conception purement politicienne et machiavélique du pouvoir, Kabila aurait lâché déjà au terme du régime 1+4. Général-major, il confiait volontiers que les militaires n’ont que faire de la politique. Sans doute par souci de ne pas laisser le peuple congolais et le tissu économique naguère en lambeaux qu’il a su recoller entre les mains des dinosaures de triste mémoire, revenus aux affaires par le truchement du Dialogue intercongolais. Kabila qui a accepté de partager le pouvoir pour l’unicité de la RDC, divisée suite à la guerre d’agression, s’est présenté à la présidentielle de 2006 en indépendant… loin des ambitions et des querelles politiciennes, alors qu’il est l’autorité morale du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) et alliés. Kabila l’emporta sur Jean-Pierre Bemba dont l’impulsivité faisait craindre le pire dans l’opinion. Vainqueur, Kabila s’est montré cependant ouvert à Jean-Pierre Bemba auquel il rendit visite… sans doute dans le souci de décrisper la situation tendue au lendemain du scrutin. Au lendemain de la présidentielle de 2011 dont Kabila reconnaît des ratés dans le déroulement, il a tendu la main au candidat malheureux, Etienne Tshisekedi. Malgré cette main tendue et la médiation des diplomates occidentaux, Tshisekedi s’est autoproclamé chef de l’État, a prêté serment et ordonné même aux forces de sécurité d’arrêter Kabila. Nul doute, pareille déclaration aurait, dans nombre de pays africains, contraint le pouvoir légal et légitime à user de la coercition.

Préserver les acquis

Soucieux de préserver les acquis de sa première mandature, dont la stabilité du taux de change, les réserves en devises de l’État qui ont dépassé le milliard de dollars en 2015, des réformes sociales, économiques et sécuritaires qui portent leurs fruits, Kabila regarde plutôt de l’avant. Il tient notamment à la poursuite du cycle électoral avec les élections provinciales et locales en vue de renouveler notamment le Sénat où Léon Kengo revient le plus aisément du monde, après son échec à la présidentielle. Hélas, les menées subversives des hors-la-loi de M 23, les effets exogènes de la crise financière internationale, etc., ont contraint le gouvernement à renvoyer à plus tard la tenue de ces scrutins. Mais par souci de maintenir la cohésion nationale, Kabila a initié les Concertations nationales qui ont abouti notamment à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Dans l’entre-temps, quoique ayant défait militairement les M23 comme auparavant le colonel déchu Laurent Nkunda, Kabila a offert à la bande à Makenga l’amnistie à travers les accords de Nairobi. Au nom de la paix et des relations de bon voisinage, Kabila avait encore surpris en ouvrant les frontières orientales de la RDC aux UDF ex-APR, l’armée rwandaise. Alors que l’alors président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, passé depuis à l’opposition, insinuait la haute trahison. Kabila, lentement mais sûrement, a su tirer son épingle du jeu, les frontières entre la RDC et le Rwanda sont nettement établies épargnant les villes frontalières de Bukavu, Goma que Kamerhe disait défendre dans ses diatribes contre le chef de l’État des intrusions jadis récurrentes des soldats rwandais.

Alors que le spectre d’une nouvelle rébellion dans l’Est hante les esprits, des mouvements dits citoyens, Filimbi et Lutcha, s’en mêlent. On a brandit à Kabila le calendrier constitutionnel. Les principaux pays occidentaux (États-Unis, Belgique, France et Grande-Bretagne) affichent une grande fermeté à la limite de l’ingérence. L’on croirait qu’ils cherchent à se venger de Kabila pour avoir embrasser les Chinois. Même les alliés régionaux font girouette. L’Angola s’est même payé la liberté de critiquer la RDC sur la question des droits de l’homme et des libertés publiques, et a brandi la menace des restrictions économiques. De tout cela, Kabila est resté de marbre. Même face aux allées et venues de l’envoyé spécial des États-Unis pour les Grands Lacs, Tom Pierello, qui a fini par agacer des jeunes de la Majorité présidentielle au point de porter atteinte à l’intégrité physique de l’émissaire d’Obama… De tous les événements qui se sont succédé en 2016, Joseph Kabila a su prendre de la hauteur, au nom de la paix.