Prix du pétrole, ça spécule dans tous les sens

En baisse depuis fin mai, les prix pourraient, selon des experts, repartir à la hausse après des tensions géopolitiques dans le Golfe et des difficultés de production dans plusieurs pays.

LES COURS pétroliers qui ont perdu près de 15 % de leur valeur depuis fin mai. Seulement voilà, cette « détente » du marché pétrolier est menacée depuis quelques jours par des tensions géopolitiques grandissantes. La première d’entre elles trouve sa source en mer d’Oman où deux pétroliers ont été endommagés, le jeudi 13 juin. Dans la foulée, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, ont accusé le « régime iranien ». Un événement qui a aussitôt provoqué un rebond des cours pétroliers.

La décision de l’Inde d’augmenter les taxes douanières sur 29 produits américains a également renforcé les inquiétudes des investisseurs. Si les produits pétroliers ne sont pas directement concernés, les tensions commerciales tendent à peser sur une croissance mondiale fragile, ce qui affecte les perspectives de la demande d’or noir. « Le marché du pétrole doit digérer aujourd’hui des informations inquiétantes sur l’offre, cette fois venant d’Inde », soulignent à ce sujet les analystes de JBC Energy.

Des signes de tension qui apparaissent alors que l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont toutes deux revu à la baisse leurs prévisions de demande dans leurs rapports mensuels. 

« Une remontée des prix est on ne peut plus crédible, et un retour des cours aux alentours de 90 dollars fin 2019, tout à fait envisageable compte-tenu notamment des difficultés de production en Libye, au Canada et au Venezuela », observe Benjamin Louvet, le gérant matières premières chez OFI AM.

Cet éventuel regain des cours de l’or noir est aussi alimenté par la fermeté affichée de l’Arabie saoudite, le chef de file de l’OPEP. Ces dernières semaines, malgré les pressions de l’allié américain, la monarchie sunnite a déclaré qu’elle était prête, avec les autres membres du cartel pétrolier, à abaisser encore davantage ses quotas de production. Le 7 décembre dernier, l’OPEP et la Russie, avaient décidé de réduire leur production de 1,2 million de barils par jour. Une décision qui avait été perçue comme un signal positif par les marchés même si les cours n’étaient pas immédiatement remontés. 

Accords de production

Ces accords de production décidés par ce regroupement informel entre l’OPEP et dix autres pays producteurs sont valides jusqu’en juin. Une réunion doit se tenir à ce sujet les 25 et 26 juin à Vienne. À plus long terme, un certain nombre de spécialistes s’accordent à dire que les prix pourraient connaître une hausse bien plus forte. Comme l’a annoncé l’AIE dans son rapport annuel sur les perspectives du marché en novembre, l’insuffisance des investissements dans la production pétrolière pourrait aussi entraîner un déséquilibre du marché mondial à moyen terme et donc favoriser une hausse des prix. 

Pour maintenir la production à son niveau actuel, les pétroliers doivent investir 630 milliards de dollars par an. Or en 2015, ils ont dépensé 450 milliards de dollars, moins de 400 en 2016 et pour 2017 et 2018 ces investissements se chiffrent à 450 milliards de dollars. « On se dirige vers une situation où l’on manquera de pétrole dans les prochaines années, poursuit Benjamin Louvet. Les investissements pétroliers sont de plus en plus faibles et dessinent le scénario d’un déficit d’offre ces prochaines années. »

Cette faiblesse des investissements pétroliers se heurte aussi aux lois de la physique. Dans les gisements conventionnels arrivés à maturité, la déplétion naturelle est de 5 % par an si l’on n’y investit pas pour en maintenir au moins le niveau de production. Selon l’AIE, le pétrole de schiste américain aura également du mal à combler ce manque. Le shale souffre en effet d’une faiblesse structurelle: contrairement aux hydrocarbures traditionnels, les puits de pétrole de schiste sont éphémères, chaque gisement contenant une quantité limitée d’hydrocarbures. Selon les spécialistes, au bout de dix-huit mois ces derniers perdent 70 % de leur productivité et leur durée de vie est d’environ cinq ans. Un ensemble de facteurs qui font craindre à l’AIE un effondrement de la production de pétrole en 2025.