Musicienne dans l’âme, cette chanteuse à l’allure douce et courtoise se métamorphose au contact de ses racines situées entre Kinshasa et Genève, en traversant d’autres univers.
« Jouer de la musique au Congo pour moi ce sont des retrouvailles entre moi et mes origines.» Telle est sa profession de foi. Découverte au Palm Beach et à la Halle de la Gombe où elle se produit régulièrement en solo ou avec son groupe, Rachel Nyangombe a su imposer un style de musique qu’elle nomme « afro-cosmopolite ». C’est un mélange de chant, de slam, de jazz, de reggae, de bossa nova et d’african techno. Entre calme et entrain, elle n’endort pas le public. Quant elle dit afro, explique-t-elle, « c’est parce qu’on est en Afrique et c’est ici à Kinshasa que notre musique a été créée. Le nom que porte mon groupe – Village Papa Nyangombe – en est la base. Elle est cosmopolite parce que ma musique s’inspire d’autres cultures, d’autres musiques. Elle s’adapte à la société, ingère tout autour d’elle. Je dis toujours à mes musiciens que nous sommes des New-Yorkais. Pourquoi ? Parce que New York reflète la diversité et on y trouve un peu de tout. Moi-même je n’y suis jamais allée. Mais je le pense. Cela veut dire qu’à New York quelqu’un peut vouloir une soupe chinoise, il va au coin de la rue, il la trouve. Après, il traverse de l’autre côté de la rue pour écouter du jazz. « C’est cette diversité-là que j’attends d’eux ». Elle aimerait que Kinshasa devienne afro-cosmopolite. C’est-à-dire une ville où « on peut être comme on veut, sans être uniformisé, ni catalogué, ni stéréotypé. »
Genèse d’un talent inné
Son don pour la musique vient de loin. C’est à Genève en Suisse, sa ville natale qu’elle fait ses premiers pas grâce à sa mère, qui était violoniste. Rachel Nyangombe se rappelle. « Je jouais du violon à la maison et ma mère surveillait mes répétitions ». À l’âge de 11 ans, elle entre dans un orchestre de musique classique pour jeunes où elle apprend à se familiariser avec la flûte traversière, avant de chanter dans une chorale à l’église. Pour Rachel Nyangombe qui est née d’une mère suissesse et d’un père congolais, il n’y a pas de moment où elle s’est dit avoir un goût pour la musique. « Je jouais comme il était normal pour un enfant d’aller jouer. Je ne me posais pas de question. C’était tout naturel. La musique était présente au quotidien dans ma vie et l’écriture aussi », déclare la jeune femme. Elle écrivait aussi des poèmes. « Il suffisait juste de rassembler cela avec de la musique quand je suis venue à Kinshasa en 2006. Réunir ce côté classique, mais aussi ce côté jazz, blues, reggae… de par mes écoutes. »
D’abord la danse…
Rachel Nyangombe a plus d’un atout. Arrivée à Kinshasa en 2006, la vingtaine, elle s’essaie d’abord à la danse. Mais, très vite, elle découvre que ce n’était pas son « truc ». La jeune femme se confie : « J’ai dansé pour la compagnie Jacques BanaYanga à une période de ma vie avec MJ 30 et Bénédicte du groupe Osase. J’ai arrêté pour créer mon propre groupe musical et me consacrer à ma véritable passion ». Son dada c’est écrire et composer des partitions. « J’ai fini par comprendre que c’est cela qui m’intéressait. Sur scène, je pouvais me compléter avec quelques notions des danses que je connaissais », souligne la chanteuse.
C’est plus tard, lorsqu’elle assiste à une séance de répétition de l’artiste Bebson de la rue que l’envie lui prend de créer son propre orchestre. Fin 2006, elle commence son perfectionnement en musique en travaillant avec le guitariste du groupe Spiritual Blues, Diego Compagnie. Elle joue en duo avec lui, puis elle finit par rencontrer BetabassBomandeke, un bassiste qui est devenu son mari avec et avec lequel elle a fondé, en hommage à son père décédé, le groupe Village Papa Nyangombe.
Une artiste aguerrie pour le live
Après une longue période de travail dans les coulisses, Rachel Nyangombe sort de l’ombre en 2009, avec un clip, « Chocolat », qui passe actuellement sur You Tube et à la télévision. C’est une chanson d’amour qui a beaucoup marqué la chanteuse : « Le public s’est vite approprié les paroles, les enfants peuvent prendre pour de la rigolade le refrain du clip en ajoutant des paroles qui ne sont pas dans le texte et pourtant c’est une chanson d’amour, sensuelle », dit-elle avec un sourire, sur le ton de la confidence.
Même si, pour le moment, elle ne compte aucun album à son actif, la chanteuse a plusieurs titres et compositions qu’elle joue dans ses concerts. Son plus grand succès, Rachel Nyangombe le doit à ses fans. Pleine d’émotion, elle raconte : « Il m’arrive de passer dans la rue. Des gens que je ne connais pas m’appellent « artiste » ou me dévisagent pour dire qu’ils me reconnaissent. Sans parler de tout ces petits qui se mettent à chanter mes chansons rien qu’en me voyant. C’est formidable. Ou encore toutes ces personnes qui viennent me voir aux concerts et à la fin me disent que : « C’est du bon boulot ». Elle se définit comme « une artiste live ». Une chose qu’elle apprécie énormément. « Comme je joue souvent en live, je travaille beaucoup plus sur les compositions. ». Mon instrument préféré est la guitare basse avec laquelle je travaille mes créations. Dans le groupe, je ne la joue pas. Je compose avec la flûte ou la voix, après je donne cela à un guitariste qui fignole la partition. »
Pas de temps à perdre
Avec un emploi de temps de ministre, la jeune femme passe de son métier d’artiste à celui de mère. Quand il n’y a pas de répétition, elle cesse de discuter de ses projets pour le groupe avec ses musiciens pour redevenir maman. « Je n’ai pas d’heures perdues », dit-elle. « J’ai toujours plus important à faire à côté. Je m’occupe de ma famille, j’ai trois petites filles qui ont besoin de mon attention ». Rencontrée dans un atelier de peintres, dans sa définition des choses, elle est convaincue qu’un artiste doit savoir « tout faire ». À ses heures libres, enfin, si elle arrive à en avoir, elle aime beaucoup marcher parce que « je fais des rencontres de gens, je vois des scènes ou entends des choses qui m’inspirent beaucoup pour mes textes et ma musique. »
Des projets, Rachel Nyagombe n’en manque pas. Elle compte sortir son premier single réalisé dans les normes et qu’elle a intitulé « Untel ». Mais aussi faire découvrir ce que fait le groupe Village Papa Nyangombe, l’adapter aux gens (« qui nous cataloguent des fois »). Le single sera inspiré du zouk love, ; mais à la manière du Village Papa Nyangombe avec un double sens de la provocation. Optimiste, la chanteuse croit dur comme fer en son travail : « Notre musique est accessible même en dehors du pays. Nous avons l’avantage d’être anglophoness, francophones et lingalaphones pour jouer ailleurs, contrairement à certains ».