Comme chaque année, le chef de la diplomatie chinoise va prendre son bâton de pèlerin et sillonner l’Afrique. Jusqu’au 6 février, Wang Yi visitera pas moins de quatre pays : le Malawi, l’île Maurice, le Mozambique et la Namibie. Dictée par les intérêts politiques et économiques du moment, la tournée a fait l’objet de négociations aussi discrètes que minutieuses. Une feuille de route dessinée par une équipe d’experts, de diplomates et de banquiers, les hommes de la Chinafrique.
L’émissaire : Wang Yi
Le ministre des Affaires étrangères est l’homme de toutes les missions, et surtout celui que le président envoie en éclaireur préparer le terrain sur le continent africain. Diplômé de la BISU (Beijing International Studies University) où il a étudié au département des études asiatiques et africaines, il est en poste depuis mars 2013 et la prise de fonction de Xi Jinping.
Si Wang Yi a fait l’essentiel de sa carrière diplomatique en Asie, et notamment au Japon, il a fait une entrée remarquée sur la scène internationale lors de sa visite en Israël et dans les territoires palestiniens en décembre 2013. En juin 2014, il a renoué les relations diplomatiques avec la Somalie et négocie, depuis, activement le déploiement des entreprises et de l’armée chinoise dans la corne de l’Afrique. Très attaché au rôle de l’ONU et de l’Union africaine, il est l’artisan du concept de « rêve africain » construit sur le modèle du « rêve chinois » prôné par son mentor Xi Jinping.
• L’ambassadeur : Kuang Weilin
Avec les États-Unis, la Chine est l’un des rares pays à disposer d’un ambassadeur exclusivement chargé des relations avec l’Union africaine, en la personne de Kuang Weilin. Un représentant de l’organisation panafricaine devrait également bientôt s’installer à Pékin. « Pendant de longues années, la Chine s’est appuyée sur la coopération bilatérale, c’est-à-dire d’État à État. Avec cette nouvelle mission, nous ajoutons une dimension multilatérale. La Chine veut montrer à l’Afrique et au monde qu’elle est prête à faire plus avec l’Afrique », a assuré Kuang Weilin lors de son entrée en fonction en mars 2015.
Le « monsieur Afrique » : Zhong Jianhua
Il est le représentant spécial de Pékin en Afrique depuis 2012. Ancien ambassadeur à Pretoria de 2007 à 2012, Zhong Jianhua est très actif sur le dossier du Soudan du Sud. Ce n’est pas un hasard : des soldats chinois sont déployés dans le pays dans le cadre de la mission de l’ONU et Pékin s’oppose toujours à des sanctions contre Juba. Ce n’est qu’en 2007 que le Parti communiste chinois en tant qu’instance politique suprême a créé une fonction de représentant spécial pour les affaires africaines. Cette décision a été prise suite aux recommandations du Foreign Affairs Leading Small Group (FALSG), une sorte de think tank réunissant les personnalités les plus influentes du PCC en matière de politique étrangère et de défense. Présidé par Xi Jinping, le président chinois lui-même, le groupe définit les grandes lignes de la diplomatie chinoise en Afrique.
Le professeur : Liu Guijin
Liu Guijin a été le premier à occuper ce poste de « monsieur Afrique », après avoir été ambassadeur au Zimbabwe (1995-1998), puis en Afrique du Sud (2001-2007). Il s’est particulièrement illustré comme médiateur au Soudan entre 2007 et 2012. Passé également par le Kenya et l’Éthiopie, il est certainement le diplomate chinois qui connaît le mieux le continent africain. Depuis 2012, il dirige l’Institut des études sur l’Afrique et l’Asie de l’Ouest, le département Asie-Afrique de l’Académie chinoise des sciences sociales (CASS) et préside la China-Africa International Business School à l’Université du Zhejiang. Son parcours illustre bien les liens étroits qui unissent, en Chine, le monde de la diplomatie et l’université.
Le penseur : Xu Weizhong
On lui doit quelques formules chocs sur la Chinafrique : « L’Occident nous envie notre politique africaine », « Les Européens ont toujours considéré l’Afrique comme leur jardin privé, c’est terminé », ou encore « L’Afrique ne peut pas copier la Chine, mais elle peut apprendre beaucoup plus de nous qu’elle ne l’a fait de l’Europe ». Des phrases que Xu Weizhong distille à foison dans la presse internationale et dans les conférences qu’il donne régulièrement à travers le monde. Son exemple favori est l’Éthiopie, où se met en place un partenariat sino-africain original.
Le sherpa : Lin Song Tian
Nommé fin juillet directeur du département Afrique du ministère des affaires étrangères chinois, Lin Song Tian est un fin connaisseur du continent. Il est notamment chargé du suivi du Focac, le Forum sino-africain, et de la mise en place des fameux 60 milliards de dollars promis par Xi Jinping à Johannesburg. Il prône notamment une approche tous azimuts de la relation avec le continent : coopération culturelle, académique, diplomatique et bien sûr économique. Il doit mettre en place le comité de suivi du Focac 2015 et prépare déjà le prochain sommet prévu à Pékin en 2018.
La banquière : Zhong Man Yin
Responsable de la section Afrique et Asie de l’Ouest au sein du ministère du commerce chinois, cette femme de caractère a œuvré l’élargissement de la nouvelle route de la soie à l’Afrique. Zhong fut diplomate en poste en Afrique du Sud de 2007 à 2012, puis chargée des relations économiques avec le continent avant de prendre son poste au ministère du commerce. Sa section joue un rôle crucial dans la promotion des intérêts économiques chinois sur le continent et coordonne les activités du gouvernement avec la chambre de commerce sino-africaine et le fonds sino-africain de développement.
Le monsieur sécurité : Zhao Changhui
Il dirige le département risque pays de l’Exim Bank, la banque chinoise d’import-export qu’il a rejoint en 1994. Spécialiste des questions de sécurité énergétique, il a décroché en 2004 son doctorat en économie à la prestigieuse université Renmin de Pékin. Il est à l’origine du Forum pour la coopération sino-africaine, le Focac, dont la sixième édition vient de se terminer.
Ce banquier stratège est l’architecte de la stratégie actuelle chinoise en Afrique dans les domaines économiques et commerciaux. Il a notamment représenté l’Exim bank à Abidjan de 1996 à 1999.