IL FAUT dire qu’avec la promulgation du code minier révisé, les opérateurs du secteur minier ont perdu un peu de leur éclat. Et la pandémie de coronavirus est venue remettre en cause le modèle de développement envisagé par les autorités du pays pour redynamiser l’économie du pays. Mardi 8 septembre, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a reçu à la cité de l’Union africaine une délégation des industriels miniers, en présence de Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, ainsi que de Willy Kitobo Samsoni, le ministre des Mines, et Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo.
L’audience a tourné essentiellement autour de la question qui fâche de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) remboursable et de compensation des crédits TVA. Mais les miniers en ont profité pour exposer d’autres problèmes liés à l’industrie minière en République démocratique du Congo, notamment le gel des comptes de certaines entreprises.
Désaccord ?
À propos de la TVA remboursable, le ministre des Mines a précisé au sortir de l’audience que tous sont tombés à peu près d’accord qu’il faut envisager « des mécanismes » de remboursement pour la TVA déjà collectée antérieurement. Et il a rappelé que cela avait déjà été débattu avec le gouvernement et « des pistes de solution » proposées sous forme de « perception en remboursement directe ». Une commission ad hoc a été mise en place pour passer à l’application. Concernant les compensations des crédits TVA, le ministre Kitobo a fait savoir que « les discussions » sont en cours et a dit espérer une solution dans les prochains mois car il faut faire un état des lieux de tout ce qui a été déjà fait.
Pour favoriser un bon climat des affaires, Louis Watum, le président de la chambre de mines de la RDC, a présenté les revendications des miniers en activité en RDC au chef de l’État qui s’est montré très attentionné. Concrètement, les miniers ont demandé que les comptes des entreprises minières qui sont bloqués soient ouverts rapidement. Disons-le, le gouvernement prend très au sérieux les revendications du secteur minier, premier pourvoyeur de recettes pour le Trésor public et de l’économie nationale.
Pour preuve, le Conseil des ministres du vendredi 11 septembre s’est penché longuement sur ces revendications après que le gouvernement a pris certaines mesures liées à la mobilisation des recettes. Il s’agit de mesures de suspension de l’exonération sur le paiement de la TVA à l’importation et des compensations des crédits TVA avec la redevance minière. Des mesures qui n’ont pas été accueillies favorablement par les opérateurs miniers.
En tout cas, dans le cadre des discussions entre le gouvernement et les opérateurs du secteur, des propositions sont formulées, a laissé entendre le porte-parole du gouvernement. Et de poursuivre : les recommandations doivent être entérinées par le Conseil des ministres. « S’agissant de la suspension de la perception de la TVA à l’importation, le gouvernement propose le passage à une TVA comptable d’auto-liquidation. Le mécanisme permettrait aux sociétés minières de ne plus payer la TVA auprès de la Douane mais de l’indiquer sur leurs déclarations d’imposition », a déclaré David-Jolino Diwampovesa-Makelele Ma-Mu Zingi, le ministre d’État, ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement.
Et d’ajouter : « Concernant la suppression des compensations des crédits TVA, le Conseil des ministres a décidé de sa suspension avant une évaluation. Pour ce qui est des crédits TVA des sociétés minières, le Gouvernement s’engage à rembourser aux miniers les crédits TVA, après l’audit paritaire sur le montant réel du stock de la TVA à rembourser. Une commission mixte gouvernement/opérateurs miniers sera mise en place pour déterminer le stock de la dette et les modalités de son remboursement. »
Pour ce qui est des avances sur les dividendes, le gouvernement ne trouve aucun inconvénient que cette question soit traitée au cas par cas. Quant aux avis à tiers détenteurs lancés par la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD), conformément à la loi, « qui ont été ressentis par les opérateurs miniers comme des tracasseries en ce que cela a conduit au blocage des comptes de certains miniers », le gouvernement va instruire la DGRAD d’en suspendre l’exécution. Par ailleurs, une commission mixte gouvernement/opérateurs miniers examinera la situation au cas par cas.
Révision du code minier
Il y a trois ans, la RDC voulait redynamiser son activité économique intérieure, en profitant au maximum des périodes d’embellie des cours des matières premières, afin d’accroître les recettes publiques et ainsi accélérer le processus de la diversification de son économie. Parmi les stratégies mises en place pour y parvenir, la réforme du code minier. En effet, la loi n°18/001 du 9 mars 2018, modifiant la loi minière n°007/2002 du 11 juillet 2002, consacre notamment la hausse de la taxe sur la production. L’ordonnance-loi n°18/03 du 13 mars 2018, fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central indique que cette taxe est passée de 2 % à 3,5 % du chiffre d’affaires sur les minerais « classiques » et de 2 à 10 % sur les minerais stratégiques.
Le décret n°18/042 du 24 novembre 2018 cite le cobalt, le germanium et le colombo-tantalite comme minerais stratégiques du pays. Le code minier modifié a en outre institué une taxe de 50 % sur les profits excédentaires ou super profits réalisés lorsque les cours des matières ou des commodités connaissent un accroissement supérieur à 25 % par rapport à ceux repris dans l’étude de faisabilité bancable du projet. Au niveau de la Banque centrale du Congo, la nouvelle réglementation de change a pris en compte les innovations du nouveau code minier.
Cependant, les sociétés minières présentes en RDC, dont la plupart avaient investi dans le cadre du précédent code minier, qui se voulait incitatif avec des facilités dans l’octroi des droits et dans le régime fiscal, ont mal accueilli les dispositions du nouveau code, soutenant que ces dispositions limiteraient la croissance de l’industrie minière au pays, impactant négativement la croissance économique de ce dernier. Pourtant, la révision des taxes, avec des mesures idoines d’encadrement, devrait permettre au pays de bénéficier des ressources indispensables pour la diversification et le développement économique du pays. Concernant particulièrement le cobalt, classé minerai stratégique en RDC, son cours enregistre des baisses suite principalement à l’exploration des ressources alternatives. Cependant, les perspectives demeurent encore favorables.