Dans le secteur des microentreprises, beaucoup d’initiatives sont l’œuvre de femmes et se concentrent surtout sur l’alimentaire. Cependant, le microcosme des petites et moyennes entreprises reste dominé par des expatriés.
La conjoncture économique difficile des années 1970 et 1980 a favorisé l’éclosion d’entreprises familiales ou de petite taille. Boutiques d’habillement ou de produits alimentaires et cosmétiques, garages, boulangeries, transports, bars, ateliers de couture ou de coiffure… continuent d’essaimer à travers le pays. Leurs promoteurs ont pour objectif d’assurer la survie ou de compléter leurs revenus. Généralement, ils n’ont pas de compétences particulières et pratiquent l’auto-emploi. Ils sont dépourvus de statut légal même s’ils paient parfois des taxes commerciales comme la patente. L’activité porte sur un micro-service, par exemple, une cabine téléphonique ou de change de devises, ou encore sur le commerce de détail. La force de travail et un petit fonds de roulement suffisent pour démarrer ce genre d’activités. Le travail a lieu dans la rue, à domicile ou sur un marché. Ce qui rend son potentiel d’évolution très faible ou inexistant.
Dans les activités génératrices de revenus, le créateur d’une microentreprise met souvent en œuvre des compétences techniques simples. Il est seul ou parfois aidé de membres de sa famille ou d’un apprenti quand c’est nécessaire. L’activité est réalisée à plein temps, mais sa petite taille lui permet simplement de subvenir à ses besoins. Son statut légal est souvent peu clair, mais il paie fréquemment des taxes. Son activité nécessite parfois des technologies simples, du petit outillage. Il n’a souvent pas de local permanent ni un fonds de roulement pour l’achat des matières premières et le renouvellement du petit matériel.
Beaucoup de ces activités génératrices de revenus sont initiées par des femmes. Selon des enquêtes nationales recoupées, la majorité des Congolaises exerce une activité économique, surtout dans le secteur agricole. Dans l’ensemble, depuis quelques années, c’est la femme qui joue de plus en plus le rôle de chef de ménage. L’homme est devenu soit incapable de subvenir aux besoins de la famille par manque de travail, soit décédé. La présence des femmes entrepreneurs est très remarquée dans le secteur des micro-activités : alimentation, habillement, quincaillerie… C’est dans ce secteur que l’on constate le plus d’évolution des activités, certaines aboutissant à de véritables entreprises.
Ceux qui créent des petites entreprises s’inscrivent dans une logique entrepreneuriale dès le départ, nécessitant un savoir-faire. L’activité est bien définie et exercée à temps plein par un « patron », assisté de membres de sa famille et, surtout, de salariés et d’apprentis. L’entreprise est souvent enregistrée (entreprise individuelle), paie des impôts et elle est quelquefois membre d’une organisation professionnelle. La technologie reste assez simple, mais elle nécessite toutefois des investissements et des équipements légers avec un local permanent. Le promoteur dispose d’un capital de départ et il peut y avoir un début d’accumulation de capital avec croissance. À l’intérieur de cette catégorie existe toute une frange d’entreprises dotées d’un réel potentiel de croissance et engagées dans un processus de diversification et de modernisation.
En République démocratique du Congo, les moyennes entreprises sont contrôlées dans une large majorité par des entrepreneurs étrangers : européens, américains et asiatiques. C’est ainsi que le gouvernement s’est fixé pour objectif d’assurer l’émergence d’une classe moyenne d’opérateurs économiques congolais et de protéger l’exercice du petit commerce. Pour atteindre cet objectif, il est prévu de réformer et d’actualiser le cadre juridique relatif à l’exercice des activités économiques, d’interdire l’exercice du petit commerce et des petites activités aux étrangers, de faciliter l’accès au crédit des PME et PMI, voire de mettre en place un fonds de garantie au bénéfice de celles-ci. Le promoteur d’une moyenne entreprise a une attitude réellement entrepreneuriale avec une vision à moyen et long termes, des capacités techniques et de gestions confirmées. Il a un personnel aux fonctions bien précises, son activité est bien spécialisée, parfois diversifiée. Son existence est légale dans la majorité des cas. La complexité technologique et la production en série nécessitent des moyens de production adaptés sur un site spécialisé. Un capital et un fonds de roulement parfois importants sont donc indispensables, mais ils sont souvent insuffisants. Le potentiel d’accumulation et de croissance est réel, bien qu’il soit freiné par le manque de ressources humaines et financières.
Depuis une quinzaine d’années, on assiste à une redistribution des rôles sur l’échiquier des affaires. Bien avant, on connaissait les Américains, les Français, les Belges dans les grandes entreprises ; les Grecs et les Indo-Pakistanais dans la panification ; les Portugais dans le commerce de produits alimentaires ; les Ouest-Africains dans le commerce de détail. Au fil des ans, de nouveaux investisseurs, d’origines diverses, s’installaient en communautés d’affaires au Zaïre. Les Libanais se distinguèrent dans la création de petites entreprises, bousculant ainsi les positions acquises sur l’échiquier. Ils avaient pris une place importante dans l’économie zaïroise dans les années 1970-1990. Mais, avec les produits venus de Chine ou de Turquie, mais aussi d’Europe comme l’Italie, l’Espagne, les Libanais ont perdu peu à peu leur position dominante. Et leur stratégie a changé. Ils délaissent volontiers le commerce pour investir massivement dans l’immobilier, notamment l’hôtellerie de moyen standing, dans la fabrication industrielle de pains et dérivés, dans la filière bois et dans la fourniture d’accès à l’internet (cybercafés)… Quant aux Ouest-Africains dont la présence est aussi très ancienne, ils bétonnent leurs positions dans le commerce de détail dans les marchés et les quartiers populaires. Depuis une dizaine d’années, les Chinois sont bien implantés, mais ils doivent compter avec la concurrence des Indiens, qui aimeraient bien leur prendre la place prédominante qu’ils occupent dans l’économie du pays. La présence chinoise s’est fortement développée à partir de l’année 2004, à la faveur du programme gouvernemental appelé les Cinq chantiers. Depuis, les Chinois sont partout. C’est dans la filière BTP (bâtiment et travaux publics) que les sociétés chinoises sont les plus visibles au Congo. Les Indiens, eux, marquent leur territoire dans le secteur du commerce, des supermarchés et de l’hôtellerie. Comme les nombreux détaillants chinois, les Indiens s’installent aussi dans les grandes villes, voire dans les villages, faisant de l’ombre aux commerçants ouest-africains (Sénégalais, Maliens et Guinéens) ou nationaux. Aujourd’hui, nationaux et étrangers sont présents dans tous les segments de l’entreprise et dans tous les secteurs : mines, bois, agro-alimentaire, construction, maintenance, commerce de détail, distribution, restauration, banque, services, professions libérales…
La concurrence s’aiguise
Chinois, Indiens et Libanais doivent faire face à la montée en puissance d’autres acteurs étrangers. Parmi les nouveaux investisseurs figurent des Africains qui font une percée en République démocratique du Congo avec l’implantation de banques (c’est le cas avec des Nigérians, gabonais et Camerounais), de boulangeries (Mauritaniens), de restaurants (Maliens) et de cabinets d’affaires (Sud-Africains et Ivoiriens). Parmi les investisseurs originaires des pays arabes, les Marocains sont particulièrement dynamiques. La présence marocaine est visible dans le transport aérien (avec Royal Air Maroc). Elle devrait se renforcer suite au protocole d’accord de coopération. Les Turcs et les Iraniens font également partie des nouveaux entrants sur le marché congolais. Bien évidemment, les nouveaux arrivants profitent de relations commerciales entre les États. Pour s’assurer des débouchés, tous les moyens sont mis en œuvre : lobbyings, relations d’affaires, rapprochement entre chambres consulaires, création de chambres de commerce bilatérales, expositions, voyages d’hommes d’affaires… Les investisseurs sont largement encouragés par les autorités, qui cherchent à attirer les investissements étrangers pour diversifier et développer l’économie du pays. Reste que le partenariat de ces investisseurs avec les entreprises congolaises, notamment les PME, est plutôt timide.