Quand le fisc et la douane s’en mêlent

L’État peut-il espérer de substantiels revenus de la production et la commercialisation de son pétrole, conformément au nouveau code des hydrocarbures, appelé officiellement « loi sur les produits pétroliers et dérivés » ? 

La Direction générale des impôts (DGI) et la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD) ont reçu du gouvernement l’autorisation de recouper, auprès des pays importateurs du brut congolais, les statistiques des productions et des ventes effectuées par les pétroliers producteurs (PERENCO, MIOC…) ainsi que la structure et le volume des charges qu’ils ont projetées en 2015.

Principe de sincérité

Près d’une année après, les résultats de cette mission ne sont pas encore rendus officiellement publics autant que l’audit initié par l’État dans les entreprises pétrolières opérant en République démocratique du Congo. Mais en tout état de cause, le principe de sincérité convenu entre les pétroliers producteurs et l’État congolais à travers la désormais ex-COHYDRO dans l’exploitation de l’or noir dans le littoral de Muanda ne paraît guère porter des effets escomptés. Selon la loi portant reddition de comptes de l’exercice 2013, par exemple, les pétroliers producteurs ont versé un peu plus de 381,5 milliards de FC à l’État contre des assignations de 431,8 milliards de FC. Le manque à gagner se chiffre à quelque 35 milliards de FC au détriment de l’État. Et elles semblent s’éloigner, les perspectives d’atteindre les assignations de l’exercice budgétaire 2014 fixées à 410,4 milliards de FC.

D’après  la commission économico-financière et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, le volume de la production de l’or noir en RDC n’est connue ni de la Banque centrale du Congo (BCC), ni des régies financières dont la DGRAD. Les pétroliers producteurs, pour leur part, soutiennent travailler dans des champs ayant déjà atteint leur maturité. Par conséquent, le volume de la production va décroissant. Les seuls opérateurs en phase de production, à savoir PERENCO REP et MIOC disent engager des investissements lourds afin d’atteindre le volume de production de 23 à 25 000 barils/jour. Pourtant, en 2012, le 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo, s’est révolté, du haut de la tribune de l’Assemblée nationale lors de la présentation de son plan quinquennal, du fait que, depuis 1970, la production du pétrole stagne en dessous de 30 000 barils/jour.

Présomptions de fraude 

L’État congolais ne dispose pas de part en nature, même pas un litre ! Son représentant, la dorénavant Société nationale des hydrocarbures (SONAHYDROC), n’effectue, en fait, aucune opération de commercialisation du brut congolais. Les sociétés productrices versent en fait les revenus dus à l’État par le biais des services des finances spécialisés, dont la DGRAD et la DGDA (Direction générale des douanes et accises). Il s’agit, entre autres, d’un royalty de 12.5 de la valeur des hydrocarbures à la tête de puits, contrairement à la plupart des pays producteurs qui font référence à la valeur d’exportation. Les producteurs on shore paient également un impôt spécial forfaitaire de l’ordre de 50 % sur les bénéfices et n’expédient à la COHYDRO que les chiffres inhérents à la quantité du brut au titre des royalties revenant à l’État.

Les producteurs offshores versent à l’État d’abord une taxe statistique de 1 % sur les exportations du pétrole brut, puis 40 % de la marge distribuable après déduction de toutes les dépenses opérationnelles, y compris les frais de forages incorporels et puits secs. Ensuite, ils versent 20 % de participation perçus sur les 60 % de la marge distribuable des sociétés après déduction de la participation, soit 20 %, et des autres montants déductibles en vertu du régime du droit commun et qui n’auraient pas été déjà déduits. Ainsi le rôle de la Congolaise des hydrocarbures ne se limite qu’à une contre-expertise des données fournies par les sociétés productrices. En fait, une simple formalité car la COHYDRO n’en a pas les moyens.

Les producteurs apportent, en fait, tout le capital technique et financier pour les besoins de production du pétrole. D’après les experts, l’organisation particulière des opérations de l’extraction du brut trouverait son explication dans la recherche de minimisation des coûts de fonctionnement. Aussi, il est un fait que cette organisation a deux paliers, les sociétés titulaires de permis pétroliers, d’une part, les sociétés opératrices sur ces permis, d’autre part. Ce qui a pour effet de rendre l’État partenaire dans les opérations particulièrement dormant, un « sleeping partner ». En clair, dans l’on shore, par exemple, la société concessionnaire est la Société congolaise de recherche et d’exploitation de pétrole (SOCOREP), mais l’affermataire est PERENCO REP, ex-FINAREP. C’est elle qui traite avec l’État. Les programmes des travaux, le budget, son financement, le rythme de production et la fixation des prix à l’exportation sont l’apanage des producteurs.

Contrats de partage 

Les contrats des accords de concessions signés par la RDC présentent une grande similitude avec les premiers accords conclus dans l’industrie de l’or noir,  dans les années 1920. Dans ces accords, les intérêts de l’État et de sa population sont réduits à du menu fretin. Mais l’État tient désormais à trouver son compte dans l’exploitation de son or noir. Le 10 novembre 2014, le gouvernement a, à la faveur du Conseil des ministres, approuvé le projet d’ordonnance portant approbation de l’avenant n°1 au contrat de partage de production conclu entre la RDC et l’association Surestream Petroleum Ltd et la COHYDRO sur le bloc Yema et Matamba-Makanzi du bassin côtier de Muanda. Autres acquisitions des blocs pétroliers, le Ndunda en partenariat avec Eni Congo, le Nganzi avec SOCO/DRC et le bloc V dans le Graben Albertine.

Toutefois, les entreprises pétrolières de production qui opèrent en on-shore devront évaluer, en respect du principe de sincérité, des obligations par elles dues au titre de royalties, d’impôt spécial forfaitaire et dividendes. La DGI, la DGRAD ainsi que les pétroliers producteurs devront retracer dans l’évaluation des recettes les données réelles sur la production estimée et projetée en 2015, sur le cours du baril à l’international, sur les revenus attendus de l’exportation. Mais le plus gros contrat de partage de production est celui annoncé avec pompe par Lambert Mende, en 2007, alors ministre des Pétrole et Gaz, entre la RDC et l’Angola, dans la cadre de la Zone d’intérêt commun (ZIC) sur l’Atlantique. Hélas, tout n’était que « supercherie d’État ». Dix ans après, le gouvernement ne reconnaît plus rien. Déjà, à la suite d’une question orale à la Chambre basse du Parlement, Mende s’était dédit, balayant du revers de la main ses affirmations d’antan selon lesquelles la RDC percevrait, rubis sur ongle, 600 000 dollars de son voisin angolais pour avoir signé le fameux contrat de partage.

Il y a peu, le ministre sortant des Hydrocarbures, Ngoy Mukena, s’est inscrit en faux, quant à un contrat de partage de production de pétrole dans la zone dite d’intérêt commun entre la RDC et l’Angola. Sonangol, la société d’État angolaise et COHYDRO de la RDC vont démarrer en mai la production d’un bloc pétrolier offshore partagé dans les 36 mois, avait pourtant soutenu son prédécesseur, Crispin Atama, en 2013. Poursuivant que l’Angola et le Congo vont négocier un nouvel accord de partage de la production pour le bloc 14C, une zone d’intérêt commun dans l’Océan Atlantique. Près de 10 ans après, le ministre des Hydrocarbures fait comprendre à qui veut l’entendre qu’il n’en est rien de tout. Il n’y a jamais eu un contrat de partage de production entre les deux entreprises publiques, la COHYDRO, Congolaise des Hydrocarbures, côté RDC, et Sonangol, côté angolais.