Concrètement, les Congolais se demandent si le gouvernement a véritablement une politique industrielle. En principe, la croissance du Produit intérieur brut (PIB) par habitant autour de 8 % en moyenne entre 2009 et 2014 aurait dû amener de grands changements structurels dans le pays. En effet, l’Europe des années 1980, avec un taux de croissance moyen de 4 à 5 % par an, a rattrapé son retard par rapport aux États-Unis qui l’a aidée à se reconstruire à travers le plan Marshall. La Chine d’aujourd’hui qui a affiché un taux moyen de croissance de 9 % entre 1990 et 2012, a quasiment rattrapé son retard par rapport à l’Occident. Tout le monde voit que la Chine est en passe de devenir légitimement la première puissance économique du monde.
Malgré son caractère abstrait, la croissance c’est du concret dans le vécu quotidien. Elle se manifeste aussi à travers l’absorption du chômage et la réduction de la pauvreté dans le pays grâce à l’industrialisation. Aujourd’hui, la Chine est qualifiée d’« atelier du monde », ce qui justifie pleinement sa croissance. La République démocratique du Congo est encore tributaire notamment des produits alimentaires et autres en provenance de l’étranger. Cela montre que le pays est sous industrialisé, voire désindustrialisé.
Barrage d’Inga, moteur de développement
Sous la Deuxième République, la politique industrielle a été pensée autour de la centrale hydroélectrique d’Inga. Un projet pharaonique pour faire de l’ex-Zaïre à l’horizon 1980 l’une des trois premières économies industrielles en Afrique selon la volonté politique des dirigeants de l’époque. Comme on peut le constater, Inga n’est pas encore à sa phase terminale. L’autre maillon de l’industrialisation du pays, la Société sidérurgique de Maluku (SOSIDER), a été passée au compte pertes et profits.
Depuis 1990, il n’y a ni politique énergétique cohérente ni zones économiques ou industrielles spéciales viables ni encore parcs agroindustriels modernes, à l’exception de Bukanga-Lonzo. En plus, des unités de production industrielle, comme UTEXAFRICA, SOTEXKI, Cimenterie de la province Orientale, Sucrière de Kiliba, Pêcherie maritime du Congo…, ne sont plus que de lointains souvenirs. En 2012, le gouvernement, sous le cabinet Matata, a voulu reprendre la main en affichant son ambition de la relance industrielle qui tienne compte d e la situation de l’industrie existante et de la nécessité de reconstituer et développer le tissu industriel au regard de l’ambition d’émergence économique. Ce ne sont pas des propos, mais des programmes bien conçus et des actions bien articulées financés et mis en œuvre sur le terrain qui vont transformer la RDC et en faire un État émergent. Selon des experts et analystes économiques, les secteurs prioritaires sont les infrastructures, l’industrie manufacturière, l’énergie, l’agriculture, l’agro-industrie…
Le gouvernement a fait voter la loi de sauvetage des industries en péril au Parlement. Mais il ne fait rien sur le terrain pour promouvoir la relance des cultures de palmier à huile, coton, café, cacao, hévéa, riz… Bref, on ne voit toujours pas que c’est la priorité pour le gouvernement. Que dire de la protection de la main-d’œuvre congolaise et de la promotion de la classe moyenne ? La loi sur la sous-traitance qui entre en application dès l’année prochaine a été votée pour les Congolais et en faveur des Congolais. En RDC, la croissance a toujours été tributaire d’une impulsion exogène, c’est-à-dire venant à la fois du public et du privé. Ces derniers se sont focalisés sur des ressources naturelles, minières et agricoles. De 1940 jusqu’en 1959, l’industrie s’est fortement développée. Après l’indépendance, les quotas à l’importation ont renforcé l’industrie nationale. Si la colonisation a légué au nouvel État une économie productive et équipée, la croissance n’a pas suivi. Elle s’est arrêtée à cause surtout des récessions conjoncturelles, d’une baisse des investissements privés et de la fuite massive des capitaux. Une grande part de l’économie du pays reste cependant hors des indicateurs du PIB, étant donné que l’économie souterraine ou l’économie informelle reste majoritaire dans le pays.