Les travaux du Conseil d’administration international de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui se tiennent à Mexico en ce début du mois de juillet, vont déclarer la République démocratique du Congo « pays conforme » ou non.
Le statut de ce pays ne tient que sur le fil du rasoir. Dans la capitale mexicaine, la délégation congolaise, conduite par le ministre du Plan, Célestin Vunabandi, est suspendue sur la déclaration finale de la 27è session du Conseil : ou la RDC poursuit le chemin amorcé depuis quelques années ou elle est renvoyée aux études et doit remettre l’ouvrage sur le métier.
Un pays suspendu pour « défaut d’exhaustivité »
Dans le processus de l’ITIE, un pays est déclaré « conforme » quand il « a pleinement mis en œuvre les normes de base qui, selon une organisation de validation indépendante, respecte tous les indicateurs appropriés. Il dispose de cinq ans pour se soumettre à une nouvelle validation.» En avril 2013, la RDC avait été suspendue pour douze mois, en raison d’un « défaut d’exhaustivité ». Les données présentées dans le rapport 2011 du secteur minier avaient été recalées. Il a fallu revoir ces statistiques. Le nouvel exercice a permis de faire passer, de 773 millions à 948 millions de dollars, l’assiette déclarée par les entreprises minières et versée au Trésor public.
Pour produire la première version du rapport minier 2011, le Comité national de l’ITIE s’était buté à plusieurs difficultés dont le refus d’une soixantaine d’entreprises, exerçant au Katanga, au Maniema, au Kasaï Oriental, au Sud-Kivu et en Province Orientale, de montrer patte blanche. Ces sociétés devaient apporter la preuve de paiements de l’année 2011 et d’avoir été auditées. Des stratégies ont été échafaudées afin de recourir aux interventions directes des gouverneurs de provinces. Ce n’était pas la première fois qu’une partie au processus faisait remarquer le « défaut d’exhaustivité ». Le Comité national indiquait, lui-même, dans son rapport de 2010, que « l’initiative nationale a connu des progrès significatifs et que le processus de réconciliation 2010 fut de qualité. Cependant, les incertitudes soulevées, sur l’absence de certains flux et de certaines entreprises ne permettent pas de conclure à l’exhaustivité du périmètre ni à l’exhaustivité des paiements et des revenus présentés.» Concernant ces faiblesses, dans leur document d’« Evaluation du rapport ITIE 2011 », publié en février 2014, des organisations de la Société civile du Katanga notaient que « le secteur minier, pourtant porteur de croissance, n’apporte pas au budget de l’Etat congolais ce qu’il aurait du, s’il avait été mieux géré. La contribution réelle de la période 2007-2012, de l’ordre de 1,03 milliard de dollars généré par ce secteur, laisse quelque peu perplexe tout esprit doué de bon sens.»
Une suspension-interpellation
Plusieurs parties impliquées dans le processus ITIE-RDC avaient fait contre mauvaise fortune bon cœur la suspension intervenue en avril 2013. Le coordonateur national de l’ITIE-RDC, Jeremy Mack Dumba, était resté optimisme. « On avait exigé au pays de publier un autre rapport portant sur l’année 2011, au plus tard le 31 décembre 2013. Nous avons déposé la dernière partie du rapport sur le secteur des mines à cette date. La partie concernant les hydrocarbures avait été publiée en novembre 2013 et nous attendons le dernier mot du Conseil d’administration international», avait-il expliqué. Pour lui, cette mesure avait également démontré que le document produit avait « suscité de l’ intérêt et que c’était une opportunité de pouvoir améliorer la mise en œuvre du processus.» Quant aux organisations de la Société civile, elles avaient saisi l’occasion pour interpeller les autres parties prenantes, c’est-à-dire le gouvernement et les industries. Dans une déclaration publiée en avril 2013, peu après la notification de la mesure de suspension à la partie congolaise, les ONG avaient estimé que cette décision devait être mise à profit pour « améliorer la mise en œuvre du processus ITIE et revisiter le rôle des organes afin que chacun d’eux accomplisse effectivement ses attributions.»
Ces différents acteurs ont également une chose en commun : ils ne cessent de déclarer que leur participation à cette initiative est une « démarche volontaire destinée à insuffler une culture de traçabilité dans les ressources extractives et que ce n’est pas le résultat d’un effet de mode ». Lancée en 2002 à Johannesburg , en Afrique du Sud, lors du sommet mondial sur le développement durable, à l’initiative de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, l’ITIE veut contribuer à une répartition équitable des recettes provenant de la production pétrolière, gazière et minière, dans de nombreux pays où ces ressources sont énormes et, souvent, associées aux conflits, à la corruption et à la pauvreté. Cette réalité s’explique par « le manque de transparence et le non-respect de l’obligation de rendre compte, sur les paiements que les entreprises extractives effectuent auprès du gouvernement et sur les recettes que les gouvernements reçoivent de ces mêmes entreprises au titre de l’exploration et l’exploitation du pétrole, du gaz et des mines.» Pour les ONG congolaises, partie prenante à ce processus, « si la question de l’impact de l’ITIE sur la vie des populations pauvres n’est pas inscrite à son agenda, les jours de cette initiative, qui a suscité beaucoup d’espoir, sont comptés, ou, du moins, l’enthousiasme qu’elle a provoqué, risque de disparaître, petit à petit.»