LA MISSION des experts du Fonds monétaire international (FMI) ne donnera pas lieu à un examen par son conseil d’administration. D’ores et déjà, on retiendra utilement que les experts du Fonds dépêchés à Kinshasa se félicitent des « mesures prises par les autorités pour contrôler les dépenses publiques à l’avenir et les exhorte à intensifier la mobilisation des recettes ». C’est bon signe même s’il reste encore à faire. À Kinshasa, les experts du FMI ont rencontré des officiels, dont Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République ; Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre ; José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances ; Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC)… Outre les officiels, ils ont aussi conféré avec des représentants du secteur privé et de la communauté internationale à Kinshasa. Avec le 1ER Ministre, les experts du Fonds ont eu une séance de travail le mardi 25 février autour de leur mission d’évaluation du processus de mise en place d’un accord avec le FMI.
La note des experts
Mauricio Villafuerte, le chef de cette mission, a exprimé au 1ER Ministre sa satisfaction. En effet, les communiqués sanctionnant cette mission sont clairs. Ils reflètent les points de vue (déclarations) sous forme d’observations préliminaires des experts, qui, du reste, sont les opinions des services du FMI, et non pas nécessairement celles du conseil d’administration du Fonds.
De l’avis de ces experts, il se dégage des données préliminaires que « tous les objectifs quantitatifs et repère structurel, à fin décembre 2019, dans le cadre du programme de référence ont été atteints. Que, la situation macroéconomique est jusqu’à présent, relativement stable. Cependant, ils mettent un bémol : l’exécution du budget 2020, à la mi-février, laisse des inquiétudes, du fait des pressions sur les dépenses et de la faiblesse des recettes. Conséquence : le gouvernement a recouru de nouveau aux avances de la Banque centrale et il y a eu érosion des réserves en devises.
Malgré cela, les évaluateurs du FMI approuvent les mesures prises par les autorités du pays pour contrôler les dépenses à l’avenir, et, par conséquent, les exhortent à intensifier la mobilisation des recettes. Bref, on est fondé de dire que malgré quelques couacs ou incidents de parcours, la mise en application du programme de référence intérimaire approuvé en décembre 2019, évolue bien. L’expert en chef qui a conduit la mission à Kinshasa a déclaré ce qui suit : « Les première et deuxième revues du programme de référence seront combinées et formellement menées jusqu’en mai ».
Il appert qu’en 2019, l’inflation en glissement annuel est restée contenue à 4,6 % et le taux de change relativement stable. En revanche, la croissance a ralenti à 4,4 %, contre 5,8 % en 2018, principalement en raison de la baisse de la production minière. Cependant, les experts du Fonds ne se font pas prier : « L’exécution du budget jusqu’à la mi-février suscite des inquiétudes, en raison des pressions sur les dépenses et de la faible performance des recettes, qui ont entraîné des avances de la Banque centrale au gouvernement et une érosion des réserves internationales de la BCC. »
Au 31 janvier 2020, les recettes ont totalisé 499 milliards de nos francs, contre des prévisions de 540 milliards, tandis que les dépenses ont atteint 636 milliards sur des prévisions de 586 milliards. Soit un déficit de 136 milliards de francs couvert par 42 milliards (Bon du Trésor) et 94 milliards (avances BCC).
En clair, le gouvernement devra donc bien gérer la variation de crédit net à l’État, qui est le principal critère quantitatif de l’évaluation du programme de référence. Dans ses prévisions du premier trimestre 2020, le ministère des Finances table sur un excédent de 33 milliards de FC, conformément à son plan de trésorerie. Selon Vincent Ngonga, le directeur de cabinet du ministre des Finances, le gouvernement ne devait pas recourir aux avances monétaires de la Banque centrale courant février 2020.
Orthodoxie budgétaire
Suite à cela, les mêmes experts recommandent de « mettre immédiatement un terme aux avances de la Banque centrale et de rembourser celles accordées ». Le ministère des Finances a publié sur son site web un plan de trésorerie conforme à des prévisions de recettes réalistes. Pour sa part, le ministère du Budget a élaboré un plan d’engagement pour instituer des plafonds de dépenses pour tous les ministères et institutions.
Concernant la mobilisation des recettes, le gouvernement devra mettre en œuvre toutes les mesures envisagées dans le cadre du programme de référence, y compris le rétablissement du fonctionnement normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), tout en évitant l’accumulation des arriérés de crédit de la TVA. Par ailleurs, les autorités du pays devront agir dans le sens de réduire les pertes de recettes aux frontières dues à la fraude et à la contrebande et s’attaquer aux problèmes de gouvernance au sein des régies de perception des recettes.
Avec les gens qu’ils ont rencontrés, les experts du Fonds ont discuté des conclusions de l’évaluation. Ils ont exhorté les autorités à tenir compte des recommandations issues de cette évaluation, avec l’assistance technique des partenaires de la République démocratique du Congo. De ces recommandations, laisse entendre Mauricio Villafuerte, dépendra le passage à la prochaine étape des négociations en vue de la conclusion d’un programme formel avec le FMI pour faciliter l’octroi des crédits.
La RDC veut renouer avec le FMI. Si reprise il y a, le gouvernement pourra bénéficier des appuis budgétaires dont il a tant besoin en ce moment. Mais tout programme avec le FMI est assorti des exigences. Un nouvel accord formel ne serait possible que s’il est constaté la bonne gouvernance et la transparence, notamment dans la gestion des ressources naturelles. On se rappellera qu’en 2012, le gouvernement n’a pas réussi à convaincre le FMI sur sa capacité à conduire le PEG 2 dans les conditions conclues en décembre 2009.
Après une série de dérogations, le FMI a dû prendre l’ultime décision : mettre fin à l’accord formel avec la RDC. D’aucuns pensent que le renforcement de l’efficacité de la politique monétaire passe par le réchauffement des relations entre le gouvernement et le FMI. Ils se réfèrent à la photographie de la situation économique du pays d’avant l’accession de Joseph Kabila Kabange au pouvoir, en janvier 2001.
En 2000, la RDC se trouvait au fond du trou. Une inflation galopante à deux chiffres, des salaires impayés dans l’administration publique, un taux de change fixe (CDF/USD = 50 FC), une dette extérieure consolidée asphyxiante estimée à environ 14 milliards de dollars, rupture de coopération avec la Banque mondiale et le FMI…
La première action économique forte de Joseph Kabila a été de reprendre langue avec les institutions de Bretton Woods pour opérer des réajustements nécessaires dans la gestion économique et financière de la RDC.