(AFP) Par Pierre BRIAND KANANGA (RDCongo), 15 jan 2013 (AFP) – Le ministre de la Défense, Alexandre Luba Ntambo, a promis que 2013 verrait la réforme des Forces armées en République démocratique démocratique du Congo (FARDC) “passer à une vitesse supérieure” pour lutter contre les groupes armés et les rébellions actifs pour certains depuis près de 20 ans. Mais si cette réforme est à l’ordre du jour depuis longtemps, elle tarde à se matérialiser, tant la tâche est immense. M. Luba Ntambo a fait sa déclaration en fin de semaine dernière à Kananga, capitale de la province du Kasaï-Occidental (centre), alors qu’il présidait le baptême de la 9e promotion spéciale de l’académie militaire. Les 89 lieutenants, dont 3 femmes, formés en un an, rejoindront les 100.000 soldats des FARDC, qui composent une armée hétéroclite dont la réputation relève plutôt des malversations et des violences aux civils que des faits d’armes. Ainsi, lorsque la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) a occupé fin novembre Goma, dans la province du Nord-Kivu (nord-est), l’armée s’est repliée à quelques dizaines de kilomètres plus loin, à Minova, où des militaires sont soupçonnés d’avoir violé 126 femmes, tué deux civils et procédé à des pillages, selon l’ONU. La réforme de l’armée a été annoncée à plusieurs reprises. Des lois ont été votées mais certaines n’ont pas été promulguées, ont rappelé fin décembre 144 organisations non gouvernementales dans un appel intitulé “Urgence et nécessité de matérialiser la réforme de l’armée”. Malgré tout, le président Joseph Kabila, qui porte le grade de général après avoir été formé six mois en Chine, a répété dans ses deux derniers discours que la défense serait désormais sa “priorité”. Il a même renvoyé la loi de finances au Parlement, lui demandant d’augmenter la part allouée de la défense. Le budget initial n’a pas été révélé mais les parlementaires ont affecté à l’armée 86 milliards de francs congolais (70,8 millions d’euros) supplémentaires. Dès l’été dernier, alors que l’armée tentait de contenir l’avancée du M23 dans le Nord-Kivu, Joseph Kabila a lancé un recrutement qui, selon des experts occidentaux, n’a rencontré qu’un intérêt limité de la part de la population. En témoignent les chiffres: dans l’immense RDC, qui compte 68 millions d’habitants, 3.000 recrues se seraient présentées jusqu’à présent. Et faute de logistique, leur formation n’a pas encore débutée. “Le fait que les jeunes Congolais ne viennent pas s’enrôler en masse montre qu’ils sont sans doute plus conscients que leur gouvernement de l’état de déliquescence profond de l’armée”, commente Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale à l’International Crisis Group. Une troupe qui “vit sur la bête” De l’avis de tous les militaires occidentaux, diplomates ou coopérants, rencontrés par l’AFP, l’armée congolaise, qui s’était mutinée une semaine après l’indépendance en 1960, souffre d’une désorganisation chronique. Seuls quelques régiments disposent de casernes, ce qui fait des autres une troupe vivant sur le terrain avec femmes et enfants. Donc plus préoccupée de sauvegarder les siens en cas de combat. Lors des premiers affrontements avec le M23 en mai dans le Rutshuru, au nord de Goma, un témoin a expliqué à l’AFP que les soldats loyalistes n’avaient pas été ravitaillés pendant deux jours. Quand ils ont décroché devant l’avancée rebelle, “ils sont arrivés assoiffés et mourant de faim”, a-t-il expliqué à l’AFP. La semaine dernière, l’armée est intervenue contre un groupe armé qui avait envahi la localité de Mambasa, dans la Province orientale (Nord-Est). Elle les a fait fuir jusqu’à ce que le manque de munitions interrompe leurs tirs. Pour éviter une nouvelle catastrophe, les Nations unies ont aussitôt envoyé un hélicoptère pour les réapprovisionner – bien que cela ne soit théoriquement pas dans leurs prérogatives. Ancien ambassadeur de France, Pierre Jacquemot, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), a rappelé au début de l’année que la réforme de l’armée, sous le contrôle des bailleurs de fonds internationaux, était urgente afin que le gouvernement assure la sécurité de sa population. Mais au problème de désorganisation et de ravitaillement s’ajoute celui des salaires, qui peut expliquer la tendance de l’armée à “vivre sur la bête”, selon l’expression d’un attaché militaire occidental. Un homme du rang reçoit, quand sa solde n’est pas détournée par des supérieurs, 57.000 fc (46,6 euros), et un colonel 84.000 fc (68,7 euros). Cette modicité aboutit logiquement aux racket et extorsions dont les ONG sont témoins régulièrement. (AFP)