Quand les nouvelles provinces se dotent de leurs propres fiscs

L’argent, c’est le nerf de la guerre. La tension fiscale ne fait que monter dans certaines entités démembrées (Équateur, Province-Orientale et Bandundu), qui veulent disposer d’elles-mêmes. 

Jean Bamanisa, gouverneur de l’ex-Province-Orientale.
Jean Bamanisa, gouverneur de l’ex-Province-Orientale.

A chacun sa petite DGI, son semblant de DGRAD, son simulacre de DGDA… toutes regroupées en des structures monobloc montées de bric et de broc.

Quoique sans gouverneur et une administration plutôt en lambeaux, les nouvelles provinces, telles que l’Ituri et le Tshuapa, ne veulent plus rien attendre ni entendre de leur ancienne tutelle provinciale. Des régies financières, de fait,  sont mises en branle ça et là. Le régime fiscal s’en trouve perturbé et le climat des affaires devient délétère au jour le jour.

Les premiers couacs en Ituri

Dans l’ex-Province-Orientale, par exemple, les transporteurs routiers ne savent plus à quelle administration fiscale se vouer. Kisangani ou Bunia ? Selon nos sources, pour se soustraire à une double imposition de la taxe sur l’évacuation de marchandises, une flottille de camions remplis de divers produits agricoles est immobilisée sur la route nationale qui mène de Bunia (chef-lieu de la nouvelle province de l’Ituri) à Kisangani, naguère chef-lieu de la grande Province-Orientale, réduit présentement à la petite province de Tshopo. Avant le démembrement de la Province-Orientale, la taxe de 50 dollars, se payait à Kisangani, au bureau central de la Direction générale des recettes de la Province-Orientale (DGRPO).

Pour les élus provinciaux de l’Ituri, la DGRPO doit illico presto voler en éclats pour se muer en 4 directions distinctes comme la Province-Orientale divisée en 4 provinces. Ce que rejette fermement le gouverneur Jean Bamanisa, qui, en réalité, n’est plus que Gouverneur de la Tshopo. Voilà des semaines que des opérateurs économiques de la région font les frais du bras de fer fiscal entre Kisangani et Bunia sans que Kinshasa ne dise mot. Pourtant, tel un effet de domino, la guerre fiscale a franchi la frontière de l’Équateur déjà instable depuis des lustres.

A l’issue d’un conseil des ministres de l’ancienne province de l’Équateur qui s’est tenu, à la mi-août, le gouverneur par intérim, Sébastien Impeto, a  demandé aux nouvelles provinces issues de l’Équateur (Mongala, Nord et Sud-Ubangi) de transférer les recettes qu’elles perçoivent à la Direction générale des recettes de l’Équateur, donc à Mbandaka qui n’est plus que chef-lieu de la nouvelle province de l’Équateur.

Expédier les affaires courantes

Le gouverneur de l’ancienne province de l’Équateur et actuel gouverneur intérimaire de la nouvelle province de l’Équateur juge inadmissible que les députés des nouvelles provinces bloquent les recettes publiques qui, selon lui, doivent aider son gouvernement à expédier les affaires courantes, en attendant la mise en place des nouveaux gouverneurs. « Il n’y a pas de raison que les recettes soient bloquées par les députés et les chefs de divisions des nouvelles provinces. Je vais répercuter la disposition du vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, qui ne leur donne pas la responsabilité de gérer les provinces financièrement, mais ils doivent s’arrêter à poser des actes d’administration et de gestion », a affirmé le gouverneur sortant de l’ex-province de l’Équateur.

Réponse du berger à la bergère, les députés provinciaux de la nouvelle province du Sud-Ubangi, par exemple, disent se référer plutôt aux récents propos du conseiller juridique du ministère de l’Intérieur en charge de la territoriale, Albert Mpaka, qui avait soutenu que les nouvelles provinces sont autonomes dans la gestion de leur fiscalité. Déjà, en  juillet, les députés provinciaux du Sud-Ubangi avaient interdit au bureau de la Direction générale des recettes de l’Équateur à Gemena de transférer les recettes vers Mbandaka pour permettre à leur province de disposer de moyens financiers.

Dans le Bandundu morcelé en 3 provinces (Kwango, Kwilu et Maï-Ndombe), la  société civile locale exhorte plutôt les acteurs politiques à tempérer leurs ardeurs séparatistes et à accorder un régime de gestion des affaires courantes à la Brigade des recettes de Bandundu (BRB), le temps de la mise en place des animateurs des nouvelles provinces. Ce que le Sankuru n’accorderait nullement au Kasaï-Oriental. Dans cette nouvelle province quasi-monoéthno-linguistique, pays tetela, le dénominateur commun demeure l’affranchissement de la tutelle de Mbuji-Mayi. Des clivages, foncièrement ancrés dans les esprits et sans cesse attisés par des acteurs politiques, mettent déjà à rude épreuve la gestion de la future province. L’érection de Lusambo en capitale du Sankuru au détriment de Lodja qui dispose pourtant de jalons d’une administration a déjà fait l’objet d’une contestation officielle d’une partie des élus provinciaux du Sankuru. Le budget de l’État 2016 sera déterminant pour la viabilité des nouvelles provinces.