La loi sur les hydrocarbures a relancé un contentieux qui dure : la délimitation des frontières maritimes de la République démocratique du Congo. Sujet tabou (?) que personne n’ose aborder à haute voix, même si les commentaires ne manquent pas. Les spécialistes affirment que cette délimitation est conforme à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de Montego Bay (1982). D’après cette convention, les États côtiers ont des droits souverains sur l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol des fonds marins, notamment les ressources en hydrocarbures. Dans cette zone, définie par l’article 76 de cette convention, le plateau continental d’un État côtier s’étend jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base, lorsque ce rebord externe se trouve à une distance inférieure. Sa limite coïncide alors avec celle de l’extension maximale de la zone économique exclusive (ZEE), zone dans laquelle l’État côtier dispose du droit d’exploiter toutes les ressources économiques, dans les eaux, sur les fonds et dans le sous-sol.
Comme la ZEE, sa limite peut toutefois se situer à moins de 200 milles dans le cas où les côtes de deux États sont adjacentes ou se font face : une délimitation maritime est alors nécessaire pour définir les zones sous la juridiction de chaque État côtier. Lorsque la marge continentale s’étend au-delà de 200 milles, les États peuvent prétendre exercer leur juridiction, soit jusqu’à 350 milles marins des lignes de base, en fonction de certains critères géologiques. En contrepartie, l’État côtier doit contribuer à un système de partage des revenus tirés de l’exploitation des ressources minérales au-delà de la limite des 200 milles, géré par l’Autorité internationale des fonds marins.
Extension du plateau continental
Pour prétendre à cette extension, l’État côtier se devait de constituer et déposer un « dossier technique et juridique », au plus tard le 13 mai 2009, devant la commission des limites du plateau continental. Plus de 80 pays se trouvant dans ce cas de figure, dont la RDC, ont alors introduit des requêtes préliminaires auprès de cette commission visant à l’extension de leur plateau continental au-delà de 200 milles marins. Au-delà de la date butoir, toute prétention à l’extension du plateau continental est irrecevable. Kinshasa a introduit son dossier le 9 mai 2009. En réalité, il ne voulait pas manifestement mécontenter son allié angolais, Luanda, même si sa requête répondait à une exigence de la procédure. Ce n’est pas « la conséquence ni le point de départ d’un quelconque conflit », expliquait le gouvernement. « La RDC n’est pas prête à capituler, loin de là », affirmait Adolphe Muzito, alors 1ER Ministre devant des sénateurs, notant au passage que « notre requête aux Nations Unies visait à répondre à un double enjeu : d’abord, affirmer la souveraineté de l’État congolais sur des espaces maritimes dont il n’avait, pendant longtemps, pas clairement défini ni les frontières ni les espaces. Ensuite, assurer la souveraineté sur l’extension du plateau continental au-delà de 200 milles marins ».
Des sources proches du dossier affirment que Luanda avait vu rouge et aussitôt communiqué sa position sur la requête de Kinshasa. L’Angola a élaboré « sa » propre loi sur ses frontières maritimes et introduit sa requête préliminaire à la commission des limites du plateau continental. Avec ses propres calculs, mettant hors de portée les immenses champs pétroliers qui doivent revenir, en principe, à la RDC. En réaction, le gouvernement dit avoir introduit des indications pertinentes qui ont été envoyées aussi bien au secrétaire général des Nations Unies qu’au gouvernement angolais. Quelles sont ces indications ? On ne le saura pas. Tout comme on ignore les résultats des tractations encore en cours entre Kinshasa et Luanda pour la délimitation du plateau continental « litigieux ». Dans ce dossier, la ligne d’attaque de Kinshasa se déclinait en trois axes : renégocier l’exploitation commune des Zones d’intérêts communs (ZIC), scientifiquement et juridiquement définis comme étant les espaces sur les 5 km qui longent les deux limites latérales ; négocier le départ des sociétés de droit angolais exploitant des blocs pétroliers dans le couloir maritime congolais ou trouver toute autre forme de partenariat afin de favoriser l’esprit de coopération et de fraternité avec le voisin angolais présent au Nord, avec une frontière administrative avec la province du Cabinda et au Sud, une frontière naturelle avec le fleuve Congo donnant sur l’embouchure (le couloir maritime congolais). Depuis, plus rien. La RDC aurait-elle capitulé ?
Accord commercial bilatéral
On rappelle néanmoins qu’un premier accord avait été négocié en 2003 par le gouvernement de transition 1+4. En 2007, une délégation gouvernementale congolaise composée de neuf membres et conduite par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Antipas Mbusa Nyamwisi, avait obtenu la revisitation de ce premier accord, du reste mal négocié. Lambert Mende Omalanga, ministre des Hydrocarbures de l’époque, expliquait que le nouveau texte portait sur le développement commercial de l’exploration-production pétrolière dans la ZIC de recherche d’une longueur de 10 km sur 375 km sur l’océan Atlantique dont la découverte est assez intéressante et couverte par des permis d’exploration. Cet accord dit commercial serait le premier pas dans la résolution du contentieux relatif à l’exploitation des hydrocarbures au large du littoral congolais. Il a été ratifié par la loi du 16 novembre 2007 autorisant l’exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d’intérêt commun dont l’accord a été signé à Luanda, le 30 juillet 2007, entre les deux pays. Traduction : la question cruciale n’a pas été abordée. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Une commission chargée d’harmoniser les points de vue a été mise en place. Motus et bouche cousue.