Représentant plus de 95 % du tissu économique national marocain, les TPME (toute petite, petite, et moyenne entreprises) demeurent le maillon faible de l’économie marocaine. Marginalisées et délaissées par les pouvoirs publics et le secteur bancaire dans les stratégies mises en place ces dernières années, les TPME sont aujourd’hui dans la ligne de mire des banques marocaines, qui leur promettent un meilleur accès au financement ainsi qu’un accompagnement convenable. C’est d’ailleurs le cas d’Attijariwafa Bank, qui vient de lancer un programme d’accompagnement de ces entreprises intitulé « Plan PME » et ayant pour but l’accompagnement personnalisé des PME marocaines, ce qui leur permettra de bénéficier de produits et services financiers innovants. Pourquoi donc ce revirement dans le positionnement des banques commerciales ? Aujourd’hui, la situation des TPME marocaines est préoccupante. Entre novembre 2016 et février 2017, la Confédération Marocaine de TPE-PME a recensé la faillite de 3 800 de ces petites entreprises.
Trop de garanties exigées
Parmi les nombreux obstacles souvent évoqués par les professionnels, on note l’accès au financement bancaire, qui reste l’une des contraintes majeures au développement de ces petites structures. D’après une étude publiée par Inforisk en 2015, les banques marocaines exigent beaucoup de garanties de la part des TPME, ce qui explique leur faible ratio d’endettement bancaire (dette à moyen et long termes/capitaux propres) chez les TPME marocaines, qui se situerait à 24 %. Ce ratio, selon la même étude, reste relativement faible d’après les standards financiers, qui estiment qu’il y a toujours une marge d’endettement en dessous de 100 % pour ce type d’entreprises.
Pour encourager l’accès des TPME aux prêts bancaires, le gouvernement s’appuie essentiellement sur la Caisse centrale de garantie (CCG), qui a mis en place le fonds de soutien financier des TPME en 2009. Ce fonds a pour objectif de cofinancer, avec les banques, les opérations visant le rétablissement et la pérennité de l’équilibre financier des TPME, sans oublier d’autres offres destinées aux TPE, à l’image de Mouwakaba, Ilayki, etc. Toutefois, le dispositif étatique mis en place pour financer les TPME, reste insuffisant, lent et pas toujours adapté aux besoins de ces TPME. Conscients de ce potentiel et les limites du dispositif étatique, quelques banques (BMCE Bank Of Africa et Attijariwafa Bank) se sont mobilisées à travers des caravanes dans plusieurs villes du Royaume, afin d’apporter du soutien à cette cible, qui constitue l’essentiel du tissu économique.
Une offre adaptée aux besoins
Par ailleurs, l’AWB a récemment lancé une offre censée répondre de manière adaptée aux besoins et aux attentes de chaque secteur. Ainsi, deux nouvelles offres du Plan PME ont vu le jour : Plan Automotive (conçu pour les investisseurs locaux et étrangers dans l’industrie automobile) et Plan El Kheir (dédié au secteur agricole). Si les banques s’intéressent autant aux TPME c’est qu’elles y gagnent quelque chose. En effet, les TPME sont un segment fortement porteur. À la différence des grands groupes, les TPME représentent un marché intéressant en volume. Avec plus de 1 300 000 TPME marocaines présentes sur le marché, les banques marocaines, qui étaient en mode prospection, comptent désormais accroître leur portefeuille clients.
En plus de l’importance numérique de cette catégorie, il existe naturellement d’autres motivations. Ainsi, après l’affaire de la Samir, considérée comme l’une des plus grosses faillites de l’histoire du Maroc, les banques marocaines font de plus en plus attention avec les grandes entreprises, par crainte d’enregistrer de lourdes pertes au niveau de leur bilan. En effet, l’épisode de la Samir a créé un séisme au sein des banques marocaines, dont les créances sont estimées à 8,5 milliards de DH (les grands engagements sont portés par trois banques : la Banque Populaire, Attijariwafa Bank et Crédit agricole). Quelques mois plus tard, les banques ont commencé à se tourner vers les TPME afin de diminuer le risque en le répartissant sur un plus grand nombre de ces entreprises, au lieu de prêter le même montant à une seule grande entreprise qui, en cas de faillite, fera subir à la banque une grosse perte.
À cela s’ajoute la rentabilité de ces petites unités. En réalité, le rapport de force des banques avec les TPME est bien plus qu’élevé qu’avec les grands groupes. Grâce aux budgets alloués pour les TPME, en constante hausse chaque année (6 milliards de DH en 2016 et 7 milliards de DH prévus sur l’année en cours chez Attijariwafa bank), ainsi que les liquidités dont elles disposent, les banques auront probablement tout à gagner avec les TPME si elles adaptent une stratégie de volume.
Cette dernière permettra aux banques de distribuer plus de crédits, même de montants relativement modestes, mais qui généreraient des économies d’échelles importantes (amortissement des frais fixes) sources de rentabilité, surtout si les défaillances restent limitées. Ainsi, renforcer la position des TPME est une condition majeure pour bâtir une économie marocaine compétitive. Avec leurs dernières initiatives, les banques ont franchi un cap mais auront encore besoin de quelques années pour cerner le comportement de cette clientèle.
Ceci dit, pour que cet intérêt profite aussi aux TPME, celles-ci devraient faire des efforts pour se mettre à niveau. En ce sens, les propriétaires des TPME ont intérêt à repenser et restructurer leur gouvernance pour qu’elle soit plus performante, en clarifiant notamment les règles du management au sein de leurs structures, mais aussi en réglant les problèmes de succession, vu leur caractère familial. Les propriétaires des TPME devraient également prendre conscience que s’ouvrir sur leur environnement, en l’occurrence les banques, n’est pas synonyme de perte de contrôle sur leurs affaires. Et que la transparence est devenue incontournable pour accéder aux financements.
L’ouverture de leur capital pourrait leur ouvrir de nouvelles perspectives afin de grandir et se développer. Pour ce faire, la mise à niveau de leurs ressources humaines et l’amélioration du taux d’encadrement dans leurs structures est incontournable pour relever le défi de la compétitivité. Bref, il est besoin d’une « petite » révolution culturelle parmi les responsables de nos TPME.