Quand l’importé supplante le local

La production du riz en République démocratique du Congo demeure encore trop faible pour couvrir les besoins nationaux. Par conséquent, le riz importé inonde les marchés congolais, particulièrement dans les grandes agglomérations.

Une rizière dans la région de Beni-Butembo, province du Nord-Kivu.
Une rizière dans la région de Beni-Butembo, province du Nord-Kivu.

Selon les statistiques agricoles de production de 2005 à 2009 publiées par le service national des statistiques agricoles relevant du ministère de l’Agriculture, Pêche et Elevage, la production rizicole en République démocratique du Congo vacille entre 315,48 et 316,88 tonnes par an. M. Daniel Dibwe Munkamba, chef de service de programmation et coordonnateur du secteur riz à l’Institut National pour l’Etude et la Recherche Agronomique (INERA), estime qu’il est difficile pour le moment de disposer des statistiques plus récentes sur la production nationale du riz qui soient fiables tant les réalités sur le terrain ne permettent pas d’avoir des données exactes. Qu’à cela ne tienne, plusieurs opérateurs économiques ne cessent de se plaindre du fait que des dizaines de tonnes du riz produites dans la Province Orientale et celle de l’équateur pourrissent sur place par manque d’acheteurs et des voies d’évacuations, demeurant encore dans un état de dégradation très avancé , vers les grandes villes, principaux marchés de consommation. A Kinshasa, par exemple, le riz de Bumba, un territoire dans la province de l’équateur et celui de Basoko, un autre territoire dans la Province Orientale, sont quasiment introuvables. Suite logique de cette insuffisance du riz local sur les marchés du pays, le riz importé a fini par inonder le marché kinois et supplanter le local.

La Thaïlande mène la danse        

Pour pallier aux impératifs de la forte demande intérieure en riz, le Congo démocratique se voit obligée de recourir de manière récurrente aux importations. Dans tous les points de vente de Kinshasa (marchés municipaux, marchés pirates, alimentations, dépôts,…), le riz provenant des pays asiatiques tels que l’Inde, le Pakistan, la Chine, et la Thaïlande, est ‘‘omniprésent’’. En tête de ces pays exportateurs du riz vers la RDC, vient la Thaïlande qui dispose de plusieurs marques de riz sur le marché kinois. Même chez les grossistes comme Congo-Futur, Socimex, Sokin n’est vendu que le riz importé d’Asie. « Crown rice, Lion, Novel, Baba, Delta Rice, Jasmine Rice, etc. » sont parmi les marques répertoriées dans ces grandes surfaces de vente où le sac de 25 Kg coûte environ 25 dollars tandis que celui de 50 Kg pratiquement le double, soit 50 dollars.

Une mauvaise qualité        

Les différents vendeurs et gérants de quelques points de vente visités, question de vérifier si le riz local garde encore sa place dans les rayons, ont une seule et même réponse : « nous n’en vendons plus pour multiples raisons. » Parmi ces raisons, explique le gérant du magasin Congo-Futur situé au coin des avenues Bokasa et Ruakadingi, « il y a des années, précisément quatre ans que nous avons arrêté de vendre ce riz parce que nos clients ne l’achetaient pratiquement plus. Par conséquent, nous ne faisions plus de bonnes affaires avec ça. »
Daniel Dibwe Munkamba de l’INERA admet que lors de l’atelier organisé dernièrement par son Institut, les experts du riz réunis ont unanimement reconnu que le riz produit localement en RDC est de mauvaise qualité, pas brillant ni collant dans la casserole, et contient des cailloux. Cet aréopage de chercheurs rizicoles a aussi constaté que « le riz local ne gonfle presque pas par rapport au riz importé. »

L’exception confirme la règle         

Contrairement à d’autres points de vente de la ville de Kinshasa, les rayons des magasins de Hasson et Frères continuent d’être approvisionnés en riz local, précisément le riz de Bumba dont le sac de 25 Kg est vendu à 22 000 Fc, environ 25 dollars au même titre que le riz importé. « Le débouché de ce riz n’est plus vraiment intéressant.de nos jours, les clients préfèrent le riz importé au riz local et estiment que 22000 Fc pour un sac de céréale de 25 Kg de mauvaise qualité est quand même un prix exagéré », déclare un client faisant les emplettes dans ce grand bazar. Le gérant de Sokin, sur Bokassa, témoigne de son attachement aux produits locaux dont le riz. « Je raffole le riz local produit, bien que traditionnellement, mais sans intervention exagérée d’engrais chimiques comme c’est le cas pour le riz importé », souligne-t-il. Et d’ajouter : « je ne mange que ça chaque jour. Mon épouse m’en achète à notre marché de N’Djili où ce riz est régulièrement vendu par ces dames qui s’approvisionnent auprès des riziculteurs de N’Djili et de Kingambwa.»