EN CONVOQUANT l’électorat le 23 juin et en ouvrant les bureaux de réception et de traitement des candidatures (BRTC), le 24 juin, la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) a effectivement lancé le cycle électoral 2018-2019. Au total, 171 bureaux ont été ouverts pour recevoir les candidatures à la députation provinciale, 169 pour la députation nationale et un bureau unique pour la présidentielle.
C’est en principe le 17 juillet que la CENI devait rendre publiques les candidatures retenues pour la députation provinciale. Tandis que le dépôt de candidatures à la députation nationale est programmé du 25 juillet au 8 août. Selon la CENI, sur les quelque 500 formations autorisées à fonctionner, seuls quelque 320 partis et 56 regroupements politiques ont déjà déposé leur logos. D’autres partis et regroupements politiques attendent leur agrément du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité pour pouvoir se lancer dans la course.
Quant à la caution électorale, elle varie selon les échelons électoraux. Les candidats devront payer environ 100 000 dollars pour l’élection présidentielle, 1000 dollars pour l’élection législative nationale par candidat, 620 dollars pour l’élection législative provinciale…
Selon plusieurs sources, la caution à la députation nationale a été payée, dans la plupart des cas, par les partis et les regroupements politiques en quête de siège. En réalité, par les fondateurs de partis. Tenez : un chef de parti ayant pignon sur rue et influent dans la Majorité présidentielle a payé la caution pour tous les candidats de sa formation à la députation provinciale. Comme si cela ne suffisait pas, il a lâché les membres de son parti en provinces pour rechercher des profils ayant une « base » avérée afin de les adouber aux couleurs du parti lors de la législative nationale prochaine, avec promesse de payer la caution électorale et de « sponsoriser » la campagne électorale. Sans blague !
Il n’est pas le seul à avoir une stratégie du surnombre pour peser sur l’échiquier politique national. D’autres partis sans assise populaire réelle « courtisent » des jeunes en les incitant à se joindre à eux, ou à créer d’autres partis pour constituer un regroupement, en échange de la caution électorale et du financement de la campagne. Passons !
Tout cela nous ramène à une seule réalité : où les partis politiques trouvent-ils de l’argent pour payer la caution électorale et financer la campagne électorale de leurs candidats ? Du coup, il se pose le problème de financement des partis politiques dans notre pays.
Les élections ont un coût
Une élection, c’est toujours beaucoup d’argent, en termes de caution et de campagne électorale. Un député confie qu’il a dépensé entre 300 et 500 000 dollars (toutes dépenses comprises) pour se faire élire en 2011. D’autres disent avoir dépensé moins que ça. Aujourd’hui, il est démontré qu’un candidat indépendant ne saurait supporter seul le coût économique de la campagne électorale. C’est pourquoi, dans les pays de tradition démocratique, le principe du financement des partis politiques par l’État est consacré dans la constitution.
En République démocratique du Congo, ce principe a été inscrite pour la première fois dans la constitution (de la transition) du 4 avril 2003 (art.12). Celle du 18 février 2006 l’a repris (art. 6, al.5), tout en renvoyant les modalités pratiques du fonctionnement des partis politiques à une loi. C’est précisément la loi n°04/002 du 15 mars 2004.
Tel que le jeu démocratique se déroule dans notre pays, depuis le 24 avril 1990, on est en droit de se demander ce que c’est un parti politique, quel est le rôle des partis politiques dans notre société, comment s’organisent les partis politiques, comment les partis politiques sont financés et surtout ce que c’est être militant d’un parti aujourd’hui…
S’engager dans un parti politique est devenu une banalité dans notre société. Pourtant, de façon triviale, un parti politique est « une association organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie commune, qui inspire son action, avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir ». C’est donc une organisation au service d’une idée, d’un idéal du vivre en commun. Des politologues font remarquer que l’affirmation du suffrage universel a permis le développement des partis qui animent la vie politique et participent au pluralisme, base de toute démocratie.
Aussi, distinguent-ils plusieurs types de partis : il y a les partis dits « de cadres », c’est-à-dire les partis de notables, de dignitaires, généralement des riches et se situent traditionnellement à droite (conservateurs) ou au centre-droite. En RDC, l’UDI, l’Union des démocrates indépendants, créé en 1990, constitué d’anciens dignitaires du régime de Mobutu, était considérée comme un parti de cadres. D’ailleurs, les Kinois s’en raillaient : « Union des dinosaures impunis ».
Il y a aussi les partis dits « de masses », d’existence récente suite au développement du socialisme et du communisme, disons suite aux injustices sociales. Ils ont pour objectif la transformation de la société et la réalisation d’un ordre social nouveau. Pour cela, ils s’appuient sur une organisation structurée et hiérarchisée et sur un grand nombre d’adhérents, assurant ainsi leur autonomie financière et permettant l’encadrement des électeurs. En RDC, l’UDPS (l’Union pour la démocratie et le progrès social) et le PALU (Parti lumumbiste unifié) sont considérés comme les partis de masses par excellence.
Il y a également les partis dits « d’électeurs » – notion apparue dans les années 1960 et liée à l’approche américaine (système des primaires) – caractérisés par la recherche du rassemblement du plus grand nombre possible de sympathisants, et s’attachent à la promotion d’objectifs consensuels. En RDC, bien des partis rentrent dans cette catégorie.
Le rôle des partis politiques
En RDC, le rôle des partis politiques a été inscrit dans la loi n°04/002 du 15 mars 2004. Aux termes de laquelle, un parti politique est « une association des personnes physiques de nationalité congolaise qui partagent la même idéologie et le même projet de société, en vue de conquérir et d’exercer démocratiquement et pacifiquement le pouvoir d’État ».
Les partis politiques ont donc pour rôle de concourir « à l’expression du suffrage, à la formation de la conscience nationale et à l’éducation civique ». Ils s’engagent par ailleurs à « promouvoir la démocratie en leur sein, les droits de l’homme et les libertés fondamentales et à ne jamais recourir à la violence ni à la contrainte comme moyen d’expression, d’action politique et d’accès ou de maintien au pouvoir ».
Le rôle d’un parti politique consiste donc à cimenter dans la conscience collective la notion de bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques. Il va de soi que ce rôle peut se révéler inefficace si les partis n’ont pas de ressources financières.
En démocratie, il est admis que le rôle essentiel des partis politiques est de participer à l’animation de la vie politique. De manière plus précise, les partis remplissent deux fonctions : ils sont les intermédiaires entre le peuple et le gouvernement. Généralement, le parti élabore un programme présentant ses propositions qui, s’il remporte les élections, seront reprises dans le projet du gouvernement.
Les partis de l’opposition, quant à eux, peuvent proposer des solutions alternatives à la politique de la majorité au pouvoir et ainsi remplir une fonction « tribunitienne » (selon l’expression célèbre de Georges Lavau, qui renvoie aux « tribuns de la Plèbe » sous l’Antiquité romaine), en traduisant le mécontentement d’un certain électorat populaire.
Cependant, les citoyens ont souvent le sentiment d’être « désabusés » par les partis, dont les membres au gouvernement ou au Parlement ne sont plus considérés plus forcément comme leurs meilleurs représentants et intermédiaires. D’où l’expression, en France, « Tous, pourris ! ».
C’est ce qui explique d’ailleurs l’augmentation du taux d’abstention aux différentes élections, ici et là.