Prix : les jours à venir seront décisifs sur le marché

Le 1ER Ministre a réuni le samedi 2 mai à son cabinet de travail les ministres du Budget, des Hydrocarbures, des Finances et de l’Économie. Au centre de séance de travail : l’analyse de la situation qui prévaut dans le secteur pétrolier, notamment la structure des prix. Le chef du gouvernement a recommandé la poursuite des discussions entre l’exécutif et la profession.

LES nerfs sont à vif. Pour le moment, c’est la frénésie qui caractérise le marché des changes et par conséquent les prix sur le marché. Le franc congolais frôle déjà la barre de 1 USD=1 900 CDF en une semaine après avoir atteint le pic de 1 800 francs le dollar la semaine du 20 au 26 avril. Une énième hausse à la pompe est redoutée, voire inévitable. Les prix du litre d’essence et de gasoil pourraient-ils connaître une augmentation d’ici là, alors que le marché des biens de consommation s’est déjà emballé ? Les discussions entre le gouvernement et la profession pétrolière devraient aboutir à un réajustement (à la hausse ou à la baisse, c’est selon) des prix du carburant à la pompe, estiment des observateurs, car l’exécutif est pour le moment sans défense. 

Acacia Bandubola Mbongo, la ministre de l’Économie, avait convoqué le jeudi 23 avril le Comité de suivi des prix des produits pétroliers (CSPP). Motif : revoir la structure des prix à la pompe, en fonction de la tendance actuelle à la baisse des cours mondiaux du pétrole, pour alléger un tant soit peu la charge sur le porte-monnaie de la population. Seules les sociétés congolaises ont été représentées à cette réunion. Les multinationales et leurs alliés (Total, Engen, Cobil, SEP, SOCIR) ont boudé. Réunis au sein du GPDPP, ils ont encore boycotté la réunion du lundi 27 avril, jugeant inopportune la mise en place d’une nouvelle structure des prix car la baisse des cours à l’international est circonstancielle. 

Mercredi 29 avril, aucun compromis n’a été trouvé. Les sociétés distributrices étrangères campent sur leur position de réajuster à la hausse les prix du carburant, sous la menace voilée de provoquer une pénurie. D’après elles, le volume mensuel de carburant pris en compte dans le calcul de la structure des prix est trop élevé et ne reflète pas la réalité. La ministre de l’Économie veut obtenir un rabais de l’ordre de 200 à 300 francs le litre. Le dernier réajustement des prix à la pompe remonte à novembre 2018.

La raison à la vérité

Rappel des faits. Depuis 2017, le Comité de suivi des prix des produits pétroliers (CSPP), un organe technique consultatif du gouvernement, placé sous l’autorité du ministre de l’Économie et composé d’experts des institutions du gouvernement impliquées, ainsi que de la profession pétrolière, insiste sur la nécessité d’actualiser les prix du carburant. Et depuis un certain temps, les pétroliers distributeurs font pression sur le gouvernement pour réajuster les prix à la pompe suite de la dévaluation continue de la monnaie nationale. 

Le gouvernement Tshibala avait fait fi du rapport de septembre 2017 du CSPP. Joseph Kapika Dikanku, alors ministre de l’Économie avait prétexté que « l’État a beaucoup fait en consentant des allégements fiscaux aux pétroliers afin de leur permettre d’équilibrer leurs états financiers ». De leur côté, les pétroliers distributeurs soutiennent que l’inflation ne leur permet pas d’équilibrer les comptes. D’où, il faut revoir à la hausse les prix du carburant à la pompe. En septembre 2017, le CSPP aurait proposé le litre d’essence à 1 815 francs et celui de gasoil à 1 805 francs. Mais le gouvernement a fixé les prix à 1 740 francs pour l’essence et 1 730 francs pour le gasoil. Aujourd’hui, le litre d’essence est à 2 240 francs tandis que celui du gasoil à 2 230 francs.

La situation n’offre aucune alternative à la République démocratique du Congo qui n’est pas un pays producteur de pétrole. Le pays produit une quantité insignifiante (environ 30 000 barils par jour), qu’il ne raffine pas. Les pétroliers distributeurs rappellent au gouvernement que les faits économiques sont têtus. Ils n’obéissent qu’aux règles du marché, c’est-à-dire à la loi de l’offre et de la demande. « Certes, la force est à l’État, mais la raison n’est pas toujours dans son camp. La raison est à la vérité ou à la réalité. C’est bien cela la logique économique », confie l’un d’eux.  

Cependant, « en tant que produits stratégiques, les produits pétroliers (tout comme l’eau, l’électricité et le transport en commun) ne se vendent pas comme tous les autres produits », rétorquent des experts du gouvernement. Ce dernier a mis une soupape de sécurité en vue de trouver avec la profession pétrolière le juste milieu dans la tarification. Comme on le voit, le désaccord persiste, et il porte essentiellement sur le taux de change, selon le regroupement des sociétés pétrolières en RDC. Qui reconnaît que le gouvernement fait « beaucoup d’efforts pour stabiliser le taux de change » mais cela n’est pas encore assez. Ce que demandent les sociétés pétrolières, c’est le rapprochement du taux de change et de la réalité, si l’on ne peut pas l’atteindre. 

En d’autres termes, les sociétés pétrolières demandent un taux de change qui leur permette d’accéder aux devises afin de refaire leurs stocks de carburant. La dépréciation du franc laissent des séquelles dans la trésorerie de ces sociétés qui ne savent plus se réapprovisionner auprès des fournisseurs, car, soutiennent-elles, elles vendent à perte. Pour les sociétés pétrolières en RDC, « corriger » le taux de change leur permettrait de rétablir l’équilibre financier dans la trésorerie et d’avoir directement accès aux devises auprès de la Banque centrale du Congo (BCC). Alors, la situation va rapidement se décanter. « C’est un problème technique ». 

Et c’est sur les éléments techniques justement que portent les discussions en cours entre le gouvernement et la profession pétrolière. Entre-temps, la BCC a annoncé qu’à partir de ce lundi 4 mai, elle va intervenir sur le marché des changes en vendant le dollar aux banques commerciales. Latentes au début de la crise du franc en 2017, les tensions autour des prix du carburant sont devenues de plus en plus manifestes. Le gouvernement avait parié que les prix du litre de carburant ne franchiront pas la barre de 2 000 francs. Pourtant, on y est. Les sociétés distributrices de carburant revendiquent toujours le coût de 2 dollars pour un litre de carburant. 

Effet domino

Quand les prix du carburant sont revus à la hausse, l’effet domino est immédiat sur les autres prix, notamment ceux des denrées alimentaires, ainsi que sur les tarifs dans le transport en commun (taxi, taxi-bus, bus). Ce sont ces effets que le gouvernement tient coûte que coûte à éviter. Le Comité de conjoncture économique du gouvernement s’est réuni le mercredi 29 avril autour de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre Ilunga Ilunkamba. Étaient présents Jean Baudouin Mayo Mambeke, le vice-1ER Ministre, ministre du Budget ; Elysée Munembwe Tamukumwe, la vice-1ER Ministre, ministre du Plan ; Jean Lucien Busa Tongba, le ministre du Commerce extérieur ; Acacia Bandubola Mbongo, la ministre de l’Économie ; Willy Kitobo Samsoni, le ministre des Mines ; Junior Mata M’elanga, le vice-ministre aux Finances ; et Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo. 

Jean Baudouin Mayo a fait savoir que le gouverneur de la Banque centrale a été instruit d’actionner les mécanismes nécessaires pour stabiliser la monnaie nationale actuellement encline à des fluctuations dues à la morosité ambiante de l’économie mondiale. D’après lui, le gouvernement est attentif à la situation pour contenir les paramètres macroéconomiques dans les fourchettes acceptables. « Cette crise économique s’exprime chez nous par la volatilité du taux de change, l’inflation et bien d’autres paramètres. Le gouverneur de la Banque Centrale du Congo a été instruit pour que la BCC intervienne sur le marché de change avec les méthodes qu’elle maîtrise pour arrêter la chute de notre monnaie nationale », a-t-il indiqué. Le chef de l’exécutif a demandé également aux ministres du Budget et des Finances de contenir les dépenses au même niveau que les réalisations des recettes.